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L’éclair frappe toujours

Dix ans après avoir établi les records du monde des 100 et 200 mètres à Berlin et deux ans après avoir raccroché les spikes, Usain Bolt (33) est toujours plus célèbre que n’importe quel athlète. Comment le Jamaïcain fait-il ? Nous sommes partis à la découverte de sa nouvelle vie.

La carrière d’ Usain Bolt avait pris fin en mode mineur, en 2017, à l’issue des derniers championnats du monde. Il ne s’était classé que troisième du 100 mètres derrière JustinGatlin et Christian Coleman puis avait abandonné lors de la finale du relais 4 X 100 mètres, victime d’une blessure musculaire. Pourtant, le Jamaïcain n’avait aucun regret. Il était temps pour lui de tourner la page, d’entamer une nouvelle vie, sans les entraînements de Spartiate, de découvrir de nouveaux d’horizon, de ne plus vivre à cent à l’heure.

Bolt est toujours l’ambassadeur de Puma qui lui verse plus de trois millions d’euros par an. Aucun athlète en activité ne bénéficie d’un tel contrat de sponsoring.

C’était, du moins, ce qu’il pensait. Car deux ans après son départ à la retraite, Bolt n’a jamais été aussi occupé, jamais été aussi absent de chez lui. Il passe d’avion en avion, écumant les événements promotionnels de ses sponsors.  » Avant, j’avais encore l’excuse de devoir m’entraîner. Maintenant, ils veulent que je me déplace « , disait Lightning Bolt voici quelques mois dans L’équipe Magazine.

D’un côté, il aspirait au repos. De l’autre, il comprenait qu’il fallait battre le fer commercial tant qu’il était chaud.  » C’est maintenant ou jamais. Je dois assurer mon avenir. Dans dix ans, on m’aura sans doute oublié. Je ne vais donc pas dire du mal de cet engouement car il me permet de maintenir mon niveau de vie.  »

Bolt ne devrait jamais connaître la misère. Selon la revue économique Forbes, sa dernière année sur la piste lui a rapporté plus de 30 millions d’euros. A l’époque, il était le 23e sportif le mieux payé au monde. Dix de ces trente millions provenaient de Puma, avec qui il avait conclu son premier contrat en 2002, à l’âge de 16 ans seulement. C’était aussi l’équipementier allemand qui l’avait poussé à prolonger sa carrière d’un an après les Jeux Olympiques de Rio.

Cela ne s’était pas bien passé mais n’avait pas provoqué de rupture, au contraire : Bolt est toujours l’ambassadeur de Puma qui, dit-on, lui verse plus de trois millions d’euros par an. Aucun athlète en activité ne bénéficie d’un tel contrat de sponsoring. Evidemment, ça oblige le Jamaïcain à faire le tour du monde. Comme au printemps dernier, où il est parti en tournée en Amérique du Sud. A Lima, la capitale du Pérou, il a même couru contre… un taxi local. Les images ont fait le tour du monde. Un sacré coup de pub.

Usain, l’homme sandwich

L’accord avec Puma n’est pas le seul conclu par Nugent Walker, l’agent de Bolt. Comment l’ex-star du sprint a-t-elle construit son empire financier ? Quelles sont ses autres activités ? Et qu’en est-il de son rêve de devenir un jour footballeur professionnel ?

Vous avez peut-être déjà vu la nouvelle Vidéo d’Olympe Rosé où Usain Bolt danse aux côtés de cinq rappeurs jamaïcains pour promouvoir le nouveau champagne de la marque. Depuis novembre 2016, il est en effet chief entertainment officer de la marque française de champagne G.H. Mumm. C’est dans cette fonction qu’en septembre dernier, on l’a vu tremper ses lèvres dans un verre de champagne lors d’un vol d’un Airbus Zero-Gravité au-dessus de Reims.

Dans cette vidéo, on aperçoit une trottinette électronique  » Bolt Mobility  » jaune et noir. L’appareil a été lancé en mai dernier à Paris après avoir été dévoilé dans plusieurs villes américaines, dont New York et Los Angeles. Avec sa trottinette zéro émission, le Jamaïcain, co-fondateur et ambassadeur de Bolt Mobility, veut faire diminuer le trafic et améliorer la qualité de l’air dans les grandes villes. Tout en gagnant sa vie, bien entendu.

Autre grand projet : les bars sportifs Usain Bolt’s Track and Records. Il en existe déjà plusieurs en Jamaïque (Kingston, Ocho Rios et Montego Bay) et un premier à Londres, près de la gare de Liverpool Street. C’est tout pour le moment car Bolt n’est  » pas pressé de développer la marque « .

