L’autre Citadelle de Namur

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Le capitaine des Zèbres jugé par ses coaches: rien que du positif!

Tout va de plus en plus vite pour Frank Defays (27 ans). Arrivé à Charleroi il y a deux ans seulement, il est aujourd’hui « la » valeur sûre du Sporting. Deux fois de suite, il a été élu meilleur joueur de son équipe par les supporters. Il a reçu le Mérite Sportif de la Ville de Namur. Lors de ses deux premières campagnes en D1, il a disputé 62 matches sur un maximum possible de 68. Aujourd’hui, il est capitaine des Zèbres et considéré par ses dirigeants comme un des deux joueurs du noyau ayant la plus grande valeur sur le marché des transferts (avec Grégory Dufer). Il est sous contrat jusqu’en 2006, mais des entraîneurs qui l’ont connu à Charleroi sont persuadés que le Sporting sera vite trop petit pour lui. Une progression météorique pour ce défenseur qui n’a découvert la première division qu’à l’âge de 25 ans, après avoir passé près de 20 saisons à Namur. Son ascension et ses perspectives d’avenir sont commentées par les coaches qui l’ont eu sous leurs ordres au Sporting.

Peruzovic: « Il a perdu son temps à Namur »

« Je n’avais pas participé au recrutement et j’ai donc découvert Frank lors du premier entraînement de l’été. J’ai directement compris qu’il avait d’énormes qualités. Il avait suivi à la lettre le programme de préparation physique que lui avait remis Michel Bertinchamps. On aurait dit que Frank avait déjà plusieurs saisons de D1 dans les jambes, tellement il était affûté. Généralement, les joueurs qui passent de D3 en D1 éprouvent des problèmes pour supporter la masse de travail en semaine et pour suivre le rythme des matches. Rien de tout cela chez Frank. Il avait évidemment de grandes qualités naturelles, mais il y a ajouté l’indispensable force de travail. Ces deux aspects doivent être réunis pour qu’un joueur ait une chance de s’imposer au plus haut niveau. Je connais des footballeurs qui pourraient travailler jour et nuit mais n’auraient aucune chance de se faire une place en D1 parce que leurs qualités de départ sont insuffisantes.

La mentalité de Frank m’a aussi impressionné dès les premiers entraînements. Il mourait d’envie de réussir et allait toujours au bout de ses efforts. Je l’ai surtout aligné au poste de back droit, avec Nikola Jerkan et Philippe Albert dans l’axe, et Tomasz Romaniuk à gauche. C’était un bon quatuor défensif. Il était prévu à l’origine que Roch Gérard joue à droite, mais il s’était blessé au genou au cours de la saison précédente et il n’est jamais revenu à son meilleur niveau. Entre Frank et Roch, il n’y avait pas photo. Frank m’a aussi dépanné dans l’axe à l’une ou l’autre occasion. Dans ces matches-là aussi, il m’a donné entière satisfaction. Mais c’est certainement dans l’axe qu’il peut réussir la plus belle carrière, grâce à sa taille, son gabarit, son très bon jeu de tête, son timing et son sens du placement. C’est aussi un joueur extrêmement régulier et il n’est pratiquement jamais blessé.

Je trouve dommage qu’il ne soit pas allé plus vite dans un club de D1. Selon moi, il a perdu son temps à Namur. S’il avait franchi plus rapidement le pas, il serait encore bien plus haut aujourd’hui. Commencer en première division à 25 ans, c’est vraiment très tard. L’année dernière, quand Milan Mandaric m’a demandé si je ne connaissais pas un bon défenseur pour Portsmouth, je lui ai glissé le nom de Frank. L’Angleterre lui conviendrait à merveille ».

Mommens: « Il doit viser plus haut que Charleroi »

« J’avais visionné Frank plusieurs fois quand il était à Namur, puisque j’étais directeur technique de Charleroi à l’époque. Je ne comprenais pas qu’un joueur possédant un tel talent évolue en D3. C’était du gaspillage. Je savais qu’il pourrait s’adapter très vite à la D1 et le parcours qu’il réussit depuis deux ans ne m’étonne donc pas du tout. Dès ses premiers matches avec Charleroi, on aurait dit qu’il avait derrière lui une longue carrière en première division.

Frank est pétri de talent et il peut briller n’importe où en défense: à droite, comme libero, comme stoppeur. Ou même à gauche pour dépanner. Il n’est pas totalement à l’aise sur ce flanc-là à cause des lacunes de son pied gauche, mais il les compense par son intelligence du jeu. C’est un battant, un leader, et il a un caractère exemplaire. Frank est encore loin de son plafond. Il ne s’est révélé que sur le tard mais il peut encore progresser à l’approche des 30 ans. Il a tout pour réussir une très grande carrière. Il doit avoir encore plus d’ambition et viser plus haut que Charleroi. Je ne le vois franchement pas rester au Sporting jusqu’au terme de son contrat ».

