L’avenir devant lui

Gravement blessé à l’épaule il y a six mois, le gardien de l’ex-Excelsior Mouscron est prêt à se retrouver un club.

J’ai été opéré le 19 juin, une semaine après ma blessure. Par hasard, je devais être à Mouscron pour remplir de la paperasserie mais j’habite à Tessenderlo, ce qui n’est pas la porte à côté. J’ai donc téléphoné à l’entraîneur des gardiens afin d’en profiter pour m’exercer… C’est arrivé bêtement. Je suis sans doute tombé ainsi 100.000 fois mais le terrain était très sec. Mon bras est resté coincé sous mon corps. J’ai entendu un craquement. J’ai compris qu’il y avait un problème mais jamais je n’aurais imaginé son ampleur.

Le soir, j’ai consulté mon médecin. Il a effectué quelques tests et a compris que j’étais blessé. En analysant la RMN, les médecins ont dit : -Aïe ! Le Docteur Declercq m’a confirmé que mes tendons étaient déchirés, ce qui impliquait une revalidation de dix mois. Une blessure de l’épaule est très complexe mais une fois guérie, l’articulation devait être plus forte que l’autre, à condition que les tendons soient solides. Ils l’étaient.

Je revenais de vacances quand je me suis blessé. Le club m’avait annoncé, au préalable, qu’il préférait que je parte. J’estimais donc qu’il aurait dû me laisser partir librement mais il a demandé les prix les plus fous, ce qui m’a coûté un transfert car j’ai eu des entretiens très concrets avec Genk et le Cercle. Mon prix n’a cessé de monter quand Mouscron a appris l’identité des clubs intéressés.

Le club a été atterré par ma blessure. Moins par sa gravité pour ma personne que parce qu’il me pensait transféré à 99,9 %. Je n’en savais rien, mais il semble qu’il avait des contacts avec Villarreal. Mon manager était occupé en Angleterre mais quand les choses ont commencé à bouger, j’avais entamé ma revalidation depuis six semaines.

Dès ma première saison à Mouscron, il y a eu des problèmes financiers. Ils se sont résolus d’une manière ou de l’autre. Nous avons signé nos meilleurs résultats quand nous étions dans la mouise, mais les gens ne comprennent pas l’effet de ne pas être payé et de vivre dans l’incertitude. Vous conduisez votre voiture (de club) au garage pour l’entretien et quand vous téléphonez pour la récupérer, vous apprenez que le sponsor la récupère… Donc, vous sentez la fin approcher. Depuis six mois, nos cotisations sociales n’étaient plus versées et on nous devait deux mois de salaire. L’équipe avait pris 12 points sur 12 aussi mais les primes n’étaient plus payées. On ne joue pas pour le seul honneur. Heureusement, je n’ai pas raisonné comme certains autres qui se disaient : -J’ai un contrat de quatre ans, je vais faire construire, acheter ceci et cela puisque je vais bien gagner ma vie. Si j’avais agi ainsi, j’aurais des problèmes mais j’ai toujours été prudent et économe. Les gens s’imaginent que les footballeurs gagnent des fortunes alors que beaucoup ne touchent pas plus que les autres travailleurs. A la fin de la saison passée, la situation était difficile. Chapeau à l’entraîneur d’avoir obtenu de tels résultats !

Mes liens avec Enzo Scifo se sont resserrés pendant notre collaboration. J’étais plutôt sceptique car je n’avais jamais figuré parmi ses supporters. Je préférais les gardiens, comme Michel Preud’homme. Pour d’autres, Scifo était un dieu mais je croyais qu’il avait le gros cou ! Je peux être très dur à l’entraînement alors qu’il a une autre vue des choses. Il tentait de tout résoudre par une approche positive. Plus tard, je lui ai dit qu’il avait souvent raison. Nous avions souvent des discussions : quand quelqu’un commettait cinq fois la même erreur et que nous encaissions un but, je devenais fou et je l’enguirlandais alors que Scifo me répétait que j’allais le casser. Il m’a fait réfléchir.