Comprenez qu’il veut voir si le concept d’un établissement avec des spécialités et un décor jamaïcains prend à Londres. Comme il est souvent en Angleterre, l’octuple champion olympique affirme qu’il viendra lui-même régulièrement saluer les clients.

Encore faut-il qu’il trouve le temps entre ses différentes obligations. Sur ses réseaux sociaux, outre sa vie privée, il dévoile en effet ses nombreux activités commerciales pour la firme jamaïcaine de télécommunication Digicel, les produits d’alimentation Alpro, la Xoom App de la plateforme de payement en ligne PayPal, la marque de montres suisses Hublot, la firme internationale d’investissement XM, le producteur de boissons sportives Gatorade, le site de poker en ligne PokerStars et Let’s Do This, une plate-forme en ligne qui veut inciter les gens à bouger. Bolt est également impliqué dans des projets immobiliers à Kingston. Une véritable tornade.

Usain, le bienfaiteur

Usain Bolt est une star mondiale mais il n’a jamais oublié ses racines. Dans son premier contrat avec Puma, déjà, il avait fait inclure une clause selon laquelle l’équipementier allemand devait fournir chaque année des chaussures et des vêtements à son ancienne école, le William Knibb Memorial. Et après avoir battu son record du monde du 100 mètres, lors de la Coupe du monde 2009, il avait organisé une 9.58 (son chrono) Super Party afin de récolter des fonds pour un hôpital pour enfants dans sa ville de Sherwood Content et de promouvoir la Jamaïque en tant que destination touristique.

A Lima, capitale du Pérou, Usain Bolt  a couru contre un taxi local.
A Lima, capitale du Pérou, Usain Bolt a couru contre un taxi local.© BELGAIMAGE

Deux ans plus tard, Bolt avait lancé une fondation à son nom. Son objectif : offrir un avenir aux petits Jamaïcains grâce à des projets culturels, éducatifs et sportifs. Seuls les enfants l’intéressaient, il estimait que les adultes utilisaient sa générosité à mauvais escient. Sa fondation lui tenait à coeur : il versait ainsi un million et demi de dollars pour que son ancienne école poursuive l’enseignement de l’athlétisme et qu’elle ouvre des terrains multisports.

C’est aussi l’Usain Bolt Foundation qui, en 2017, a libéré un million de dollars afin de reconstruire une maison d’accueil pour enfants qui avait brûlé. Il a également financé des bourses et du matériel pour les écoles, organisé des ateliers photo pour étudiants avec Samsung et payé les opérations au coeur de plusieurs patients.

Avec sa fondation, Bolt organise également chaque année une Christmas Treat lors de laquelle il offre des cadeaux aux enfants de sa ville de Sherwood Content. Au début de l’année, Bolt a également offert un million de dollars à l’équipe jamaïcaine Special Olympics qui a pris part aux Jeux Mondiaux à Abu Dhabi : plus de septante athlètes équipés par Puma.

Usain, le bon vivant

En raison de la vie agitée qu’il mène, Usain Bolt aime aussi… ne rien faire. Regarder la télé, se relaxer avec des amis sur la plage, boire et manger sans relâche jusque tard dans la nuit ou partir en vacances avec sa copine, Kasi J. Bennet. L’été dernier à Formentera et à Ibiza, on les a vus danser et chanter dans les night clubs ou prendre des bains de soleil sur un yacht. Les photos et vidéos sur ses réseaux sociaux ne manquent pas, car il y est très actif. Neuf millions d’abonnés sur Instagram et cinq sur Twitter, ça se mérite.

Mais Bolt n’est pas un paresseux. Chaque jour, il soulève des poids avec un coach privé. Par contre, il s’est juré de ne plus faire d’entraînements de sprint, affirmant à plusieurs reprises que les chances de le voir effectuer un come-back avant les Jeux Olympiques de Tokyo (il aura alors 33 ans) étaient nulles. Pourtant, la rumeur revient à chaque fois qu’il poste une vidéo dans laquelle on le voit transpirer. Comme en juin dernier, lorsqu’il a ajouté une légende mystérieuse : Day One.

Pure spéculation car, bien que l’adrénaline de la compétition lui manque, Bolt assure ne plus avoir la volonté de s’entraîner dur.  » Mon coach m’a dit que, si je n’étais pas motivé à 100 %, il était inutile de vouloir revenir. Pourquoi le ferais-je, d’ailleurs ? J’ai tout gagné « , disait-il dans L’équipe. Fin juillet, dans le New York Times, il ajoutait :  » Beaucoup de gens m’ont dit qu’un come-back ne se termine jamais bien.  »

Par manque de temps, Bolt ne suit même plus l’athlétisme de près. Tout ce qu’il sait, il l’apprend par son agent. Il affirme cependant qu’en vue de Tokyo 2020, il va  » s’y replonger totalement « , probablement parce qu’il peut gagner beaucoup d’argent en tant que consultant pour une chaîne de télévision.

