L’élite twitte

Le monde merveilleux de Twitter peut comporter des chausse-trappes. Prenez un joueur qui déclare forfait, blessé, pour un match de l’équipe nationale, mais qui poste une photo de lui pendant un concert de Lil Wayne, le soir du match, comme Gregory Van Der Wiel. Les clubs doivent-ils plus surveiller leurs footballeurs ?

Il y a quelques mois, Jérémy Taravel, qui jouait alors pour Lokeren, s’est excusé sur Twitter pour son comportement lors de la défaite 1-0 essuyée contre Mons. Il a utilisé les réseaux sociaux pour s’adresser aux supporters. Contrairement au défenseur international néerlandais du PSG Gregory Van Der Wiel il y a quelques semaines, Taravel a fait bon usage de ce moyen de communication pour entrer en contact avec le douzième homme. Mais dans quelle mesure les joueurs sont-ils libres d’envoyer leurs tweets dans le monde entier ? Les clubs ont-ils établi des règles ? La teneur générale est claire, en D1 : il n’y a pas de lois. Les clubs comptent sur le bon sens de leurs joueurs.

Règlement chez l’un, confiance chez l’autre

Seuls deux clubs de notre élite footballistique ont établi des directives concernant l’utilisation des réseaux sociaux : Anderlecht et le Racing Genk.  » Une charte reprend le règlement « , explique David Steegen, le responsable de la presse à Anderlecht.  » C’est surtout important pour nos jeunes, que nous surveillons attentivement. Cette génération a grandi avec ça et gère parfois mal la chose. Un de nos joueurs s’est, par exemple, blessé et l’a annoncé avant que le club ait eu le temps de faire un communiqué officiel. Cela pose problème au joueur comme au club.  »

Genk a également adjoint les réseaux sociaux aux conventions établies pour les interviews.  » Notre principale règle est celle du bon père de famille « , précise Jordy Hex, le manager en communication du Racing.  » Il ne faut pas égratigner de coéquipiers ni offrir de primeur pendant la période des transferts. J’ai clairement expliqué aux joueurs que ce qu’ils postent sur internet y laisse une trace indélébile.  »

Et les autres clubs ? Ils n’ont pas établi de règlement, même si la plupart y songent, à l’avenir. Il y a déjà eu des discussions mais il faut les finaliser.  » Pour le dire avec les mots de Jean-Luc Dehaene : – Onnepeutrésoudreunproblèmequequandilsepose « , déclare Xavier Louwagie, le responsable de la communication à Gand.  » Nous préférons appréhender l’aspect positif des choses. Il n’est pas exclu que nous imposions des règles à l’avenir mais pour le moment, ce n’est pas nécessaire.  »

Jeroen Gobin, responsable de la presse à Malines.  » Les joueurs représentent le club et ils le savent. Les réseaux sociaux recèlent beaucoup de possibilités pour entretenir les contacts avec les supporters mais nous laissons les joueurs libres. Nous comptons sur leur bon sens.  »

Jelle Brulez, le responsable de la communication de Courtrai, estime qu’il ne faut pas être trop dirigiste.  » Nous donnons des conseils et des directives aux joueurs mais de manière informelle. Notre entraîneur estime que les joueurs savent comment se comporter.  »

Ryan Donk, le précurseur en Belgique

Qu’advient-il si des joueurs postent quelque chose d’inadéquat sur leur page Facebook ou Twitter ?  » Des joueurs se sont déjà exprimés de manière négative « , reconnaît Herman Van De Putte, attaché de presse de Lokeren.  » Nous rappelons les coupables à l’ordre et cela nous incite à établir des règles. Les réseaux sociaux peuvent être un moyen de se libérer de ses frustrations, de sa colère, de sa déception et alors, on dit des choses qu’il vaudrait mieux taire.  » Louvain a vu un de ses joueurs critiquer la composition de l’équipe sur Twitter.  » Depuis, l’entraîneur ne l’a plus aligné « , spécifie Roel Van Olmen, collaborateur en marketing d’OHL.  » Je ne sais pas si c’est lié mais en tout cas, cela montre que les joueurs doivent rester sur leurs gardes.  »

Les clubs partent-ils du principe que leurs joueurs savent comment se comporter sur les réseaux sociaux ou préfèrent-ils leur prodiguer une formation spécifique ?  » Nous passons régulièrement en revue ce qui est bien ou pas avec les joueurs « , raconte Kirsten Willem, conversation manager du Club Bruges.  » Nous encourageons les joueurs à avoir recours aux réseaux sociaux car nous sommes conscients de l’impact positif qu’ils peuvent avoir pour le club comme pour le joueur.  »

Ryan Donk, ancien joueur du Club et précurseur du tweet en Belgique, a-t-il incité Bruges à utiliser plus systématiquement cette plate-forme ? Pas d’après Kirsten Willem.  » Disons que grâce à lui, plus de joueurs sont actifs sur Twitter mais je ne pense pas qu’il soit à l’origine d’un revirement au sein du club.  »

