L’attaque en CHANTIER

Qui sont les attaquants belges avec les meilleures références ? Une analyse de Jean-Paul Colonval.

La rentrée a sonné. Et elle s’annonce d’emblée cruciale. Plus question de musarder en chemin. Car les Diables Rouges, bien mal embarqués, entament dès ce mercredi, en Egypte, leur ultime session de rattrapage. Avec en tête l’obligation d’un sans faute pour pouvoir encore accrocher un ticket pour la Coupe du Monde 2006. Avec un seul point à son actif, la Belgique débute son marathon. Et pour la conduire vers cet ultime défi, l’Union Belge a maintenu sa confiance en Aimé Anthuenis qui se retrouve devant un fameux dilemme. Le temps des expérimentations est bel et bien révolu mais cela ne sert à rien de parer au plus pressé. Même face à la possibilité de manquer un événement auquel nous avons pris part à six reprises d’affilée.

Si chaque ligne représente un chantier en soi, la section offensive en panne d’imagination et de buts (un en trois rencontres officielles) mérite une attention particulière. Face à des jeunes joueurs titulaires en championnat de Belgique, des exilés en mal de temps de jeu, des buteurs en devenir, voire des anciens meilleurs buteurs sur le retour, Aimé Anthuenis doit choisir.

Pour l’aider, nous avons rassemblé les statistiques de tous les postulants à une sélection sur une période de 13 mois. Pour voir qui joue et qui manque de rythme, qui marque et qui peine à trouver la cible. Nous avons réduit les sélectionnables à dix noms : ceux qui font partie du noyau des Diables ( Wesley Sonck, Thomas Buffel, Emile et Mbo Mpenza), ceux qui commencent à s’y inscrire ( Stein Huysegems, Luigi Pieroni, Tom Soetaers), le jeune le plus prometteur ( Kevin Vandenbergh) et des buteurs sur le retour ( Cédric Roussel et Toni Brogno). Et pour lire ces statistiques, nous avons fait appel à un attaquant de la plus pure des races, celle des buteurs. Le seul meilleur artilleur belge du championnat (25 buts en 1965 lorsqu’il évoluait à Tilleur) à ne jamais avoir été appelé en équipe nationale : Jean-Paul Colonval.

 » Cela ne doit pas être évident de choisir son attaque pour le moment. La plupart de nos pseudos vedettes essuient les bancs à l’étranger. Et à moins que je me trompe ou que j’ai la mémoire courte, Anthuenis avait dit qu’il fallait être titulaire pour être repris en équipe nationale. Il faut donc s’entendre sur le terme titulaire. Faut-il avoir joué dix matches d’affilée ou se satisfait-on d’un ou deux matches sur trois en considérant que le turnover est désormais d’actualité dans tous les championnats étrangers ? Le malheur pour des petites nations comme la nôtre vient du fait que les joueurs évoluant à l’étranger ne sont pas titulaires à part entière. En restant chez nous, ils auraient gardé le rythme de notre championnat, en bonne condition et en pleine confiance. Car celui qui ne joue que sporadiquement n’est pas au sommet de sa confiance « .

Le cas Emile Mpenza

D’emblée, Colonval embraye sur Emile Mpenza, gâté par les chiffres si on regarde sa période liégeoise, beaucoup moins prolifique dans la cité hanséatique.  » Il ne faut pas verser dans l’impressionnisme en disant de lui û Ah, il est beau, il va vite, il est habile. Pour un attaquant de pointe, il faut toujours s’en remettre à cet idiome de départ : il joue autant de matches et met autant de buts. C’est aussi simple que cela. Si ce n’est pas un attaquant de pointe, on dit alors autant de matches, autant d’assists. Le reste, c’est de la foutaise. Le cas qui résumait le mieux cela dans le passé, c’était celui de Luc Nilis. Quand il jouait à Anderlecht et au PSV, il marquait un paquet de buts mais en équipe nationale, il n’en plantait pas un seul. Heureusement, on reste sur l’image du test match face à l’Irlande où c’est lui qui nous qualifie pour la Coupe du Monde 98 en France. Pourquoi ne marquait-il pas ? Simplement parce qu’en équipe nationale, il était confronté à un schéma de jeu qui consistait à s’adapter à la tactique adverse et dans lequel l’attaquant était souvent livré à lui-même, souvent en infériorité numérique. Autant Emile m’a convaincu en championnat de Belgique et un peu avec Schalke, autant à Hambourg il ne marque pas beaucoup. Avec 80 % de temps de jeu, il n’a scoré qu’à trois reprises. De plus, c’est un joueur avec des hauts et des bas, ce qui le rend imprévisible. Et pour moi, les joueurs imprévisibles ne sont pas fiables. Il ne faut cependant pas lui enlever ses qualités : il court, il va vite mais ce n’est pas un vrai buteur. En plus, il a déclaré son désamour à plusieurs reprises à l’égard de l’équipe nationale. Ce que je trouve incorrect. Quant à Mbo, il demeure une énigme pour moi. Il a moins de puissance que son frère mais il est terriblement explosif. Mais les chiffres sont là. Aucun but en équipe nationale. Dans le cadre actuel, on a besoin de buteurs et les frères Mpenza ne le sont pas « .

