L’ARTISTE

Arjen Robben attire l’attention mais c’est le joueur d’Arsenal qui a éclaté pendant ce Mondial. L’attaquant offre sa classe aux Néerlandais.

« On a trop peu de classe…,  » tel était le jugement du sélectionneur des Pays-Bas, Marco van Basten. C’était compter sans Robin van Persie. L’avant de 22 ans a ramené la grâce et la finesse qui rappellent, malgré sa jeunesse, Van Basten lui-même et Dennis Bergkamp. Ce n’est pas un hasard si ces deux hommes ont justement joué un rôle important dans la métamorphose subie par le joueur. On dit que Van Persie reste sur une année cruciale à Arsenal. A Londres, il est enfin entouré d’autorités es football qu’il admire et écoute : l’entraîneur, Arsène Wenger, et Bergkamp. De multiples conversations avec son compatriote lui ont fait comprendre ce que signifiait être un footballeur professionnel accompli. Bergkamp pourrait bien être la clef de l’éclosion de son cadet.

Lors du match d’ouverture des Pays-Bas contre la Serbie & Monténégro, Van Persie a lancé Arjen Robben vers le seul but de la rencontre. Sinon, il a été plutôt effacé. C’est pour cela qu’il a été aussi bon. Robben était tellement présent que peu de ballons ont été adressés à Van Persie, sur le flanc droit. Pourtant, discipliné, celui-ci a continué à écarter le jeu. Dans un passé pas si lointain, il se serait énervé de ne pas recevoir le ballon et aurait été le chercher. Souvent, il l’a fait, exaspérant Marco van Basten, dont il démolissait tous les plans tactiques.

Indépendamment de ce nouvel esprit d’équipe, Van Persie a subi une autre métamorphose. Avant le deuxième match du premier tour, dans le couloir des joueurs, il a enlacé ses coéquipiers ivoiriens Kolo Touré et Emmanuel Eboué en souriant. L’adolescent rebelle qui ne s’entendait pas avec ses partenaires à Feyenoord a grandi. Foppe de Haan, le sélectionneur des Espoirs nationaux, l’avait déjà remarqué : si, avant, il fallait le prendre avec des pincettes de peur qu’il n’explose, il peut maintenant plaisanter de tout.

Durant ses contacts avec la presse, au Badenovastadion de Fribourg, Van Persie s’est révélé gai et jovial, toujours disponible, toujours prompt à raconter des choses intéressantes. Il aime à expliquer ce qu’il a appris ces derniers temps. Van Persie pratique désormais l’autocritique :  » C’est nécessaire. Si je veux devenir un grand footballeur, je dois analyser mon jeu d’un regard critique. J’ai appris ça en Angleterre « .

Un milieu d’artistes

Robin van Persie, qui aura 23 ans en août, a grandi à Kralingen, un quartier ouvrier de Rotterdam. Sa mère peint et conçoit des bijoux tout en donnant cours à des enfants difficiles. Son père est sculpteur. Après leur divorce, Van Persie est resté avec son père. Dans ce milieu artistique, il a eu une éducation très libre. Il n’a pas hérité du talent créatif de ses parents mais d’un sens très développé de l’expression individuelle, ce qui l’incite parfois à se rebeller contre l’autorité. Il veut souvent avoir le dernier mot, est énervant et ses professeurs le renvoient plus d’une fois.

Son caractère lui joue des tours en football aussi. Van Persie signe son premier contrat professionnel à Feyenoord en janvier 2002. Grâce à plusieurs blessures de titulaires, il est rapidement aligné en équipe fanion. Il fait sensation lors d’une de ses premières rencontres en exigeant de botter un coup franc, ce dont se charge généralement Pierre van Hooijdonck. L’attaquant n’a pas encore 19 ans quand il gagne la finale de la Coupe UEFA contre le Borussia Dortmund (3-2). Très vite, durant la saison suivante, il entre en conflit avec Bert van Marwijk. Après la qualification de Feyenoord face à Fenerbahce, l’entraîneur, épris de discipline, renvoie Van Persie à la maison alors que le groupe s’envole au Real Madrid pour la Supercoupe d’Europe. Van Marwijk n’a pas apprécié la désinvolture de l’attaquant, réserve lors d’un match à Istanbul, pendant l’échauffement.

Van Persie est profondément blessé. Sûr de lui, il déclare ne pouvoir parler intelligemment qu’avec le président, à Rotterdam. A l’issue d’une année difficile, il rejoint Arsenal, en été 2004. Sa mauvaise réputation fait baisser son prix. Arsenal ne débourse que quatre millions d’euros, soit nettement moins que Chelsea pour Arjen Robben (PSV) : 18 millions. Au début, le Rotterdamois manque de dérailler à Londres aussi. En février 2005, Arsène Wenger le somme de se maîtriser, au repos d’un match contre Southampton, et de ne pas risquer de second avertissement. A peine le match a-t-il repris qu’il est exclu. Arsenal perd le match et des points importants dans la lutte pour le titre. Van Persie est le bouc émissaire.

Wenger intervient. Il prend le joueur à part. C’est un tournant dans la carrière de celui-ci.  » Il n’a pas crié ni dit que j’avais déraillé « , raconte Van Persie au Sunday Times.  » Il m’a incité à m’interroger. Il a dit : – Si tu veux atteindre le top, tu vas devoir changer. Je lui ai demandé en quoi. – Je ne te le dirai pas, cherche toi-même. C’était particulièrement intelligent : s’il me l’avait dit, je l’aurais oublié au bout d’une semaine. En me contraignant à réfléchir, il a allongé le processus mais je n’allais pas oublier la leçon. Je suis devenu adulte. J’ai décidé de mettre en £uvre tout ce qui serait nécessaire pour obtenir le succès. M’entraîner dur, observer mes aînés, travailler beaucoup plus professionnellement « .

Une reconnaissance éternelle

Radicalement différente de celle de Van Marwijk, l’approche de Wenger fonctionne. Van Persie développe son meilleur football à Arsenal dès les premiers mois de la saison écoulée. Il marque huit buts en autant de joutes. Peu avant, Marco van Basten l’a sélectionné pour les deux matches de qualification pour le Mondial contre la Roumanie et la Finlande. Van Persie entre au jeu, brille et marque. Ce sont ses premières sélections. En août 2004, Van Basten l’avait repris dans son noyau mais l’avait écarté, mécontent de ses prestations à l’entraînement.

Son éclosion a été perturbée. Durant l’été 2005, Van Persie a été accusé de viol. Il a passé deux semaines en prison, en préventive, à Rotterdam, mais la justice a décidé de ne pas poursuivre le footballeur. Van Persie :  » J’admire beaucoup Van Basten, comme coach et comme homme. Il m’a toujours rendu confiance. Même dans les moments les plus durs, il a continué à me soutenir. Je lui en serai éternellement reconnaissant « .

JAN HAUSPIE, ENVOYÉ SPÉCIAL EN ALLEMAGNE

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