L’anti SHOW

Le nouvel attaquant croate de la Venise du Nord nous a reçus à Opatija avant de relancer sa carrière en Belgique.

Un petit bijou serti tout contre l’Adriatique. Rijeka est à deux pas, Zagreb, Ljubljana et Trieste se situent tout au plus à deux grosses heures de route. De magnifiques hôtels ont les pieds dans une eau belle comme l’émeraude. De grands peintres et compositeurs, dont Gustav Mahler, y ont séjourné ou ont vanté les splendeurs d’Opatija.

 » Je ne connais pas de plus bel endroit sur terre « , dit Bosko Balaban, 25 ans.  » Quand j’ai envie de skier, une de mes passions, je suis sur les pistes en une demi-heure « . Là, il est vrai, on dirait que la montagne, coiffée de bonnets blancs, demande la mer en mariage.  » Ce que j’adore par-dessus tout, c’est la pêche. « , continue la nouvelle vedette du Club Brugeois.  » On ne pense plus à rien, on se refait un moral, au calme, en quelques heures. Quand je ferre un bon poisson, c’est magique. Le repas du soir, arrosé de vins délicieux, est alors un festin. On mange très bien à travers toute la Croatie : chaque région a ses spécialités culinaires mais c’est à Opatija que les plaisirs de la table sont les plus complets. Grâce à l’Adriatique. Les habitants de Zagreb le savent : ils payent souvent très cher pour acheter notre poisson « .

Le jeune homme et la mer : une nouvelle version du roman d’Ernest Hemingway en quelque sorte. Après une longue conversation, il nous emmène au Bevanda, le plus célèbre restaurant de poissons d’Opatija. Crustacés, homards, crevettes, gambas, coquilles Saint-Jacques, anchois, moules : les garçons, habillés comme des officiers de marine, veulent que les invités de Bosko Balaban apprécient toute cette fraîcheur. Impossible de refuser avec un verre de blanc en plus. En été, de petits pêcheurs gagnent leur vie en fournissant directement les restaurants.

 » C’est ça, Opatija… « , souligne encore Bosko Balaban qui y possède une maison sur les hauteurs dominant le miroir bleu de l’Adriatique. Des milliardaires venus de partout, même de Russie ces derniers temps, dépensent des fortunes pour acquérir des maisons dans ce havre de paix.

Dimanche passé, Bosko Balaban quittait ce paradis pour se fixer pour deux ans et demi à Bruges :  » Une ville superbe aussi, j’en ai déjà fait un petit tour. Je sens que cela tournera le tonnerre pour moi à Bruges. En Croatie, certains ont fait la fine bouche quand la nouvelle de mon transfert a été officialisée. Mais Bruges, et je le sais depuis longtemps, est un excellent club. Plus grand entre autres que le Dynamo Zagreb. Bruges est le tenant du titre national en Belgique. Sa campagne en Ligue des Champions valait le coup d’£il avec des succès face à l’AC Milan et l’Ajax d’Amsterdam et il reste en course en Coupe de l’UEFA. Il faut le faire, ce n’est pas le fruit du hasard. Quand mon agent m’a fait état d’une possibilité d’embauche pour moi dans ce club, je lui ai immédiatement donné carte blanche. Cela m’a tout de suite branché. Je serai totalement prêt après une vingtaine de jours d’entraînement « .

400 euros par mois

Comment se sont dessinés les premiers contours de votre carrière ?

Bosko Balaban : J’ai usé mes premiers crampons dans un petit club de D3, Lucki Radnik. Après y avoir passé une saison, mon premier entraîneur de jeunes a pris le chemin du grand club de ma ville, NK Rijeka. Il m’a tout de suite demandé de l’accompagner et j’ai finalement fait toutes mes classes dans ce club de D1 où joua notamment Zoran Ban. A Rijeka, hélas, on n’a pas toujours fait confiance aux éléments de la région. Il y a souvent eu un gros apport de joueurs venus des quatre coins du pays. Même si j’ai évolué dans toutes les équipes nationales de jeunes, je ne jouissais pas toujours du soutien indiqué.

Mais des clubs étrangers avaient remarqué ma facilité à la finition. J’avais à peine 16 ans que la Fiorentina me demanda de participer à un tournoi de jeunes à Düsseldorf. Je m’en étais très bien tiré et Rijeka a réagi en proposant un contrat de quatre ans. J’ai accepté cette offre qui me permettait de gagner 400 euros par mois. Je trouvais qu’il était important de mûrir dans une ambiance que je connaissais bien.

