L’eau et le feu

Pour mieux cerner les vraies personnalités de Dominique et Lucien, on a demandé à des personnalités qui les connaissent très, très bien de choisir entre eux. Duels cornéliens…

« Plus je les connais, plus je les apprécie. Ils ne sont pas seulement de bons comédiens. Gageons que ces deux-là, avec leur drôle de tête et leur univers si personnel, n’ont pas fini de faire parler d’eux  » : c’est ce qu’ Anne Roumanoff a affirmé un jour en parlant de deux frères wallons, les… Taloche.

Autre paire incontournable – et grands supporters des Rouches -, les frères Dardenne, une nouvelle fois primés au Festival de Cannes avec le Grand Prix du Jury pour Le gamin au Vélo.

Sclessin est redevenu un grand théâtre du bonheur où deux autres frangins, les D’Onofrio, figurent en haut de l’affiche. Lucien et Dominique se complètent ; l’un £uvrant dans la coulisse, l’autre sur le terrain. A chacun son domaine, aux deux les mêmes objectifs. En 1998, quand ils se retroussèrent les manches sur les ruines de Sclessin, on ne leur donnait guère de chance de dérider les Liégeois. Le chemin parcouru est immense avec des hauts et des bas.

Le temps a prouvé qu’ils sont inséparables. Lucien ne cache pas son bonheur quand Dominique est félicité par les joueurs ; il a toujours affirmé que son frangin était un bon coach et réussirait.

Qu’est-ce qui les rassemble ou les différencie ? Nous avons demandé à des connaisseurs du Standard de choisir l’un ou l’autre. Pas facile, mais une cascade de questions amusantes révèle  » bien évidemment  » les grands traits de caractère des deux personnages.

A qui envoyez-vous une place pour Liverpool-Manchester Utd ?

Milan Jovanovic :  » Une place seulement ? Mais j’en obtiens toujours plus qu’une. Ce ne serait pas un problème d’inviter les deux. Mais ce n’est pas le moment. Je ne suis pas en Angleterre, je me trouve au Qatar où l’ancien docteur du Standard, Nebojsa Popovic, devait examiner mon genou (rien de grave) avant que je reparte du bon pied la saison prochaine, probablement pas à Liverpool.

Un match des Reds intéresse tout autant Lucien que Dominique, j’en suis sûr. Même s’ils doivent probablement avoir un faible pour un football plus… ensoleillé. Et si je n’avais qu’un billet ? Je le glisserais dans une enveloppe adressée aux frères D’Onofrio. Et ce serait à eux de faire un choix. Je n’oublierai jamais le Standard qui m’a relancé. J’ai eu l’occasion de me rendre à l’AC Milan avec Lucien. C’est phénoménal : il connaît tout le monde. « 

A qui offrez-vous votre maillot de l’Inter de Ronaldo ?

Bertrand Crasson :  » A Dominique. Je connais bien les deux frères. Lucien m’a transféré à Naples. Il est connu partout, apprécié par les plus grandes stars du monde. Il n’a pas besoin de moi pour obtenir de prestigieux maillots. Il s’est passé pas mal de choses au Standard : l’équipe était en fin de cycle à la fin 2009-2010. Dominique a reconstruit tout un effectif en moins d’une saison, il faut le faire…

L’été dernier, il a perdu Milan Jovanovic, Dieumerci Mbokani et Igor de Camargo. Un an plus tard, son attaque est en place. Ce n’est pas le fruit du hasard : Dominique a beaucoup bossé en parfaite harmonie avec Sergio Conceiçao. Tous les rouages sont bien huilés, chacun fait le maximum dans son domaine. L’équipe est physiquement au point grâce à Guy Namurois. Les joueurs qui débarquent au Standard prennent de la valeur alors que ce n’est pas nécessairement le cas à Anderlecht. Lucien a constitué un trésor de guerre qui le met dans une situation confortable : il peut vendre et acheter quand bon lui semble. Par contre, Anderlecht a le couteau sur la gorge.  »

Avec qui discutez-vous de 4-4-2 ou de 4-3-3 toute la nuit ?

Benoît Thans : « Avec Dominique. Les deux frères sont des passionnés et Lucien a souvent eu ce genre de discussion avec les maîtres de la profession. Avec le temps, il est devenu un expert du management d’un club. Lucien définit les grands caps, la stratégie globale de son club. Il n’y a qu’un Lucien D’Onofrio dans le sud du pays ; c’est insuffisant et il en faudrait d’autres pour que la Wallonie résorbe son énorme retard en D1.

