© belgaimage

L’ARGENT COULE À FLOTS

Depuis plus 20 ans, la mondaine principauté de Monaco accueille le gratin du football international à l’occasion du tirage au sort de la Ligue des Champions et de l’Europa League. Un décor approprié pour les grands clubs du Vieux Continent, dont la puissance financière ne cesse de croître.

Chaque année, le même décor est planté à Monaco : des yachts de milliardaires, des bolides impressionnants, des dames en tenue de gala, le bleu de la Méditerranée, çà et là un chantier où l’on construit quelques appartements sur les derniers mètres carrés encore disponibles : un monde artificiel et pompeux où l’argent règne en maître. Pourtant, quelque chose a changé cette année : dans le centre-ville, on découvre deux affiches de l’AS Monaco. Elles avaient été placées lorsque le club a remporté le titre et elles sont toujours là. Allez AS Monaco. Un slogan un peu incongru lorsqu’on sait que le club ne compte que 2.000 abonnés.

Monaco n’est pas une terre de football, l’ambiance lors des matches est plutôt froide, parfois glaciale. Mais l’équipe a trouvé sa place au sommet de la Ligue 1 française et espère également briller en Ligue des Champions. Avec Youri Tielemans qui, pour l’instant, n’a pas encore conquis ses galons de titulaire. Le jeune milieu de terrain prend son mal en patience. Lorsqu’il a eu droit à du temps de jeu, il s’est toujours montré à la hauteur. Tielemans impressionne par sa lecture du jeu et ses frappes puissantes. Un footballeur intelligent qui accélère le jeu, les Monégasques l’ont déjà constaté également. S’il doit faire preuve de patience, c’est en raison des méthodes de travail de l’entraîneur portugais Leonardo Jardim. Il ne veut pas brûler les jeunes joueurs. Il a introduit Kylian Mbappé,qui va rejoindre le PSG, au moment qu’il a jugé le plus adéquat, même s’il frappait déjà très fort à la porte de l’équipe Première à 16 ans. Et en janvier, lorsque Monaco a acheté Jorge, l’arrière gauche brésilien de 20 ans, pour 8,5 millions d’euros à Flamengo, il l’a laissé sur le banc pendant des mois. Ce n’est qu’aujourd’hui que Jorge est titulaire. Et apporte une plus-value à l’équipe. Tielemans devra sans doute passer par là également.

C’est ainsi que Monaco fait son chemin dans le monde du football. En achetant et surtout en vendant. Comme Mbappé, vanté pour ses qualités footballistiques mais aussi sa force mentale, dans une métropole où les tentations sont grandes et où le casino a déjà plumé plus d’un footballeur. Il y a aussi les reprises d’autres équipes, comme le Cercle de Bruges. Les prestations des verts et noirs sont suivies avec attention. Ainsi, après le tirage de la Ligue des Champions, nous avons surpris Filips Dhondt, engagé en janvier 2012 comme directeur général de Monaco lorsque l’équipe occupait la dernière place du classement… en Ligue 2, en train d’informer Nicolas Holveck, le directeur général adjoint, que le Cercle était mené 0-1 par Tamise en Coupe de Belgique.  » 0-1 contre nous ? « , s’est étonné Holveck. Oui, a confirmé Dhondt, qui est aujourd’hui le conseiller du CEO Vadim Vasilyev. Holveck secoue la tête. Après la cinglante défaite 7-1 à Louvain, il avait espéré une réaction. Car, pense-t-il, le Cercle regorge de talent. Le doute n’est plus permis : toutes les décisions concernant le Cercle seront désormais prises à Monte Carlo.

Pas bavard

Chaque année, le président de l’UEFA organise une grande conférence de presse à l’occasion du tirage au sort des coupes européennes. Lennart Johansson le faisait et Michel Platini également. Le Français s’adressait aux journalistes avec le flair qui lui est propre. Lorsque certaines questions étaient trop techniques, c’est le secrétaire général Gianni Infantino qui répondait. L’actuel président de la FIFA connaissait ses dossiers sur le bout des doigts et n’était jamais pris au dépourvu.

Aujourd’hui, c’est le Slovène Aleksander Ceferin qui est à la tête de l’UEFA. Il a d’autres habitudes : pas de conférence de presse à grande échelle. C’eût pourtant été le bon moment pour expliquer son point de vue. Sur la réforme du système de transferts, par exemple, un sujet dont il a parlé en petit comité. Mais Ceferin a préféré se taire, en bon Européen de l’Est qu’il est. Même si, paraît-il, il n’en épouse pas toutes les caractéristiques.

