L’ÉDUCATION DU PHARAON

Tempête médiatique, comparaisons audacieuses et étiquette plutôt encombrante de  » plus grand talent d’Égypte « . Mais qui est donc vraiment le nouveau transfuge égyptien d’Anderlecht ?

Entre le fantasque MagedSamy à la Chaussée du Lisp, le fantôme d’EmadMeteb à Sclessin et le fiasco MahmoudShikabala à Saint-Guidon, les Égyptiens ont souvent défrayé la chronique loin des terrains de Pro League. MahmoudHassan, ou Trezeguet pour les intimes, s’est engagé bien malgré lui sur la même voie à cause d’une histoire de photomontage qui a propulsé sur le devant de la scène un jeune talent censé grandir à l’abri des regards dans la relative intimité de Neerpede.

S’il fallait faire un parallèle dans l’histoire récente du Sporting, l’arrivée de Mahmoud Hassan pourrait s’apparenter à celle d’AndyNajar. Débarqué sans faire de bruit, presque par la porte de derrière, le Hondurien a grandi en silence avant de se frayer un chemin vers un poste d’incontournable du onze de base. La trajectoire rêvée de Trezeguet devait être celle-là. Le problème, c’est que l’Égyptien a débarqué sous le maillot mauve quand MbarkBoussoufa et le Sporting se quittaient dos à dos.

Qu’il joue plus ou moins au même poste que l’ancienne coqueluche du Parc Astrid, et qu’il porte le même nom que l’inoubliable Pharaon AhmedHassan. Le voilà un peu trop étiqueté à la hâte pour passer inaperçu. Et comme si ça ne suffisait pas, Ahmed Hassan en rajoute une couche dans les colonnes du Nieuwsblad :  » C’est un bon manieur de ballon, comme Boussoufa et moi. Il pourrait devenir meilleur que je ne l’ai jamais été. Avec sa technique, il va rendre le public fou de lui. « 

LE FAUX SOSIE DE TREZEGOL

Présenté comme un talent cajolé par toute l’Égypte, Mahmoud Hassan a travaillé ses dribbles et planté ses premiers buts dans l’école de football d’Al-Ahly. Pas seulement le plus grand club du pays, mais aussi la référence continentale. Hassan est un enfant du Real Madrid africain. Et un enfant plus doué que les autres.  » Quand j’étais petit, je jouais comme attaquant et j’étais le meilleur buteur de mon club « , raconte le joueur pour ses premiers mots en mauve et blanc.  » J’avais aussi la même coupe de cheveux que DavidTrezeguet, et mon visageressemblait au sien. D’où mon surnom.  »

Les années ont passé, et le déluge de buts s’est transformé en crachin. En 83 apparitions sous le maillot d’Al-Ahly, Mahmoud n’a trouvé le chemin des filets qu’à sept reprises. Des chiffres bien éloignés de ceux de son prétendu sosie.  » Il est capable de marquer des buts grâce à ses qualités footballistiques, mais c’est loin d’être un goleador  » affirme d’emblée JuanCarlosGarrido, l’ancien entraîneur du Club Bruges qui a eu le prodige égyptien sous ses ordres à Al-Ahly.

Un coup d’oeil sur la première apparition mauve de Trezeguet confirme les dires de son ancien mentor espagnol. Aligné nonante minutes lors de la rencontre des espoirs anderlechtois face à Zulte Waregem, Mahmoud a touché énormément de ballons, provoqué son vis-à-vis et lancé AaronLeyaIseka vers le but à plusieurs reprises, mais a bouclé la rencontre avec un seul tir, aussi lointain qu’inoffensif, au compteur.

 » Sans être un buteur, il a un talent suffisant pour conclure ses actions. Mais surtout, il peut trouver des solutions grâce à ses exploits individuels « , commente NaderElSayed, ancien portier du Club Bruges, devenu consultant pour la télévision.

PLUTÔT MILIEU OFFENSIF

Les premières impressions esquissent le portrait d’un joueur d’actions individuelles, profil ardemment désiré par BesnikHasi depuis plusieurs mois. Nader El Sayed confirme :  » Son jeu se base avant tout sur un très bon dribble, une excellente qualité de passe qui lui permet de délivrer des assists et la possibilité de jouer dans les petits espaces.  »

Et l’ancien dernier rempart brugeois de préciser que les flancs sont un refuge de choix pour un talent qui semble pourtant plus épanoui dans l’axe du jeu :  » Si vous évoluez dans un 4-2-3-1, il peut évoluer aux trois places qui se situent derrière l’attaquant de pointe, que ce soit dans l’axe ou sur un flanc. Dans un 4-4-2, par contre, il occupera plus facilement les flancs.  »

 » C’est un milieu de terrain offensif « , confirme Juan Carlos Garrido, qui plaçait également son teenager prometteur  » sur les flancs ou derrière l’attaquant « , à la pointe d’un triangle de l’entrejeu complété par HossamGhaly et SalehGomaa. Des positions qui lui permettaient de faire valoir sa qualité principale, à savoir la répétition incessante d’efforts avec ou sans le ballon :  » Le plus impressionnant chez lui, c’est son dynamisme. Il a une faculté à répéter les courses rapides, grâce à des capacités physiques au-dessus de la moyenne.  »

Vous avez dit nouveau Najar ? Avec un peu plus de sang-froid balle au pied, selon Garrido :  » Il est plutôt bon avec le ballon dans les pieds. Sa technique de base est intéressante, et lui permet de provoquer en dribblant son adversaire direct ou de participer à la construction. C’est d’ailleurs quelque chose qui lui tient à coeur : il veut toujours participer au jeu, il a besoin de toucher le ballon et de venir en aide à ses équipiers.  »

CHAMPION D’AFRIQUE… SUR LE BANC

 » C’est le genre de joueur que le public du Sporting aime « , a simplement résumé HermanVanHolsbeeck en évoquant le nouveau numéro 27 d’Anderlecht. Les fans amateurs de  » joueur YouTube  » ont sans doute été conquis en découvrant les vidéos du but de Trezeguet contre l’Angleterre à la Coupe du Monde des moins de 20 ans. Nous étions alors en 2011, et Mahmoud déposait son C.V. sur la table de nombreux clubs européens en concluant avec brio une action à la ArjenRobben, mais du pied droit.

Malgré les appels du pied du Celtic et de Nottingham Forest, Hassan reste à Al-Ahly pour grandir tranquillement. À dix-huit ans, il glane ses premières minutes en équipe fanion à l’occasion d’un match de Ligue des Champions africaine. Une compétition dont les chiffres résument à merveille la croissance progressive du wonder-boy d’Al-Ahly : d’éphémères apparitions en poules en 2012, quelques minutes glanées en demi-finales l’année suivante, avant de décrocher quelques titularisations lors des deux éditions suivantes. Jamais plus de 193 minutes par an, mais déjà deux Ligues des Champions sur la cheminée.

À quelques jours de son vingt et unième anniversaire, Mahmoud Hassan a finalement décidé de faire le grand saut vers l’Europe. La destination aurait pu être Nice, qui avait invité l’Égyptien à réaliser un test en 2013, voire Feyenoord, mais ça a finalement été Anderlecht. Avec l’héritage lourd à porter d’un homonyme de prestige. Pourtant, les deux joueurs semblent n’avoir que leur nationalité et leur nom en commun. À écouter nos interlocuteurs parler de lui, on est plus proche du box-to-box virevoltant que du maestro qui fait parler ses pieds sans trop solliciter ses mollets. Mahmoud courait autant en un match qu’Ahmed en une saison.

UN AN POUR APPRENDRE

Si Anderlecht rêvait d’un produit fini avec Boussoufa, Mahmoud Hassan est plutôt un pari qu’un plan B après le retour avorté du Marocain.  » On lui laissera le temps d’adaptation nécessaire « , a d’ailleurs précisé d’emblée un Besnik Hasi qui a déjà invité son nouvel élément à participer aux échauffements face à Monaco et à Charleroi avant de regarder la rencontre des tribunes, pour qu’il  » goûte à l’atmosphère de ce genre de rendez-vous « .

Des premières semaines qui ressemblent à un écolage. Passage visiblement indispensable pour Mahmoud.  » Cette période d’adaptation sera très importante pour lui. C’est un jeune joueur qui doit encore apprendre et être coaché. Il faut l’éduquer au football européen  » analyse Nader El Sayed. Et l’ancienne Gazelle égyptienne poursuit :  » À Al-Ahly, il n’était pas encore une star. C’était plutôt un jeune très prometteur, que les suiveurs considéraient comme un top-player en devenir. Mais en Europe, tout est différent : la culture footballistique, l’atmosphère des rencontres, la qualité des terrains et donc le rythme des rencontres. Je pense que c’est très important de savoir qu’il ne faut pas trop attendre de Mahmoud cette saison. Il faut lui laisser du temps.  »

Un avis partagé par Juan Carlos Garrido, visiblement enchanté d’avoir eu sous ses ordres un élément  » travailleur, très combatif sur le terrain, avec une très bonne mentalité et une grande envie de progresser  » mais méfiant à l’heure de pronostiquer un éventuel putsch de l’Égyptien sur les défenses de Pro League :  » Il ne faut pas oublier qu’il est encore très jeune. Cette année doit surtout lui servir à assimiler le style de vie d’un professionnel en Europe, qui est totalement différent du style africain. Il a beaucoup de potentiel, mais les attentes pour cette première saison ne doivent pas être trop hautes. Il a besoin de cette année d’apprentissage et d’adaptation.  »

Un discours qui cadre parfaitement avec le deal négocié par le Sporting : un prêt d’un an avec option d’achat pour jauger tranquillement le talent de Mahmoud Hassan avant d’éventuellement faire le forcing pour l’installer pour de bon à Saint-Guidon. Le plan semble parfait. Qui a dit que la cellule de recrutement d’Anderlecht ne faisait pas du bon travail ?

PAR GUILLAUME GAUTIER

 » Le plus impressionnant, c’est son dynamisme. Il a la faculté de répéter des courses très rapides, grâce à des capacités physiques au-dessus de la moyenne.  » JUAN CALOS GARRIDO, SON ANCIEN COACH À AL AHLY

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