 » Sonck, les chiffres parlent pour lui  »

A l’inverse, Wesley Sonck trouve grâce aux yens du consultant de Be. tv.  » Quand on regarde ce tableau, celui qui possède les meilleurs statistiques, c’est Sonck. 14 buts en 34 capes, ce n’est pas rien « , explique Colonval,

Pourtant, Sonck n’a pas particulièrement brillé cette saison avec l’Ajax même s’il reste sur l’année le Diable le plus efficace sous la vareuse belge avec un but toutes les 214 minutes.  » C’est vrai mais compte tenu des buts qu’il a inscrits, je le mettrais dans le onze de base. Je ne vois pas qui d’autre peut revendiquer sa place. A condition qu’on le recadre un petit peu. C’est bien de décrocher mais il faut aussi être là où on enfonce le fer « . La présence de Sonck est également dictée par un retour à un niveau plus conforme à son statut.  » C’est tout simplement parce qu’il ne jouait pas à l’Ajax. Il faut maintenant tenir à l’£il ses performances à Mönchengladbach. Car contre la Lituanie, il ne fallait pas attendre des miracles de sa part. C’est comme si on imagine qu’un type qui dispute les rencontres de Réserves puisse briller lors d’un match européen « .

 » Pieroni marque chaque fois qu’il entre  »

Luigi Pieroni possède les meilleures références. Un but toutes les 75 minutes lors de sa période mouscronnoise et un toutes les 166 minutes depuis qu’il est à Auxerre sans compter les buts inscrits en Coupe de France.  » Il faut lui donner sa chance. A chaque fois qu’il entre au jeu avec Auxerre, il marque. Et en équipe nationale, il a déjà touché le cadre à plusieurs reprises « .

Lancer Kevin Vandenbergh

Même discours pour le jeune fils d’Erwin Vandenbergh.  » Pourquoi ne pas lui donner une chance ? Il a prouvé avec les Espoirs qu’il n’était pas dépourvu du sens du but. Il a une occasion et il la met dedans. Il ne peut pas jouer tout seul devant car il n’a pas le gabarit mais c’est quelqu’un qui peut monter en cours de match. Dans la liste, je ne vois que peu de vrais attaquants. Et Vandenbergh en fait partie. Il ressemble terriblement à son père dans sa façon de jouer, dans son dépouillement et dans son efficacité. Il a le flair de son père « .

Roussel, Huysegems, Soetaers et Toni Brogno

Quant aux autres, il les juge encore un peu trop court :  » Pour Roussel, il faut d’abord voir comment il va se réadapter après son aventure russe. Tom Soetaers, il faut lui laisser du temps de jeu puisqu’il n’était plus titulaire à l’Ajax. Mais de toute façon, ce n’est pas une solution dans l’axe. Il peut par contre faire mal sur les flancs si on le lance en seconde mi-temps. Toni Brogno n’est plus vraiment un centre-avant même s’il s’agit du meilleur buteur belge du championnat. Il évolue plutôt comme ailier. Quant à Stein Huysegems, il ne m’impressionne pas vraiment. Ce n’est pas quelqu’un qui va sur le champ de bataille. Il va plutôt rester dans sa tranchée « .

Le soutien

Jean-Paul Colonval ne manque pas de souligner l’apport des autres lignes pour expliquer la pénurie d’occasions :  » A partir du moment où un attaquant a peu de soutien, il ne sait pas faire grand-chose. C’est un peu comme un soldat qui va à la guerre avec six cartouches. C’est évident qu’il ne va pas vivre longtemps. Auparavant, les Belges compensaient leurs limites par une organisation et un engagement. Ce qui n’est plus le cas. Désormais, on n’a plus vraiment le choix d’un système. Soit on joue avec deux milieux défensifs et des solutions sur les ailes. Soit on joue avec un stratège. Mais en tout état de cause, on doit évoluer avec deux pointes. Or, pour le moment on ne trouve qu’un seul attaquant et Buffel en retrait. Face à une défense centrale de classe internationale, que peut bien faire un seul centre-avant ; qu’il s’appelle Sonck ou Pieroni ? De temps en temps, éventuellement se montrer sur des coups de pied arrêtés « .

 » Buffel en meneur de jeu ? Pourquoi pas !  »

Quant à Thomas Buffel, son avenir se trouverait davantage dans la ligne médiane.  » On n’a jamais essayé cette option. Ou bien on joue avec Buffel en meneur de jeu avec deux attaquants devant lui. Ou bien on se passe de lui. Nous n’avons plus Marc Wilmots, cette âme de l’équipe qui pouvait jouer ces deux rôles, tant derrière que devant. Il lançait l’impulsion dans l’équipe et chacun pouvait se surpasser. Or maintenant, on ne voit plus jamais l’équipe nationale se surpasser. Au contraire, elle joue en deçà de ses qualités intrinsèques. Le passage de Buffel aux Rangers ne peut que lui faire du bien. Les qualités techniques, il les possède. Et en Ecosse, il va apprendre à aller au charbon « .

Problème de gabarit

 » Une complémentarité Sonck-Pieroni me vient naturellement à l’esprit. Plutôt que rechercher la profondeur avec Emile Mpenza, passons par les flancs et utilisons des joueurs qui sont capables de jouer de la tête dans la surface. La combinaison idéale viendrait d’un attaquant vif dans les situations où il faut réagir comme Sonck ou Vandenbergh et à côté il faut une tour, un type qui est à l’aise de la tête, qui fixe les deux arrières centraux pour donner de la liberté aux autres comme Pieroni ou Roussel. Qu’on me donne la composition d’une équipe étrangère dans laquelle il y a deux nains devant comme on se borne à le faire chez nous « .

Stéphane Vande Velde

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