Traditionnellement, le tirage de la Ligue des Champions commence par un trophée attribué par l’UEFA à un joueur dont la carrière a été incroyable : le President’s Award. Francesco Totti, qui a raccroché les crampons en juin, est mis à l’honneur pour l’ensemble de son oeuvre. C’est à Ceferin qu’il incombe de remettre le trophée. Il se dirige donc vers le podium et félicite l’Italien.  » Pourquoi est-ce Totti qui a été choisi ?  » demande le présentateur, qui n’est autre que Pedro Pinto, le directeur de la communication de l’UEFA.  » Parce que c’était un bon joueur et qu’il a défendu les couleurs de l’AS Rome durant toute sa carrière « , a répondu Ceferin. Puis, il s’est retiré. Le Slovène n’est pas un grand bavard et il n’a pas l’air d’avoir un ego surdimensionné non plus. Il a pris soin de bien s’entourer. C’est surtout le directeur de l’UEFA, l’Italien Giorgio Marchetti, qui le conseille, affirme-t-on en coulisses.

Pas à armes égales

Le Forum Grimaldi, un salon dont la baie vitrée donne sur la Méditerranée, sert de décor au tirage de la Champions League et de l’Europa League depuis des années. Sur deux jours et dans des styles différents. Roger Vanden Stock est à l’aise dans ce monde-là : voilà 25 ans qu’il assiste au tirage. Et, à chaque apparition, il constate que les clubs ont augmenté leur budget et ne regardent pas à la dépense. Surtout en Ligue des Champions. Lorsque le sort désigne le Bayern Munich, le PSG et le Celtic Glasgow, la délégation anderlechtoise a des sentiments mitigés. Sur le plan commercial, c’est le jackpot assuré, même si la capacité du Parc Astrid – 21.000 places – empêche d’exploiter l’affaire à fond. Mais, sur le plan sportif, le club ne peut espérer mieux qu’une troisième place.  » Nous aurions pu remplir trois fois un stade de 50.000 places « , fait remarquer le manager Herman Van Holsbeeck.

Les contrastes sont frappants entre les 32 clubs qui ouvriront le bal de la Ligue des Champions. Le Bayern Munich et le PSG ont un budget dix fois supérieur à celui d’Anderlecht. Le Sporting ne lutte pas à armes égales. La Champions League attire tous les regards et jouit d’un prestige exceptionnel. On s’en rend mieux compte le lendemain, lorsque le tirage des groupes de l’Europa League se déroule dans une quasi-indifférence. La salle, dans laquelle a pris place la délégation de Zulte Waregem, n’est qu’à moitié remplie. La cérémonie ne dure que 40 minutes et un seul prix individuel est décerné : celui de meilleur joueur de la Ligue Europa. Il est attribué à Paul Pogba. Mais le milieu de terrain de Manchester United n’a pas pu se déplacer pour le recevoir, car son club doit jouer le lendemain. C’est donc l’UEFA elle-même qui s’est déplacée en Angleterre, où Pogba a reçu le trophée des mains d’Aleksander Ceferin dans une salle dépourvue du moindre artifice. Ceferin se contente, une fois encore, du minimum syndical : félicitations, et l’affaire est dans le sac.

Il y avait tout de même plus de faste la veille, lorsque Gianluigi Buffon a été élu meilleur gardien de la Ligue des Champions. C’est le seul trophée qui n’a pas été attribué au Real Madrid. Car les prix du meilleur défenseur, du meilleur milieu de terrain et du meilleur attaquant ont été attribués, respectivement, à Sergio Ramos, Luka Modric et Cristiano Ronaldo. Le jury était constitué de 80 entraîneurs et 55 journalistes sélectionnés par les publications d’ESM. Et, bien sûr, Ronaldo a été élu pour la troisième fois Footballeur Européen de l’Année. Le présentateur lui a demandé s’il se souvenait contre qui il avait inscrit son dernier but en Champions League.  » Bien sûr « , a répondu Ronaldo,  » c’était contre un vieil homme « . Et il a donné une tape amicale sur l’épaule de Buffon, à côté de lui. La cérémonie s’est alors terminée. Ronaldo a posé pour les photographes, aux côtés de la Joueuse Européenne de l’Année, la Néerlandaise Lieke Martens en tenue de gala. Il a demandé que la salle l’applaudisse. Il n’est pas né de la dernière pluie, Cristiano Ronaldo. Il pourrait même donner quelques conseils au président de l’UEFA.

par Jacques Sys à Monaco – photos Belgaimage

Aleksander Ceferin, le président de l’UEFA, n’a visiblement pas un ego surdimensionné.

Cristiano Ronaldo a désigné les successeurs de son duel avec Messi : Asensio, Dembélé et Eden Hazard.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire