L’Ardennais volant

Ce week-end aux Boucles de Spa, il veut tenir son rang sur sa petite Polo Super 1600.

Parfaitement remis d’un incident cardiaque survenu l’été dernier, Marc Duez revient au rallye et étonne en s’alignant sur une auto très différente de celles qu’il a pilotées jusqu’ici. Ce défi l’amuse et le motive. Sur sa carte d’identité, il avoue 46 ans mais dans sa tête, il en a 20 et ce week-end à Spa, il n’a aucune envie d’être largué par les gamins.

A quand remonte votre dernière saison complète en championnat de Belgique des rallyes ?

Marc Duez : Je dirais 1990… Et si je me souviens bien, j’ai conquis le titre sur une Ford Sierra.

Pourquoi ce retour aux affaires ?

John Muth m’a proposé d’être son pilote car je crois que le courant ne passait plus avec Patrick Snijers.

Le choix de la voiture a étonné…

Nous avons d’abord songé à une grosse 4×4 susceptible de jouer la gagne, style Subaru Impreza ou Peugeot 206 WRC, mais les budgets nécessaires pour disposer d’une bonne auto étaient délirants. N’ayant guère envie d’aligner une Groupe N aussi peu excitante pour l’équipage que pour les spectateurs, nous avons songé à une Super 1600. La VW Polo était disponible puisque l’importateur stoppait son implication avec Pascal Gaban, suivant en cela l’usine qui avait décidé de ne plus développer ce produit. Tout s’est progressivement mis en place et je vais donc m’aligner à Spa aux commandes de cette petite bombe au look très sympa.

Vous avez rapidement trouvé vos marques à son volant ?

L’an dernier, cette voiture n’a pas fini un seul rallye et s’est montrée peu compétitive face à ses rivales. Difficile de faire moins bien, non ? Je l’ai découverte lors d’une séance d’essai à Bodeux, sur une spéciale empruntée jadis par les concurrents des Boucles. Au début, je ne me sentais pas à l’aise mais j’ai progressivement modifié son comportement et en fin de journée, j’étais nettement plus performant. J’ai quasi tout changé : rapports de boîte, hauteur de caisse, réglages d’amortisseurs, tarage des ressorts, etc. Ce travail a porté ses fruits puisque quelques jours plus tard, je terminais troisième d’un rallye provincial derrière deux pilotes de 4×4 nettement plus puissantes.

Vous visez la victoire en Super 1600 aux Boucles de Spa ?

Doucement, n’allons pas trop vite en travail ! Je n’ai aucune idée du niveau auquel je me situe par rapport aux ténors de la catégorie. Je vais trouver sur ma route quelques méchants clients : Larry Cols le champion en titre sur une Renault officielle, Bernd Casier qui lui succède chez Fiat, Olivier Collard et Bruno Thiry sur Citroën. Comme moi, Bruno doit retrouver ses sensations sur une 1600 après avoir piloté ces dernières saisons des 4×4 turbo, mais il peut se targuer d’une solide expérience de la traction avant.

Des modifications financées par les clients

A moins d’une énorme surprise, un pilote de Super 1600 ne peut s’imposer au classement absolu. N’est-ce pas frustrant de prendre le départ sans espoir de vaincre ?

Je préfère terminer 10e au terme d’une belle bagarre avec mes adversaires directs plutôt que de gagner en me promenant parce que mon matériel est trop supérieur à celui de la concurrence. Le lauréat en 1600 n’aura pas ménagé sa peine et se sera sans doute mieux amusé que le grand vainqueur.

Bruno Thiry, Marc Duez : vous n’êtes plus des espoirs alors que la catégorie leur est destinée en priorité…

Mais c’est de la blague, cela coûte mille fois trop cher ! Les jeunes ne trouvent pas les appuis nécessaires pour s’aligner en Super 1600 car les décideurs préfèrent jouer la sécurité en misant sur des pilotes confirmés. On peut le regretter mais c’est ainsi…

Pourtant, vue de l’extérieur, une petite berline propulsée par un 1600cc atmosphérique n’a rien d’un monstre de course. Alors, où est le problème ?

C’est vrai, ma Polo ressemble à celles qu’utilisent des dames bien mises pour faire leurs courses dans les grands magasins. Heureusement, il y a la décoration, et puis un bruit très excitant… Contrairement à ce que les gens pensent, élaborer une version course d’une petite auto coûte beaucoup d’argent car les modèles de série se tiennent de très près. Pour faire la différence, les ingénieurs cherchent donc le dernier carat en améliorant les plus petits détails. Ce développement de nouvelles pièces est permanent et coûte une fortune. D’ailleurs, VW a décidé d’arrêter les frais, estimant que le jeu n’en vaut pas la chandelle. L’évolution de la Polo est figée, à part quelques améliorations au moteur attendues en cours de saison mais financées par les clients.

 » L’épreuve a perdu une partie de son âme  »

Si vous en aviez le pouvoir, comment définiriez-vous la voiture de rallye idéale ?

Je ne suis pas technicien mais je sais que j’opterais pour de gros moteurs de conception simple, robustes, relativement puissants et peu onéreux à entretenir. Je bannirais aussi les raffinements techniques û électroniques notamment û qui grèvent trop lourdement les budgets.

Quel regard portez-vous sur notre championnat des rallyes ?

Après la période un peu folle durant laquelle l’industrie du tabac dépensait sans compter, la discipline a connu un passage à vide mais elle a retrouvé un bon niveau et par rapport aux pays voisins, la Belgique n’a pas à rougir de sa compétition. Cela dit, trois épreuves demeurent au-dessus du lot : Spa, Ypres et le Condroz. Ces organisations font de l’ombre aux autres dont les maîtres d’£uvre se dépensent pourtant sans compter. Tenez, le coup d’envoi de la saison a été donné il y a dix jours à Hannut mais on a l’impression qu’il s’agissait d’un hors d’£uvre avant le début des hostilités ce week-end à Spa.

Vous regrettez l’ancienne date des Boucles ?

Bien sûr, même si l’organisateur doit avoir ses raisons. L’épreuve spadoise a perdu une partie de son âme et ressemble désormais à beaucoup d’autres. Les Boucles n’avaient aucune concurrence : en février, on ne parle pas encore de circuit, de F1 ou de courses de vélo. Fin mars, c’est aussi moins magique car il faudrait vraiment une météo dingue pour que la neige soit au rendez-vous. Cela dit, quand je mettrai la première samedi matin, je serai motivé comme jamais, pas question de me faire larguer !

Eric Faure

 » Ma Polo ressemble à celle des DAMES CHICS « 

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