Le Standard travaille et a une vision, une méthode, un chemin à suivre. En tant que consultant du ministre des Sports, André Antoine, j’aimerais aborder tous ces sujets de conversation avec lui. Il a certainement des tas d’idées sur les vérités du terrain mais son agenda doit être bien rempli. Je connais mieux Dominique. Nous avons suivi ensemble les cours de la Pro Licence. C’était un plaisir de discuter de football durant des heures et des heures avec lui. Ce fut encore le cas lors de stage de perfectionnement en France, à Bordeaux et à Auxerre. Les coaches sont comparables à ces alpinistes qui rêvent sans cesse de découvrir une nouvelle voie. Ils cherchent à arriver autrement, à leur façon, au sommet. On affirme que Dominique est obsédé par la verticalité. C’est une définition incomplète de sa façon de voir le jeu. Dominique a des avis et les défend avec conviction. La recherche de profondeur est importante mais, durant les play-offs, on a aussi découvert un Standard plus patient qui a alterné son jeu en fonction des événements d’une rencontre. Son équipe a souvent accéléré avec succès dans les moments-clefs. Le vestiaire est derrière lui et cela ne m’étonne pas : pour lui il y a un effectif, pas une liste de noms. Il est drôle aussi ; j’ai pu m’en rendre compte. Tout le monde voulait être près de lui.

Avec qui allez-vous au cinéma ?

Robert Waseige :  » J’étudierais soigneusement les programmes des salles liégeoises. Je réserverais un thriller pour Lucien qui adore réfléchir, décortiquer des énigmes, comprendre des personnages. Je prévoirais une comédie ou un film amusant pour Dominique. Si Lucien semble parfois secret ou réservé, Dominique, lui, est plus volubile et distribue sa bonne humeur. Ce sont deux vrais frères.

Si je peux tenter une comparaison : Lucien, c’est l’eau et Dominique le feu. Dominique adore rire, s’amuser et je lui réserverais un film avec les plus grandes stars de Broadway. Mais, attention, s’il adore prendre du plaisir, c’est un faux naïf qui cerne parfaitement ce qui se passe autour de lui. De toute façon, ils ne doivent pas se déplacer : c’est à Sclessin qu’on a vu les meilleurs films de la saison. « 

A qui offrez-vous un exemplaire d’Anderlecht Unique (écrit par Henry Guldemont en 1993) ?

Léon Semmeling :  » Comme les relations entre le Standard et Anderlecht sont au… beau fixe (personne ne l’ignore !), j’offrirais ce livre de grands souvenirs mauves à Lucien. La maison bruxelloise a une belle collection de trophées mais a vécu sur ses acquis. Lucien est revenu de l’étranger avec un gros bagage, des idées neuves et un carnet d’adresses extraordinaire. A partir de 1998, il a mis tout cela au service du Standard qui était alors en panne de savoir-faire à tous les niveaux. Et puis, ses relations internationales constituent un capital énorme.

Le club a été professionnalisé et modernisé avec la construction, notamment, de l’Académie Robert Louis-Dreyfus. La gestion a été restructurée de fond en comble. Il y a un patron qui tranche, est respecté et dit ou non : Lucien. Marouane Fellaini était à peine connu sur la scène internationale mais Lucien l’a cédé pour 20 millions d’euros à Everton. Le meilleur joueur d’Anderlecht, Mbark Boussoufa, était plus connu avec ses titres et récompenses individuelles mais il n’a finalement rapporté que 8 millions. La différence est importante. Quand Axel Witsel partira, il fera rentrer une fortune dans les caisses de Sclessin ; Lucien a des contacts au top européen et c’est inestimable. C’est grâce à cela que le Standard est désormais le club le mieux géré de Belgique.  »

Avec qui allez-vous manger dans le meilleur restaurant liégeois ?

Henri Depireux :  » Lucien est plus qu’un ami pour moi ; c’est mon frère, mon sauveur. Je n’ai pas été payé par mes derniers employeurs et j’envisageais de repartir à l’étranger pour mettre du beurre dans les épinards. C’était une obligation pour nouer les deux bouts et Lucien, qui aide pas mal de monde sans jamais le révéler, m’a tout simplement dit : – Tu ne vas pas repartir vers l’étranger à ton âge… Et il m’a donné du boulot au Standard. Je fais du scouting en Belgique ou à l’étranger quand Dominique me le demande et je coacherai le Standard Femina la saison prochaine. Je connais Lucien depuis sa jeunesse quand il travaillait dans mon magasin de sports, jouait à Winterslag et Bas-Oha. Plus tard, je l’ai retrouvé après ses grands succès à la tête de Porto.

Il était transfiguré, cultivé, connaissait les arts, les grands peintres. C’était fantastique et j’ai découvert un homme raffiné à table qui choisit ses plats avec soin. Il a l’art de marier mets et bons vins. C’est un £nologue averti avec une préférence pour le Château Cheval Blanc, un premier Grand cru classé de Saint-Emilion. J’ai oublié le prix de cette merveille… Il connaît tous les bons restaurants liégeois et c’est un plaisir de manger avec Lucien… et Dominique. « 

Avec qui faites-vous le tour du monde ?