A Rijeka, le stress est plus facile à gérer qu’au Dynamo Zagreb ou à Hajduk Split. C’est un bon petit club de D1 mais sans plus. Un homme d’affaires de Rijeka m’offrait des primes à la fin de chaque saison car mon salaire était insuffisant. De match en match, je me suis de plus en plus installé en pointe. Puis, j’ai fait mes débuts en équipe nationale A face la Slovaquie (1-1). A la fin de mon contrat de quatre ans, Rijeka tarda à me faire une proposition. J’étais un joueur libre et gratuit. Dynamo Zagreb me contacta et j’ai accepté. Il y avait un monde différence. A Rijeka, les internationaux sont rares. Par contre, Dynamo en compte toujours une dizaine. C’est dire si la concurrence était d’un autre niveau. C’est le club de la capitale, cela compte. La Croatie a 4,5 millions d’habitants dont le quart vit à Zagreb. A Rijeka, j’avais marqué 21 buts en 98 matches. En 2000-2001, à Zagreb, j’ai terminé ma saison avec 14 buts à mon actif. Je m’entendais très bien en pointe avec Ivica Olic.

Vous étiez en plein boum au printemps 2000-2001 quand Aston Villa vous contacta. Or, cette aventure anglaise se termina mal…

Le club de Birmingham proposa 10 millions d’euros pour réaliser ce transfert : on ne peut pas refuser une telle offre. Même si j’ai dû quitter Aston Villa, pour des raisons que j’ignore, je reste un fan du football anglais. Il n’y a rien de plus beau que la PremierLeague. L’ambiance qui règne dans les stades anglais est incomparable et on y retrouve beaucoup des meilleurs joueurs du monde. John Grégory, le manager de l’époque, m’avait fait venir et il me fit jouer des bouts de matches. Le but était de m’aguerrir durant la saison 2001-2002. Avec le recul, j’estime que la Premier League pouvait me convenir. Quand Graham Taylor a pris la succession de John Grégory au cours de ma deuxième saison (2002-2003), il débarqua avec une série de nouveaux joueurs. Cela devenait difficile pour moi.

N’a-t-on pas lancé à l’époque que vous gagniez 22.300 euros par semaine et qu’une enquête de Scotland Yard s’intéressa aux modalités financières de votre transfert ?

J’étais bien payé mais je ne percevais pas le montant dont vous faites état. En ce qui concerne certaines tensions entre la direction d’Aston Villa et une personne qui est intervenue dans mon transfert, je ne les nie pas. Mais ce n’est pas mon problème. A un moment, j’ai fait une offre à Aston Villa. Je proposais de disputer 20 matches. Si mon ancien club n’était pas satisfait de mon rendement après ce laps de temps, j’étais prêt à rembourser tout ce que j’avais gagné en Angleterre. Villa n’a pas accepté ce deal. J’étais payé pour ne rien faire. La concurrence ne me faisait pas peur. Au cours de la saison 2002-2003, je m’entraînais avec la Réserve et on ne me permettait pas de relever le défi. A un moment, Dynamo Zagreb frappa à ma porte. J’ai été loué en cours de championnat à mon ancien club. Ce temps passé à Villa, entrecoupé, par un retour à Dynamo Zagreb, sur base de location, m’a coûté cher. Perdre deux ans, c’est grave. J’étais à la Coupe du Monde au Japon mais je suis resté sur le banc car je ne jouais pas à Aston Villa. Or, j’avais été le meilleur buteur croate lors des matches de qualification où nous avons rencontré la Belgique. Sur cette lancée, j’ai perdu ma place sur le chemin de l’EURO 2004 au Portugal. Mais si je joue à Bruges, la donne changera.

Après la Premier League, c’est la Serie A qui lui échappe

A Dynamo Zagreb, vous avez marqué 15 buts en 18 matches : teniez-vous votre revanche, la preuve qu’Aston Villa avait eu tort de vous snober ?

Ce n’était pas désagréable. Le Dynamo s’empara finalement du titre national mais cela ne changea pas la donne pour moi à Aston Villa où je suis retourné à la fin de ma location, pour préparer la saison 2003-2004. David O’Leary s’était installé à la tête de l’équipe mais lui aussi préféra faire l’impasse sur moi. Je m’entraînais avec l’équipe Première ou la Réserve mais je n’ai pas joué cette saison. Cela se bouscule entre Dion Dublin, Peter Crouch, Juan Pablo, Marcus Allback, Angel, Stefan Moore, etc. Cela ne pouvait pas durer. A la trêve, la direction me convoqua. Elle voulait savoir si j’acceptais de mettre un terme à mon contrat. C’était discutable si elle me faisait une bonne proposition. Ce fut le cas, j’ai signé et j’étais libre comme l’air.

