L’attente

L’ancien défenseur a fait ses preuves en qualité de T1 mais sera-t-il prolongé par les Zèbres ?

En février, Thierry Siquet n’avait plus d’avenir à Charleroi. C’est ce que laissait sous-entendre le président du Sporting de Charleroi, Abbas Bayat, qui scrutait le marché à la recherche d’un entraîneur de grand calibre pour la saison prochaine. Trois mois plus tard, après avoir laissé passer la tempête et patiemment placé ses pions, Siquet a fait ses preuves, accrochant au passage des victoires de prestige (contre le Standard et au Club de Bruges), une belle série de six matches sans défaites d’affilée (cinq victoires et un match nul). Le tout avec un jeu de plus en plus offensif. Bref, de quoi faire même réfléchir un président qui hésite désormais à maintenir sa confiance à celui qui fut adjoint de Jacky Mathijssen et de Philippe Vande Walle. A 39 ans, Siquet est donc en train de faire son trou.

Quatre mois et demi après votre prise de fonction, est-ce que votre perception du métier a été modifiée ?

Oui. J’ai dû avoir des attitudes différentes par rapport à l’idée que je me faisais au départ. L’aspect psychologique est très important. Il faut s’adapter à l’état d’esprit de chaque joueur. Quand on est joueur, on sait qu’on a des collègues et des caractères différents mais ce n’est pas la même chose. Ici, je suis le patron de l’équipe.

Comment vivez-vous votre métier ?

Chaque entraîneur essaye de donner le meilleur de lui-même. Et à partir de là, ce sont les gens qui vous jugent. De toute façon. On ne peut pas être dissocié des joueurs. Le plaisir est un plaisir collectif. Parfois, on loue notre travail. Simplement parce que les joueurs ont respecté les consignes et que l’équipe a gagné. Mais contre Malines, les joueurs avaient également respecté les consignes mais cela n’avait pas marché.

On vous sent de plus en plus à l’aise sur votre banc de touche, alors que vous sembliez timoré, timide à vos débuts…

Timide ? Non, je ne crois pas. Je me rappelle avoir shooté dans les panneaux publicitaires, à Bruges. Quand je vis le match, je suis parfois exubérant. J’aime bien parler et je ne saurais pas rester 90 minutes sans rien dire. Même si au fond de moi, je suis très calme.

Vous avez affirmé que les premières semaines, vous interveniez sans cesse à chaque problème et que désormais vous restez plus calme…

Quand on réagit à chaud, on ne réagit pas correctement car on est énervé. Parfois, il vaut mieux réfléchir quelques heures.

Vous avez dû aussi vous distancer des joueurs ?

Non. J’avais déjà tourné la page quand j’étais adjoint. Même si dans sa tête, on se dit que si on avait été joueur, on aurait réagi comme cela ou fait cela. C’est inévitable. Chaque entraîneur a un fond de footballeur. Pour exercer ce métier, il faut avoir la passion du jeu. Sinon, je n’ai pas beaucoup changé par rapport aux joueurs. Ils savent que s’ils veulent me parler, rien ne les en empêche.

On sait que Vande Walle avait dans un premier temps pris goût à la fonction avant de tirer sa révérence car cela ne lui plaisait pas. Et vous ?

Moi, je suis content. C’est ce que je voulais faire avant. Je ne pensais pas que cela irait aussi vite mais j’ai eu l’opportunité que cela aille plus vite que prévu. Je ne m’attendais pas à reprendre l’équipe en décembre. Il a fallu s’adapter mais mon but était clairement de devenir T1 un jour.

Pourtant, il s’agissait d’un gros risque : après les cinq défaites d’affilée, n’avez-vous pas pensé que vous n’étiez pas prêt pour le job ?

Je n’ai pas réfléchi à cela. Je me disais- si tu réussis, tu es lancé ; si tu échoues, tu auras une deuxième chance. On n’est jamais persuadé de rien et je ne suis pas du genre à me mettre martel en tête. Je devais tenter ma chance. On aurait pu se planter et ne prendre que cinq points sur le deuxième tour. Et je ne serais plus en place aujourd’hui.

Vous estimez que vous avez accompli un bon job ?

On peut toujours faire mieux mais je peux analyser mon travail avec satisfaction.

 » Une bonne organisation n’empêche pas le football offensif « 

Est-ce que l’on peut expliquer les cinq défaites d’affilée par le fait que le groupe devait assimiler vos méthodes ?

Non. Ma méthode, les joueurs l’ont comprise à la sortie du stage. On doit trouver d’autres raisons pour expliquer cette mauvaise série. La malchance, deux ou trois matches nuls qui auraient dû se transformer en victoires et le manque d’efficacité. Je ne trouve pas qu’on a mieux joué qu’en janvier. Souvenez-vous, on avait réalisé une très bonne performance contre Roulers en Coupe mais on avait été éliminé. La grosse différence, c’est que les opportunités se sont transformées en buts.

Mais vous avez quand même dû apposer votre griffe, cela ne se fait pas du jour au lendemain…

Durant le stage, tout fut fait pour que tout coule de source mais c’est vrai qu’inconsciemment, il a peut-être fallu quelques semaines pour que tout le monde s’adapte, surtout les joueurs qui avaient changé de positions.

On sent qu’il y a des similitudes entre votre méthode et celle de Jacky Mathijssen, notamment dans l’organisation défensive…

On a essayé de réorganiser le secteur défensif qui venait de prendre 15 buts en cinq matches. Or, la base de toute équipe valable, c’est d’avoir une bonne assise défensive.