Jean-Marc Bosman :  » Je ne connais pas Lucien, mais, par contre, j’ai souvent croisé Dominique au FC Liégeois, à Visé, dans des petits clubs. Cela se voit au premier regard et cela s’entend tout de suite : c’est un grand passionné. A mon avis, il a souffert car il a été condamné sur des préjugés. Dominique vit une belle revanche. Il serait certainement un compagnon de voyage agréable.

Je m’arrêterais dans les îles grecques pour parler d’ Anderlek, comme il dit. Puis, je m’attarderais à la Réunion où j’ai joué et où il y a tant de choses à voir. Et je n’oublierais pas de m’attarder en Ecosse. Je lui apprendrais à pêcher le saumon Il y a beaucoup de faux-jetons dans ce milieu : quand j’ai eu l’occasion de discuter avec Dominique, j’ai toujours été frappé par son discours vrai. C’est rare et je sais de quoi je parle.  »

Avec qui visitez-vous le Musée Tchantchès à Liège ?

Jean Nicolay :  » Le matin avec Dominique et l’après-midi en compagnie de Lucien ; tous les deux sont des Tchantchés, des Liégeois vrai de vrai dans le c£ur et le caractère. On m’a rapporté qu’ Aad de Mos a affirmé dans le Laatste Nieuws que Lucien avait le courage de ses opinions. Bien vu. Je les connais depuis des années car ils étaient les amis de Roger Claessen. Plus tard, Lucien m’a permis de devenir l’entraîneur de gardiens de but de l’équipe nationale suisse. J’ai vécu de magnifiques moments aux côtés d’ Artur Jorge, notamment pendant l’Euro 96.

Quand Lucien a repris le Standard, j’ai intégré le staff technique de Tomislav Ivic avec Dominique. Tout était à refaire et j’ai entraîné un jeune gardien de but : Vedran Runje. Après coup, je me suis occupé des jeunes, d’accueillir au stade le soir des matches. Lucien a sauvé mon club, lui a rendu sa fierté et l’ambition de croire en son avenir. J’ai raté quelques matches à Sclessin à cause de problème de santé. Le médecin m’a dit que ce n’était pas bon pour mon coeur. Mais il y a toujours des Nicolay dans l’Enfer de Sclessin : mon petit-fils et mon neveu vont aux matches. Sans les Tchantchès D’Onofrio, Sclessin ne serait jamais redevenu Sclessin.  »

Qui emmenez-vous au Parlement wallon à Namur ?

Louis Smal :  » Je ne peux pas choisir entre les deux : ils sont unis comme les doigts de la main. Ils se complètent. Lucien est plus réservé en public que Dominique. Mais ce n’est qu’une façade, une façon de se protéger. Lucien et Dominique sont des bosseurs. J’ai toujours été très affecté par les attaques contre Dominique. C’était tellement injuste car il a reconstruit plusieurs fois l’équipe. J’ai admiré son calme face à ces attaques. Le vestiaire a fait bloc avec lui, c’est clair. Il y a quelques années, ce n’est pas Wouter Biebauw, le gardien de Roulers, qui nous priva du titre. Pas du tout. Le Standard égara ses chances à Anderlecht où Christian Negouai se présenta sans ses chaussures. Il a fallu lui trouver des godasses de toute urgence. Negouai passa à côté de son sujet et cela donne une idée de tout ce qui restait à faire pour avoir un effectif totalement professionnel.

Si les Dono étaient politiciens, Lucien serait Premier ministre. Il sait mobiliser, décider et choisir ceux qui l’aideront à mener un projet à bien. Et Dominique serait un magnifique ministre de la Convivialité. « 

A qui donnez-vous un billet d’entrée pour un spectacle des frères Taloche ?

Alain Soreil :  » Je le destinerais à Lucien. Il adore aller au spectacle, partager son bonheur et les moments agréables de la vie. Lucien a beaucoup d’humour et il a assisté à un de mes spectacles au Forum à Liège. Dominique était aussi dans la salle tout comme Reto Stiffler et Sergio Conceiçao. Mon personnage d’ Albert Cougnet fait rire Lucien aux larmes. Pour le moment, je me produis à la Comédie centrale avec ma bande de Liégeois et je sais que mes amis du Standard viendront me voir. Ils apprécient aussi Pierre Theunis, les Taloche, etc.

J’adore Dominique ; nous sommes quasiment inséparables… Je l’avais rencontré par hasard au Challenge Sljivo. Je ne suis pas passé inaperçu sur le terrain et nous avons sympathisé. J’adore son humour et lui connaît toutes mes blagues par c£ur. C’est un plaisir de le voir. Je ne lui parle presque jamais de football.  »

PAR PIERRE BILIC ET DANIEL DEVOS

 » Lucien a constitué un trésor de guerre alors qu’Anderlecht a le couteau sur la gorge.  » (Bertrand Crasson)  » De Mos a affirmé que Lucien a le courage de ses opinions : bien vu… « 

(Jean Nicolay)

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