Empoli vous contacta et vous y avez signé un contrat de deux ans et demi…

Empoli me suivait à la trace depuis des mois. J’ai paraphé l’accord mais il était lié au départ d’un joueur. Sans cela, ce transfert ne pouvait pas être acté par la fédération italienne. A un moment, le président d’Empoli, Fabrizio Corsi, me fit état de la situation et de l’impossibilité d’officialiser notre accord. J’y ai renoncé et ce furent des moments difficiles. La situation à Aston Villa, la perte de mes galons de titulaire de l’équipe nationale, le transfert à Empoli qui ne pouvait se réaliser… Je ne savais plus où j’en étais. Au Nouvel An, j’ai pris quelques jours de congé en Malaisie avec ma femme et notre enfant et cela nous a fait un bien fou. Un peu plus tard, Bruges se manifestait…

Avez-vous contacté Mario Stanic avant de trancher ?

Non, je l’ai eu au téléphone après avoir signé. Il m’a certifié que j’avais fait le bon choix en optant pour Bruges. Mario Stanic et Robert Spehar y ont réussi. J’ai vu et lu assez pour savoir que ce club est sérieux, avec beaucoup de qualités et bien organisé. J’en ai été définitivement convaincu quand j’ai conversé avec les dirigeants, le coach, le directeur sportif, vu l’outil de travail, dont les terrains d’entraînement. Je connais le football belge. Pas mal d’anciens équipiers du Dynamo évoluent en Belgique : Tomislav Butina, à Bruges, qui est un grand gardien de but, et Miljenko Mumlek qui joue au Standard. Le football doit passer avant tout En Croatie, mais surtout en Angleterre, le football vire trop au show business. Cela ne me dérange pas qu’on voit ma voiture dans les journaux. Mais l’essentiel ne se passe-t-il pas sur le terrain ? On l’oublie parfois.

Saviez-vous que le public du Club Brugeois est le plus anglais de Belgique dans sa façon d’encourager ses couleurs à domicile ?

Oui. Mais l’ambiance régnant dans les stades anglais me plaît. Je n’ai eu de problèmes qu’avec la direction du club…

Certains de vos compatriotes ont affirmé que vous gagneriez un jour le Soulier d’Or comme le fit Branko Strupar : bonjour la pression…

C’est gentil. Je sais ce qu’on attendra de moi. J’ai totalement confiance. Je suis un attaquant et ce genre de joueurs vit de buts. Quand on marque, c’est l’explosion de joie, pas que pour lui mais pour toute l’équipe.

Que savez-vous du système tactique de Bruges ?

Bien rodé par un coach très compétent. Au Dynamo, on varie entre le 4-4-2 et le 3-5-2. Bruges opte généralement pour le 4-3-3. Je m’adapterai.

Mais jouerez-vous en pointe, votre place de prédilection, un peu plus à droite ou à gauche ?

La réponse appartient au coach, pas à moi.

Apprendre le flamand

Mais Bruges compte désormais un paquet d’attaquants, presque plus qu’Aston Villa…

Je n’ai pas peur. Bruges me conviendra. Le football belge est tonique, tactique, engagé. Le travail y est une notion de base. C’est le propre aussi de l’équipe nationale belge. Elle nous réussit bien mais j’en ai mesuré le caractère. Gert Verheyen et Marc Wilmots en furent des piliers. Marc Wilmots en était aussi le remarquable cerveau. Les Diables Rouges entament une nouvelle époque. La Croatie aussi. La génération des stars de 1998 s’est définitivement effacée. Beaucoup de jeunes vivent leur passion plus collectivement que leurs aînés. C’est pour cela aussi que je veux y regagner ma place.

Comment allez-vous communiquer ?

En anglais au départ mais je mettrai très rapidement à l’étude du néerlandais. La présence de Tomislav Butina m’aidera, c’est sûr. J’essaye toujours de m’enrichir sur un plan personnel. Ma carrière durera encore six ou sept ans et je veux connaître les pays où je vis. L’étude d’une langue est très importante. Tout va souvent trop vite. Il faut prendre le temps de s’arrêter, d’être avec les siens et c’est possible même quand on se donne à fond pour son métier. En Belgique, il y a peu de mises au vert et on rentre assez rapidement à la maison après un match. C’est un avantage non négligeable quand on a une vie de famille.

Votre épouse Iva et votre fille de 14 mois, Tasha, s’installeront-elles en Belgique ?

J’espère. Elles feront le voyage dès que j’aurai trouvé une maison ou un appartement de préférence. Je ne compte pas vivre très longtemps à l’hôtel.

Pierre Bilic, envoyé spécial à Opatija

 » Je veux retrouver ma place en ÉQUIPE DE CROATIE « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire