L’élève du Prof Koster

Voici comment le jeune Croate du Club Bruges a trouvé sa bonne trajectoire.

Il y a 15 jours, pendant que les Diables Rouges s’inclinaient au stade Roi Baudouin contre la Croatie, le jeune… Brugeois IvanPerisic (21 ans) inscrivait l’unique but des Espoirs croates qui étaient vaincus 1-3, en match amical également, par la France.  » D’après les journaux croates, il semblerait que je ne sois plus très loin d’une sélection en équipe A « , affirme Ivan.  » Certains ont écrit que je mériterais de recevoir une chance. Il paraît que le coach SlavenBilic me suit attentivement. Mais la concurrence est rude à mon poste, avec des joueurs comme LukaModric, NikoKranjcar et même IvanRakitic,… que vous avez eu l’occasion de découvrir contre les Diables.  »

Perisic commence donc doucement à faire son trou. Une éclosion qu’il attribue à son passage en Belgique :  » Alors que je me trouvais sur une voie de garage à Sochaux, mon agent TonciMartic, l’ex médian de Mouscron, m’a conseillé le prêt de six mois que me proposait Roulers. Ce club n’évoquait forcément pas grand-chose chez moi, mais peu m’importait : j’avais d’abord besoin de jouer, où que ce soit. Le salaire n’était pas l’essentiel, pourvu que j’acquière du temps de jeu. J’étais même disposé à jouer gratuitement, s’il le fallait. Tonci m’a proposé deux clubs : Courtrai et Roulers. A Roulers, j’avais la quasi-certitude d’être aligné dans les plus brefs délais, puisque j’étais censé être un renfort dans la lutte pour le maintien en D1. A Courtrai, j’étais davantage considéré comme un joueur d’avenir, qu’il fallait encore laisser mûrir. Voilà pourquoi j’ai opté pour Roulers. Je ne l’ai jamais regretté.  »

 » Alain Perrin m’a abandonné à mon sort « 

Quitter Sochaux était une priorité pour Perisic :  » J’ai passé deux ans et demi là-bas. Ce fut une période très difficile pour moi, car on ne m’a pas offert la moindre possibilité de jouer. J’étais frustré, d’autant plus que j’avais l’impression de faire le maximum pour mériter une chance. Je travaillais aux entraînements, je faisais ce qu’on me demandait, mais je n’étais jamais récompensé sous la forme d’une sélection. Je reconnais que j’ai beaucoup appris là-bas, car j’ai fréquenté l’un des meilleurs centres de formation de l’Hexagone, mais il m’a manqué la cerise sur le gâteau. C’est AlainPerrin qui était venu me chercher à Split, alors que j’avais 17 ans et demi. L’affaire s’est compliquée dès le départ, parce que Hajduk refusait de délivrer mon bon de sortie. D’août à février, j’ai dû me contenter de m’entraîner et de jouer avec les Espoirs, jusqu’à ce que j’atteigne l’âge de 18 ans. On a remporté la Coupe Gambardella, une compétition de jeunes très importante en France, dont la finale se déroule au Stade de France en lever de rideau de la finale de la Coupe. Pour un jeune, c’est fabuleux. En fin de match, lorsque le stade se remplit pour l’apothéose, on approche les 80.000 spectateurs et une partie de ceux-ci était d’autant plus acquise à notre cause qu’en soirée, c’est l’équipe Première de Sochaux qui allait défier Marseille. Sochaux l’a emporté, c’est le seul club qui a réussi le doublé Coupe Gambardella-Coupe de France le même jour. Malheureusement, dans a foulée, Perrin est parti à Lyon en… m’abandonnant à mon triste sort. Les entraîneurs qui lui ont succédé, FrédéricHans pendant trois mois puis FrancisGillot (arrivé de Lens), ne m’ont jamais fait confiance. Le président est parti, lui aussi, et il n’y avait plus personne qui avait vraiment envie de me sortir du trou, puisque j’étais un achat réalisé par leurs prédécesseurs.  »

Le prêt de six mois à Roulers a permis à Perisic de démontrer sa valeur. A Bruges, il livre une très bonne première saison, qui aurait encore pu être meilleure.  » J’ai loupé la préparation, parce qu’une petite blessure contractée durant le tour final avec Roulers m’a contraint à l’inactivité durant deux mois, pendant l’été. En outre, je suis arrivé relativement tardivement à Bruges. J’avais eu quelques touches en Allemagne, j’avais même passé une semaine au Hertha Berlin, mais je n’étais visiblement pas une priorité là-bas. On envisageait même de me prêter durant la première saison, mais cela ne me disait rien qui vaille : j’avais déjà donné dans ce domaine. Je voulais des certitudes et le Club s’est montré le plus concret. Je savais que ses recruteurs me suivaient depuis un bon bout de temps, ils étaient presque chaque semaine dans la tribune de Roulers. Les rapports qu’ils avaient rentrés à mon sujet étaient bons, apparemment. Anderlecht s’intéressait à moi aussi, mais me considérait davantage comme joueur d’avenir. Au Sporting, on m’a dit : – Onestprêt àteprendredanslenoyau, maisonnepeutpastegarantiruneplacedetitulaire directement ! Avec le recul, je pense que j’ai effectué le bon choix. J’ai bien commencé la saison avec Bruges, mais à cause d’un manque de préparation, j’ai logiquement connu une petite baisse de régime par la suite. Je suis en train de retrouver mon meilleur niveau et j’espère pouvoir tenir le même rythme jusqu’à la fin des playoffs.  »

Double quatre, le numéro de la chance

Perisic joue en soutien des deux attaquants. Sa meilleure place, selon lui.  » A partir de cette position, je jouis d’une grande liberté pour me déplacer à gauche ou à droite. J’adore cela, et je me sens comme un poisson dans l’eau. Evidemment, si le coach me demandait de jouer flanc gauche, flanc droit ou même milieu défensif ou… libero, cela ne me poserait aucun problème. J’ai appris à défendre en France. En Croatie, on ne me l’avait jamais demandé. Je jouais comme n°10 ou comme attaquant, et aucun entraîneur n’exigeait que je participe au travail de récupération. « 

En vue de l’émission diffusée en direct lors de la soirée du Soulier d’Or, un reportage avait été réalisé en Croatie, dans la famille de Perisic. Ivan pouvait-il réellement prétendre remporter le trophée ?  » Je ne sais pas. Il ne fallait pas s’attendre à ce que je reçoive beaucoup de points durant le premier tour. Lorsqu’on joue dans un petit club comme Roulers, c’est difficile. Avec Bruges, on a déjà plus de chances de recevoir les faveurs des votants. C’était sans doute un peu tôt pour moi. « 

En tout cas, il est déjà très populaire : son maillot spécial For aBetterWorld, qu’il avait porté le 26 décembre, s’est très bien vendu aux enchères. Au fait, pourquoi porte-t-il le 44 ?  » A Sochaux, comme on m’avait souvent aligné au milieu défensif, on m’avait attribué le n°4. J’ai conservé ce numéro, d’autant plus facilement qu’à Roulers, c’était le… seul numéro encore libre. Je n’ai donc pas eu vraiment le choix, mais comme cela m’a plutôt porté bonheur, j’ai voulu le garder à Bruges également. Malheureusement, CarlHoefkens a signé au Club deux jours avant moi et s’est rué sur le n°4. J’ai donc opté pour le… double quatre !  »

Perisic estime avoir beaucoup appris en Europa League également. Et certains matches lui ont procuré un plaisir tout particulier. Celui contre le Partizan Belgrade, par exemple. Son but, il l’a savouré. Parce qu’il scellait la victoire d’un Croate contre des Serbes ? Il rit.  » Euh… oui ! Il y avait un peu de cela, je le reconnais. Mais aussi, pour l’ovation que j’ai reçue des supporters. Elle restera marquée en moi pour toute ma vie. « 

