L’anti-guignol de l’Union belge
Philippe Collin, le président de la Commission technique (et peut-être candidat au poste de président fédéral) est l’homme qui a viré Vandereycken. Qui a-t-il en tête comme remplaçant ?
Notre rendez-vous avec Philippe Collin remonte au lundi 27 avril. A cette date, le président ad intérim de la Commission technique de l’URBSFA, chargé de trouver un successeur à René Vandereycken, avait déjà contacté quatre candidats (à titre personnel ou par le biais de François De Keersmaeker et Herman Wijnants) : Eric Gerets, Michel Preud’homme, Louis van Gaal et Jean-François de Sart. Jusqu’à ce mercredi 6 mai, il devait encore contacter deux, voire trois personnes. Après ce premier tour de table, qui a déjà permis un élagage (les deux premiers coaches ont repoussé l’offre), un deuxième round est prévu afin de dégager l’heureux élu.
Mais aux dires de Collin, il y avait peu de chances que celui-ci soit nommé avant la Kirin Cup, programmée à la fin de ce mois au Japon. Donc, tout porte à croire que c’est l’actuel T2, Frankie Vercauteren, qui dirigera les Diables Rouges à cette occasion.
Gerets d’abord, puis Preud’homme : dans la quête d’un successeur à Vandereycken, vous vous êtes manifestement tourné, en priorité, vers les candidats qui font l’unanimité…
Philippe Collin : C’est votre interprétation et celle aussi, sans doute, de bon nombre de suiveurs du foot belge. Personnellement, je m’en suis remis essentiellement à mon propre feeling. Dès l’instant où la question de la relève a été posée, j’ai songé à un certain nombre de candidats qui possédaient, à mes yeux, le profil idéal. L’ordre suivi n’induit nullement une hiérarchie. Mon intention a toujours été de rencontrer tous ceux que j’avais en tête. Si Eric Gerets a été le premier cité, c’est dû au hasard. En fait, j’ai pris un jour contact avec lui, par téléphone, afin de convenir d’un rendez-vous. Il m’a d’emblée arrêté en précisant que l’équipe nationale ne constituait pas une priorité pour lui à ce stade de sa carrière. Du coup, avant d’entrer dans le vif du sujet, le dossier était déjà classé. Dans le cas de l’entraîneur marseillais, la motivation faisait débat. En ce qui concerne Preud’homme et van Gaal, approchés tous deux dans la foulée, c’était la faisabilité, vu qu’ils étaient encore sous contrat dans leur club, le premier à La Gantoise et l’autre à l’AZ. Ici aussi, nous avons su très vite à quoi nous en tenir puisque la direction des Buffalos s’est opposée à un cumul, contrairement à son homologue néerlandaise.
» S’il y a du respect, il y aura de la discipline «
Après la réunion du Comité exécutif du 18 avril, vous aviez dit qu’un cumul n’était envisageable que pour des coaches opérant en Belgique, comme Preud’homme ou Laszlo Bölöni, par exemple. Or, van Gaal est actif aux Pays-Bas…
Je me souviens avoir dit aussi qu’il pouvait toujours y avoir une entorse à cette règle. Et van Gaal en est une, dans la mesure où il a des internationaux belges sous sa coupe et que notre championnat ainsi que ses meilleurs représentants ne lui sont pas inconnus. Et ce qui vaut pour l’homme fort de l’AZ est d’application aussi à l’un ou l’autre de ses compatriotes, qui connaissent également la Belgique comme Aad de Mos, Dick Advocaat ou Ronald Koeman entre autres. A la limite, pour des questions de proximité et de mobilité, il est même plus facile pour un van Gaal, voire un de Mos, de faire un saut en Belgique si on compare leur situation à celle de Gerets, qui aurait été obligé de prendre chaque fois l’avion. Vous allez sûrement me demander aussi s’il ne risque pas d’y avoir, avec van Gaal, des conflits d’intérêt ? Cette question a été abordée avec lui, et il nous a donné tous nos apaisements. Il est au-dessus de la mêlée en la matière. De toute façon, la même interrogation aurait fort bien pu être de mise avec un autre aussi. Si Preud’homme, coach fédéral, faisait la part belle aux Standardmen, certains feraient très certainement le rapprochement avec son passé chez les Rouches. Alors qu’il n’y aurait pas de raison, non plus, de douter de son intégrité.
Un autre nom qui a fait l’objet d’un premier contact est celui de Jean-François de Sart. La rumeur veut que c’est votre favori.
Je ne tiens pas à m’épancher à ce propos. Pour moi, tous ceux que nous passons en revue se situent sur un strict pied d’égalité. La seule chose que je tiens à dire à propos de de Sart, c’est qu’au même titre que tous les autres, il répond aux trois critères déterminants pour briguer le poste : maîtrise tactique, sens psychologique et respect. Je préfère le mot respect au mot discipline. Je dis et je maintiens que s’il y a du respect dans un groupe, il y aura de la discipline aussi. Moi, je préfère en tout cas un coach qui impose le respect plutôt qu’un autre qui instaure la discipline.