Comme il reste en forme, le Jamaïcain pense qu’il pourrait encore courir le 100 mètres en 10,5 secondes et approcher les 20 secondes sur 200 mètres. Il n’exagère pas car fin janvier, avant le Superbowl, il a pris part à un 40 yards (36,576 mètres) et a égalé le record NFL de John Ross. Avec des sneakers normales et un pantalon de jogging… Pour le fun mais surtout pour remettre à leur place les joueurs de football américain qui avaient un jour prétendu pouvoir battre le grand Usain Bolt. Ce n’est pas parce qu’il ne fait plus de compétition qu’il n’aime plus les honneurs.

Usain, le footballeur pro raté

Depuis qu’Usain Bolt a pris sa retraite, on a surtout parlé de son voeu de devenir footballeur pro. Il s’est notamment entraîné à Manchester United, au Borussia Dortmund et à Strömsgodset IF, en Norvège, mais il s’agissait avant tout de coups de pub de Puma. Son test le plus sérieux, il l’a effectué aux Central Coast Mariners, un club australien de A-League. Il a volontairement choisi de s’éloigner des médias. Il aurait pu aller au Japon mais il y aurait été confronté à l’obstacle de la langue.

Bolt s’est entraîné avec les Mariners en été et à l’automne 2018. Il a joué quelques matches amicaux à la pointe de l’attaque et a inscrit des buts mais on ne lui a pas proposé de contrat pro. Selon lui, toute l’attention médiatique que Bolt suscitait dérangeait l’entraîneur, Mike Mulvey.  » Il n’a pas voulu m’aider à réaliser mon rêve. Pourtant, dès le début, je lui ai dit que je voulais écouter et apprendre. Je souhaitais juste qu’il me donne une chance de montrer ce dont j’étais capable « , dit-il dans L’équipe.

Bolt a une fondation à son nom. Objectif : offrir un avenir aux petits Jamaïcains grâce à des projets culturels, éducatifs et sportifs.

Mais la véritable raison de l’échec des négociations, c’étaient ses exigences financières. On affirme qu’il voulait gagner 1,5 million d’euros par an parce que cela l’aurait obligé à délaisser quelque peu ses sponsors. Le club australien ne pouvait pas se permettre de payer une telle somme. De nombreuses firmes étaient prêtes à sponsoriser le club mais elles exigeaient que Bolt joue. Or, il n’était pas suffisamment bon.

Il l’a d’ailleurs admis du bout des lèvres au journal italien Corriere della Sera.  » J’ai vite progressé, j’ai beaucoup appris mais, à 32 ans, il m’aurait fallu plus de temps pour réussir ma reconversion et atteindre le niveau de jeu australien. Ce temps, je ne l’ai pas eu.  »

C’est ainsi que, malgré une proposition de Malte, Bolt a définitivement fait une croix sur son rêve de devenir footballeur pro. Il joue encore cependant chaque semaine avec ses copains en Jamaïque ou pour la bonne cause. En juin, à Londres, il a pris part au Soccer Aid. Il faisait partie de la World Team avec Eric Cantona, Roberto Carlos, Didier Drogba et Robert Pires. Il a même inscrit un joli but du pied gauche, surprenant David Seaman d’un envoi à ras-de-terre.

Un but qu’il a célébré avec faste, montrant le numéro de son maillot. Il ne portait pas le 9 mais le 9.58, son record du monde du 100 mètres, établi lors des championnats du monde 2009. Lightning Bolt frappe toujours.

L'éclair frappe toujours
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Une réputation immaculée

Si Usain Bolt est devenu une star mondiale, c’est parce qu’il a signé des chronos supersoniques et a le sens du spectacle mais aussi parce qu’il n’a jamais été pris pour dopage. Son nom n’a même jamais été cité dans une affaire douteuse, ce qui est exceptionnel. Voici peu encore, Christian Coleman ( deuxième du 100 mètres aux championnats du monde 2017) a manqué trois contrôles hors-compétition. Il a été acquitté suite à une erreur de procédure et a pu participer au 100 mètres des championnats du monde de Doha où, à la grande colère de nombreux suiveurs, il a décroché son premier titre mondial dans un temps de 9.76. Loin du record du monde d’Usain Bolt (9.58) mais dans le top 6 des sprinteurs les plus rapides de tous les temps. Une liste dont un seul nom a une réputation immaculée en matière de dopage : Usain Bolt.

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