Depuis sa remontée parmi l’élite, l’été dernier, Ostende a changé de stratégie. Il a recruté un manager en marketing, Gianni Boone, qui a conçu une stratégie Facebook et Twitter en concertation avec la direction, les sponsors et les joueurs.  » Nous allons bientôt organiser des séances à l’intention des joueurs car c’est un média très intéressant. Les réseaux sociaux ne constituent pas un objectif mais un moyen d’atteindre les supporters. Nous devons bien sûr veiller à ce que les joueurs s’attachent davantage à l’aspect sportif qu’au reste.  »

Entraînement médiatique et personal branding

Waasland-Beveren, qui n’est actif en D1 que depuis une saison et demie, compte également se professionnaliser de ce point de vue.  » Nous sommes en train d’élaborer un programme « , explique Ward Callens, l’attaché de presse des Waeslandiens.  » Nous n’avons pas encore pensé au coaching médiatique car nous ne sommes pas vraiment envahis par la presse. Nous ne sommes sous les feux des projecteurs que dans des cas extrêmes. Nous ne devons donc pas nous presser.  »

Charleroi a recruté un manager en communication en septembre.  » Je vais rassembler les joueurs pendant le stage hivernal et leur parler des réseaux sociaux « , explique Jean-Michel Waroquier.  » Nous verrons plus tard s’il est nécessaire de coucher des règles sur papier mais jusqu’à présent, nous n’avons pas rencontré le moindre problème.  »

Se vendre soi-même est un moyen de se faire remarquer mais pour le moment, la D1 belge ne recèle pas de David Beckham ni de Cristiano Ronaldo. Depuis le début de la saison, Zulte Waregem a réalisé une première en notant le compte Twitter des joueurs sur leurs shorts.  » Nous avons repris cette idée au cyclisme « , selon Cedric Tack.  » Les joueurs qui n’avaient pas encore de compte Twitter, comme Sammy Bossut et Karel D’Haene, en ont reçu un. Ils l’utilisent de manière active, même si ce n’est pas une obligation. L’imposer serait inutile. Ce n’est pas notre objectif et ce serait contre-productif, de toute manière.  » Zulte Waregem mise sur ce personal branding, jugeant qu’il permet d’atteindre un public plus large.

Gilles Barbera, l’attaché de presse de Mons, est plus prudent :  » Twitter est facile à utiliser et donc très difficile à contrôler. Nous trouvons donc délicat d’encourager les joueurs à y avoir recours.  » Louvain a envisagé un moment de suivre l’exemple de Zulte Waregem.  » Mais nous avons estimé que notre popularité était encore trop limitée pour cela « , précise Roel Van Olmen.  » Ensuite, un footballeur ne reste pas éternellement dans un club. Pourquoi assurer sa popularité si on n’est pas sûr qu’il va rester ?  »

Anderlecht en pole

Le Lierse ne veut pas associer le compte d’un joueur au club.  » Nous considérons Twitter comme une affaire privée, qui ne concerne que le joueur « , explique Ben Bruynseels, l’attaché de presse du Lierse.  » Nous ne voulons pas nous mêler de ça. Le fait que pour l’heure, seuls deux de nos joueurs l’utilisent, Carl Hoefkens et Benjamin Lambot, joue évidemment un rôle dans cette réserve.  »

Waasland-Beveren trouve la piste intéressante mais ne passe pas encore à l’action.  » Nous considérons nos joueurs comme notre capital mais nous n’allons pas y investir notre énergie pour l’instant « , raconte Ward Callens.  » Ce sont de chouettes extras mais ils ne sont pas prioritaires, compte tenu de notre situation sportive.  »

Le Cercle Bruges et Malines ont l’intention d’utiliser les réseaux sociaux à l’avenir.  » Nous sommes en pleine restructuration puisque nous passons du statut d’ASBL à celui de SPRL « , précise Sven Jaecques, le directeur technique des Vert et Noir.  » Le département presse et communication va être remanié et nous nous investirons davantage dans les réseaux sociaux et le personal branding. Nous devrions être opérationnels en milieu d’année.  »

C’est également dans les intentions de Malines.  » Nous encourageons les joueurs à utiliser le #kvmechelen quand ils postent un commentaire sur un match « , raconte Gobin.  » Ils peuvent utiliser les photos de notre page et les partager mais cela ne se passe pas encore de manière structurée.  »

Et les grands clubs ?  » Ce n’est pas nécessaire à Anderlecht pout le moment « , répond Steegen.  » Nous avons le plus grand nombre de suiveurs et l’interaction avec le compte de notre entraîneur, John van den Brom, est bonne. Nous sommes en train d’améliorer notre site web. Nous allons en même temps consacrer une attention accrue aux pages Twitter de nos joueurs. Nous n’avons donc pas besoin de publicité supplémentaire sous forme de personal branding.  »

Pas de Facebook au Standard

Le Club Bruges incite les joueurs à augmenter leur interaction avec les supporters via les réseaux sociaux mais en laissant toute liberté à son personnel.

Au Standard, le concept est encore à ses débuts. Le club n’a même pas de compte Facebook officiel et il n’est actif sur Twitter que depuis deux ans.  » Nous ne nous intéressons pas au personal branding « , précise Pierre Locht, le team manager.  » Nous ne le jugeons pas nécessaire pour le moment. « 

PAR IGGY VAN DAMME – PHOTOS: IMAGEGLOBE

Zulte Waregem a réalisé une première en mentionnant le compte Twitter de ses joueurs sur leurs shorts.

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