Cela sonne très Mathijssen…

Je tiens compte des remarques et notamment des discours que je pouvais tenir avec Jacky. Et puis, j’étais défenseur et je sais, par mon vécu, qu’une bonne organisation embête toujours l’adversaire. Si on n’a pas cela, on ne va pas réussir grand-chose. On va offrir du spectacle mais on ne gagnera pas.

Cela va à l’encontre du discours de votre président qui n’aime pas que son équipe joue petit bras…

Pas du tout. Une bonne organisation n’empêche pas le football offensif.

Pourtant, ce fut loin d’être du football champagne au Sporting cette saison. Prenez les matches de Lokeren, du Brussels…

Le gars qui a assisté aux deux matches va dire qu’il s’est ennuyé car on n’a gagné que sur le score de 1-0 mais dans ces deux rencontres, on aurait dû en mettre beaucoup plus. On a eu les occasions. Or, entre un score de 1-0 et de 4-1, les avis des gens divergent très vite.

Comment expliquer que Charleroi n’ait pas su se montrer régulier ?

On ne sait pas jouer 34 matches au même niveau. Mais on doit apprendre que dans des moments difficiles, il faut s’accrocher et s’en tirer avec un match nul. On n’y arrive pas toujours.

Vos joueurs manquent-ils de motivation pour bien jouer contre les petites équipes ?

Non. On a réussi de belles prestations à Dender et Zulte Waregem qui ne sont pas de grosses cylindrées. Parfois, c’est plus une question de remise en question. Les joueurs doivent savoir que trois points contre le Standard équivalent à trois points contre Dender.

On a l’impression que la mécanique s’est mise en route un peu tard, quand le Sporting n’avait plus rien à gagner, ni à perdre…

Non. Elle s’est mise en route en janvier mais on n’a pas récolté les fruits tout de suite. Vous dites un peu tard ? Mais il faut surtout souligner le mérite des joueurs qui se sont remotivés.

 » Jacobs et Mathijssen sont très différents mais ils ont une bonne approche psychologique « 

Vous avez côtoyé de nombreux coachs mais vous dites que ce sont vos deux derniers (Ariel Jacobs et Jacky Mathijssen) qui vous ont le plus influencé.

D’autres m’ont marqué comme Michel Pavic ou George Kessler. Les méthodes de Jacobs et Mathijssen sont davantage en adéquation avec ce qui se fait maintenant. Il y a certaines choses que les entraîneurs pouvaient exiger auparavant qu’on ne peut plus aujourd’hui. Du moins pas de la même manière. J’en reviens à ce que je disais tout à l’heure. Le discours doit être modulé.

Vous citez Jacobs et Mathijssen mais ces deux entraîneurs ont des caractères fort différents…

Ils sont tout à fait différents mais ils ont tous les deux une bonne approche psychologique. Jacobs est un grand communicateur, dans son style propre. Mathijssen aime bien motiver en piquant au vif. Ses déclarations sont là pour aider son équipe. Il arrive à déstabiliser l’adversaire.

Vous comptez agir comme lui ?

Non, je ne suis pas comme cela.

Vous n’en avez pas marre qu’on vous compare à Mathijssen ?

Je n’ai pas l’impression de vivre dans son ombre. Je ne sais pas pourquoi on me compare à lui. Mais, ça me va.

Vous avez beaucoup changé de systèmes : 4-4-2, le 4-3-3, le 4-4-1-1. Lequel préférez-vous ?

Je n’ai changé que deux ou trois fois de système. Pour le reste, j’ai toujours choisi la même domination. On parle beaucoup de 4-4-2 mais on n’évolue presque jamais dans ce schéma. Davantage dans un 4-3-3 ou si vous préférez un 4-5-1.

Pourquoi avoir fait reculer Cyril Théréau ?

Parce que Cyril n’est pas un avant de pointe. Je savais qu’il avait joué un peu plus bas en France et après la défaite à Mouscron, nous en avons discuté tous les deux et on s’est rendu compte qu’avec Joseph Akpala, ils se marchaient sur les pieds. Le tandem côte à côte ne fonctionnait pas. Or, Théréau possède un gros volume de jeu. Il peut apporter sa part sur le plan défensif et surgir pour profiter des espaces éventuels.

Etes-vous satisfait de son apport ?

Cinq buts en 13 matches, ce n’est pas une mauvaise moyenne pour quelqu’un qui n’avait plus joué.

Avec lui dans ce rôle-là, c’est désormais un 4-4-1-1…

Oui mais avec un système attractif. Quand Orlando est dans l’équipe, on ne peut pas le cataloguer comme médian. Mujangi-Bia n’est pas non plus quelqu’un de défensif. Même s’il a des consignes en perte de balle. De plus, je ne crois pas que les deux flancs jouent à la même hauteur que les deux médians centraux. Je dirais qu’il s’agit plus d’un 4-2-3-1.

Akpala est la révélation de la saison mais comment expliquer qu’il ait connu un gros passage à vide ?

Il a dû trouver ses marques avec Théréau. Il a fallu quelques semaines avant que les deux s’entendent.

L’autre révélation, c’est Mujangi-Bia. Pourquoi ne l’avoir sorti qu’en décembre ?

Il avait subi une opération aux adducteurs au mois de mai avec deux mois et demi de revalidation. Il a fallu qu’il retrouve son football et du rythme. Et ensuite prouver qu’il avait le niveau de l’équipe.

Votre défense a tenu le coup alors que vous avez dû sans cesse la modifier…

Le mérite des défenseurs est d’être restés concentrés. Quand nous encaissions beaucoup de buts, ce n’était pas seulement de leur faute. Quand tout le monde suit les consignes, cela fonctionne bien mieux.

par stéphane vande velde- photo: reporters/ mossiat

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