Perisic a aussi savouré la qualification pour les 16es de finales, au détriment de Toulouse :  » J’ai marqué tant lors du match en France que lors de celui au stade Jan Breydel. A un journaliste français qui m’interviewait, j’ai répondu : – J’espèrequecertains, ducôtédeMontbéliard, étaientdevantleurpetitécran ! C’était ma réponse à tout le football français, et plus particulièrement à Sochaux, qui n’a pas vraiment cru en moi.  » Revanchard, l’ami Ivan !  » En tout cas, je remercie la Belgique de m’avoir accueilli et de m’avoir permis de relancer une carrière qui avait tendance à s’engluer. Sur base de mon expérience, je conseillerais à tout jeune footballeur en mal de temps de jeu, d’effectuer un passage par votre pays. Le championnat est d’un niveau très acceptable, on peut y apprendre énormément, et cela peut constituer une rampe de lancement très intéressante.  »

Un père basketteur et… éleveur de poulets

A Roulers comme à Bruges, Perisic a travaillé avec deux coaches néerlandais : DennisvanWijk semble cependant très différent d’ AdrieKoster, vu de l’extérieur en tout cas :  » Peut-être, mais les systèmes de jeu sont fort similaires : un 4-4-2 de chaque côté, au sein duquel je peux remplir un rôle libre derrière les deux attaquants. C’est vrai que van Wijk insiste plus sur l’engagement, mais peut-être par rapport à l’équipe qu’il doit coacher. S’il ne dispose pas des mêmes moyens, il apprécie les joueurs techniques également, la preuve avec moi. Koster s’érige en coach idéal pour me permettre de progresser. Il est issu de l’école ajacide et essaie de nous enseigner tout ce qu’il a lui-même appris à Amsterdam. Il est très calme, arrête le jeu lorsqu’un exercice n’a pas été effectué correctement, mais à part cela, s’énerve rarement. Il me fait confiance et j’essaie de m’en montrer digne. Je sais que je dois encore beaucoup travailler.  »

Perisic habite toujours à Tourcoing :  » Une question de facilité pour ma s£ur, surtout. Elle m’avait accompagné à Sochaux, et aujourd’hui à 16 ans et demi, il est préférable qu’elle poursuive sa scolarité dans une école française. Personnellement, cela ne me pose pas de problèmes : je peux effectuer les déplacements vers Bruges avec JonathanBlondel et MaximeLestienne. Ma mère m’a également accompagné dans le nord de la France.  »

Son père, en revanche, est resté en Croatie :  » Il avait une exploitation de poulets, mais a récemment changé de métier. Il ne peut pas se permettre de venir vivre en France ou en Belgique, mais fait régulièrement la navette le week-end pour me voir jouer. Il m’a beaucoup aidé au début de ma carrière, ne serait-ce qu’en me conduisant tous les jours aux entraînements à Split alors qu’on habitait un petit village à 25 kilomètres de la capitale dalmate. Lui-même n’a jamais été footballeur, mais fut en revanche un basketteur de bon niveau. Il a joué en D2 dans le championnat de Yougoslavie, encore unifié à l’époque, et a même affronté feu DrazenPetrovic.  »

Combien de temps Perisic compte-t-il rester en Belgique ?  » Je ne sais pas. Je ne cache pas que, comme tout footballeur ambitieux, je rêve de porter un jour le maillot d’un grand club. C’est pour cela qu’on s’entraîne tous les jours. Roulers, c’était la première marche. Bruges, la deuxième. J’espère que je continuerai à gravir les échelons, mais… j’ai le temps. Je suis heureux à Bruges. J’ai besoin d’un coach qui croit en moi et qui n’ait pas peur de m’aligner. Je l’ai avec Koster, je ne suis pas certain d’en trouver un autre ailleurs. J’ai signé pour trois ans à Bruges. Je n’ai même pas encore terminé la première et vous me demandez déjà si je compte partir ? Peut-être mes prestations en Europa League ont-elles séduit l’un ou l’autre recruteur ? On verra. De toute façon, je n’ai pas mon destin en mains : si des candidats sont intéressés, ils devront discuter avec le Club et y mettre le prix. « 

« Anderlecht me considérait comme un joueur d’avenir, Bruges comme un joueur du présent. « 

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