Bon nombre de candidats ont été mentionnés mais il n’a jamais été question de l’actuel T2, Vercauteren !
Désolé, je ne lâche rien sur ceux qui se trouvent ou non sur ma liste.
Limogé à Anderlecht mais institué patron des Diables Rouges, par vos soins notamment, ça ferait désordre ?
Pas de commentaire. De toute façon, le passé est le passé. Il y a des moments dans la vie où une séparation est inéluctable mais elle n’empêche pas des retrouvailles en bons termes. Vandereycken a été mis à l’écart au Sporting aussi, autrefois. Il ne faut pas en déduire pour autant que j’avais une dent contre lui.
On prétend même que vous étiez favorable à son maintien…
Vous vous basez sans doute sur un article paru dans un quotidien néerlandophone, où il était écrit que j’avais voté en sa faveur en décembre 2007. Ce journaliste a mal interprété mes paroles. Je lui avais dit, en substance, que contrairement à ce que la majorité des gens pensaient, le vote concernant la re-conduction du contrat de Vandereycken n’avait pas eu de relents communautaires, avec les néerlandophones pour lui et les francophones contre. C’est faux : certains néerlandophones n’étaient pas en sa faveur, à l’encontre de l’un ou l’autre francophone. Mais je n’ai jamais dit que je faisais partie de ceux-là. Et je ne livrerai pas le fond de ma pensée à ce sujet car tout vote doit rester secret.
» Le souci du détail ne doit pas faire perdre de vue l’essentiel «
Quel est votre regard sur Vandereycken ?
Un pro jusqu’au bout des ongles, très organisé, méticuleux. Mais le mieux est quelquefois l’ennemi du bien. Pour mettre le maximum de chances de son côté, il rassemblait toujours un nombre incalculable d’informations et de dvd. Il en faisait un élément d’information, alors que l’expérience m’a appris qu’il s’agissait plutôt d’un complément d’information. Des images tronquent ou masquent souvent la réalité. Personnellement, je ne visionne des images qu’après avoir vu le joueur en réalité. Dans ces conditions seulement, je peux me faire une idée précise. Cette méthode, c’est l’ancien entraîneur molenbeekois, Piet De Visser, qui me l’a apprise. Devenu par la suite chef-scout au PSV Eindhoven, puis à Chelsea, il a été le premier à attirer mon attention sur le danger des images et j’ai toujours respecté ça.
Au retour de Bosnie, la volonté était de ne pas prendre à chaud une décision concernant Vandereycken. Le Comité exécutif aurait dû, en principe, se prononcer dix jours plus tard mais pourquoi (à votre instigation, semble-t-il) n’a-t-il fallu que 48 heures pour virer le sélectionneur ?
On réclamait sa tête à l’unisson dans la presse et au sein de la fédération, tout le monde s’accordait à dire qu’une mesure draconienne s’imposait. J’ai dit en haut lieu que si l’affaire traînait, la presse et l’opinion publique allaient nous prendre à nouveau pour des guignols. C’est pourquoi, après avoir donné au coach l’occasion de s’expliquer sur la double déroute face aux Bosniaques, nous avons agi dans l’urgence. Le vendredi, il a suffi d’une série de coups de fil aux divers membres du Comité exécutif pour que l’on sache à quoi s’en tenir et qu’on procède au limogeage. J’ai cru comprendre, aux dires de quelques anciens, que c’était la toute première fois qu’un coach fédéral était viré après des appels téléphoniques et non une réunion. Mais il le fallait absolument, sans quoi nous aurions été la risée de tous.
Vous occupez actuellement les fonctions de vice-président et de président ad intérim de la Commission technique. D’aucuns, même au Standard, aimeraient vous voir accéder à la présidence de l’Union belge. Présenterez-vous votre candidature en juin ?
Il ne faut jurer de rien mais si je suis mon propre feeling, c’est non. Je suis avant tout un homme de football. C’est la raison pour laquelle un rôle au sein de la Commission technique est plus approprié pour moi qu’une fonction à la fédé. A mes débuts au Comité exécutif, en 2007, je me suis très souvent demandé, lors des réunions, quand le football allait enfin être à l’honneur dans les discussions. La plupart du temps, il y était question de problèmes juridiques. C’était des réunions de communications davantage que de décisions. A la Commission technique, il n’en allait, a priori, pas autrement. Avec 15 personnes autour d’une table, les discussions traînaient toujours en longueur. J’ai obtenu qu’un comité directeur restreint formé de Michel Sablon, Herman Wijnants et moi-même défriche le terrain afin de gagner du temps. Si un problème se pose au niveau du futsal par exemple, je ne vois pas pourquoi, dans un premier temps, la présence d’un représentant du beach soccer ou du foot féminin serait requise dans le débat. Personnellement, j’aimerais davantage de pouvoir à cet échelon, afin de gagner en efficacité. La machinerie administrative est trop lourde à l’Union belge.
par bruno govers – photos: belga
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