Mes collègues m’ont dit que Djukic était fort mais il m’ignorait. Le constat a été amer : il est entré dans le vestiaire et est passé à côté de moi sans me regarder. Je n’ai jamais eu de nouvelles de Mouscron mais je suis resté en contact avec Daan Van Gijseghem et notre syndicat de joueurs, le Sporta. Gil Vandenbrouck est un des rares à avoir pris de mes nouvelles de temps en temps. La direction ne s’est jamais manifestée. Je pense même qu’elle ne sait pas de quelle épaule j’ai été opéré !

Comme j’effectuais ma revalidation à Anvers, je n’étais au club qu’à l’occasion des matches. Les suivre était pénible. Au début, ça allait car je ne pouvais m’imaginer sur le terrain mais au fil du temps, c’est devenu dur. Car j’ai toujours rêvé de reprendre à Mouscron, où j’ai vécu de belles années.

J’ai déjà vécu une situation identique à Lommel. Il m’a fallu des années pour y retourner. Je vais rester en contact avec les personnes qui me sont proches mais Mouscron et Lommel resteront des pages noires de ma carrière. L’Excel était pourtant un club chaleureux. J’étais invité à manger tous les jours chez des supporters alors que c’est une région pauvre et je m’y suis toujours senti comme chez moi.

J’ai eu l’épaule immobilisée pendant six semaines. Ce fut l’enfer. J’étais complètement dépendant. Il fallait qu’on coupe ma viande, qu’on me lave, qu’on me rase. Je me suis ensuite rasé le crâne : j’ai gagné centimètre après centimètre… C’était comme si j’avais oublié que j’avais deux bras. Il n’y a pas si longtemps encore, quand je devais saluer quelqu’un, je maintenais mon bras droit du gauche, de peur qu’on ne me serre trop fort la main. Je recommence à peine à me servir de mon gsm de la main droite. Si la revalidation est aussi longue, c’est parce que l’articulation est immobilisée pendant six semaines, ce qui fait perdre beaucoup de masse musculaire. J’ai perdu six kilos. Je ne dormais pas, je ne voulais pas manger tant je souffrais. J’ai l’habitude de faire du sport et là, je ne pouvais rien entreprendre. Souvent, je ne mangeais pas et mon corps s’est affaibli. Le soir, je prenais des somnifères…

Il faut d’abord retrouver sa mobilité puis sa force mais la douleur constituait le pire problème. Il y a 12 ans, j’ai souffert d’une déchirure d’un ligament croisé mais on m’avait prévenu qu’une épaule pouvait être très douloureuse. C’est exact ! Avant mon opération, je pensais que six mois, ce n’était rien du tout mais pendant la revalidation, je me suis maintes fois demandé si je reviendrai. Il faut se faire mal pour progresser, y compris mentalement.

Comme je ne pouvais pas conduire, mon amie m’accompagnait partout. Moi qui étais habitué à être absent toute la journée, je me retrouvais à la maison du matin au soir et je n’étais pas vraiment agréable. Heureusement, mon amie m’a compris et m’a soutenu. En plus, elle m’a toujours connu athlétique et je nageais dans mes t-shirts. Mon biceps avait l’épaisseur de mon poignet.

Je veux maintenant réussir la suite de ma carrière. Je m’entraîne trois ou quatre fois plus qu’en temps normal. Je vis les pires moments qu’un footballeur peut connaître. Je suis tendu comme un arc depuis six mois mais je refuse de sortir pour me détendre tant que je ne serai pas retourné sur le terrain. Cela doit être une récompense. Je m’entraîne en privé avec Jos Beckx, l’actuel entraîneur des gardiens de Saint-Trond. Il m’a entraîné à Diest et il constitue le fil rouge de ma carrière. Son style me convient : sobre. Je dois tout organiser : avoir des ballons, un terrain. Tout doit être de bon niveau. Je ne peux quand même pas demander à mon amie de me balancer des ballons ? J’espère que d’ici trois ou autre semaines, j’aurai clôturé ce triste chapitre. Je veux être compétitif à la mi-janvier. C’est mon objectif. En plus, je ne suis plus un transfert coûteux. Pourquoi ne voudrait-on pas de moi ? Je peux encore évoluer parmi l’élite pendant cinq ou six ans.  »

par raoul de groote

 » En entrant dans le vestiaire, Djukic était passé à côté de moi sans me regarder. « 

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