Manu Ferrera: « Je l’avais scouté pour Anderlecht »

« Frank Defays m’a étonné quand j’entraînais Charleroi. Il était difficile d’imaginer que ce joueur était encore en troisième division un an plus tôt. Mais je le connaissais déjà un peu avant d’arriver au Sporting: je l’avais visionné quelques fois quand je travaillais pour Anderlecht et je l’avais recommandé à la direction de ce club. Lorsque j’ai pris la succession de Raymond Mommens à Charleroi, Frank était un pion incontournable de l’équipe. Aujourd’hui, je le considère carrément comme un des meilleurs arrières centraux de notre championnat. Je ne comprends d’ailleurs pas que les plus grands clubs n’aient pas essayé de le transférer cet été. Oui, je suis vraiment étonné qu’il soit toujours à Charleroi.

Il n’a qu’un point faible: son pied gauche. Il ne l’améliorera plus de manière spectaculaire à son âge. Mais c’est un moindre mal pour un défenseur central. Pour le reste, il a un excellent jeu de tête et une bonne relance, il est relativement rapide et très costaud dans les duels. En plus, il commet très peu d’erreurs. Je l’ai aligné à plusieurs postes et dans deux concepts différents: mes arrières jouaient à 3 ou à 4 en zone. Frank s’est chaque fois intégré sans problème: c’est un signe de talent mais aussi d’intelligence. Je l’ai mis à gauche, à droite, au milieu: toujours avec le même bonheur.

Il forme actuellement un bon duo avec Ernest Etchi. En fait, Frank peut s’adapter à n’importe quel coéquipier dans l’axe. Ce n’est pas l’autre joueur qui va s’adapter à lui. Il me fait penser à Georges Arts, que j’entraîne maintenant à Alost. Ils sont tous les deux arrivés très tard en D1, en provenance directe de D3. Arts a même débarqué plus tard en première division: il avait 30 ans quand il est arrivé du RC Gand! Et lui aussi est devenu un des meilleurs arrières centraux de Belgique. Ils ont eu la même trajectoire et ils ont également des qualités similaires. C’est incroyable que ces deux joueurs aient végété aussi longtemps dans les divisions inférieures. D’un autre côté, je me demande si ce ne fut pas une bonne chose pour Frank de patienter jusqu’à 25 ans pour faire ses débuts en D1. Quand il a signé à Charleroi, c’était un homme mûr et sûr de lui. S’il était arrivé plus tôt, il se serait peut-être planté comme beaucoup de jeunes le font.

Malgré sa courte expérience en première division, il serait déjà tout à fait capable de jouer à Anderlecht ou à Bruges. On a dit, la saison dernière, qu’il y avait de l’intérêt pour lui de la part de bonnes équipes belges. Il a préféré prolonger son contrat à Charleroi jusqu’en 2006. C’est encore un signe d’intelligence. Frank gère sa carrière en bon père de famille. Il a certainement un très bon contrat au Sporting. Il a voulu se protéger, assurer ses arrières. En sachant très bien que si Anderlecht ou Bruges est intéressé, son contrat de longue durée à Charleroi ne sera pas un obstacle. Un bail aussi long peut constituer un problème quand il y a de l’intérêt de la part du GBA, de La Louvière ou d’Alost. Pas si Anderlecht entre dans la danse. Frank est aussi conscient qu’il ne doit pas écouter tous ces pseudo-managers qui lui promettent monts et merveilles. Jusqu’à preuve du contraire, Anderlecht ne souhaitait pas l’acquérir à tout prix ».

Scifo: « Il est beaucoup plus libéré qu’il y a un an »

« Le joueur que j’ai découvert en début de saison dernière était timoré par moments. Il éprouvait trop de respect par rapport aux anciens comme Dante Brogno et moi-même. Aujourd’hui, il est beaucoup plus libéré et sûr de lui. Mais Frank restera toujours Frank, malgré l’importance qu’il a prise dans l’équipe: ce n’est pas parce qu’il est devenu capitaine qu’il se croit tout permis vis-à-vis des autres. Au contraire, son rôle de capitaine fait qu’il est encore plus à l’écoute de ses coéquipiers. Je lui ai donné le brassard pour deux raisons essentielles: parce qu’il sait prendre ses responsabilités et parce qu’il a beaucoup d’influence dans le groupe. Il a de bonnes relations avec tout le monde.

Frank sait d’où il vient. C’est l’une des explications de sa progression. Il avait un gros potentiel au départ, mais son envie de progresser et d’aller toujours plus haut saute aux yeux. Il se remet en question chaque fois qu’il est en difficulté ».

Pierre Danvoye

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