L’anti-crise

Voici pourquoi le nouveau back droit des Mauve et Blanc peut aider son nouveau club à repartir de plus belle.

Le poste de back droit était le seul pour lequel il n’y avait pas de double occupation, à Anderlecht, lors du premier tour. Suite à l’engagement de Guillaume Gillet, Marcin Wasilewski a lui aussi un concurrent désormais. Et pas n’importe lequel car le jeune Liégeois, encore actif en D2 voici trois ans, a brûlé les étapes au point d’avoir rang de Diable Rouge aujourd’hui. Pour obtenir son concours, le Sporting a dû délier généreusement les cordons de la bourse puisque sa tête était mise à prix pour 2,3 millions par la direction de La Gantoise. Un joli pactole qui fait de ce garçon, âgé de 23 ans, le défenseur le plus cher de l’histoire des Mauves. Qu’inspire sa venue au Parc Astrid ? C’est la question que nous avons d’abord posée à quatre joueurs au long cours à cette même place au RSCA : Georges Heylens (1960-73), Gilbert Van Binst (1968-80), Georges Grün (1982-90 et 1994-96) et Bertrand Crasson (1989-96 et 1998-2003). Eric Deflandre et JeanFrançois de Sart qui, pour sa part, a eu Gillet sous ses ordres chez les Espoirs ont aussi été interrogés. Ils sont tous d’accord : Anderlecht a tapé dans le mille.

Heylens :  » Il n’y a pas photo entre Wasyl et lui « 

 » S’il y a un dénominateur commun entre moi et ceux qui se sont inscrits ensuite dans la durée au back droit à Anderlecht, c’est que nous étions tous des attaquants de formation. Après le départ de Bertrand Crasson, cet usage ne s’est plus jamais vérifié, même s’il est arrivé à l’une ou l’autre reprise qu’un Jonathan Legear coulisse à l’arrière. Le plus souvent, toutefois, faute de latéral valable, c’est un arrière central comme Nicolas Pareja voire un demi, Mark De Man, qui avait été quelquefois utilisé à cette place avant que Marcin Wasilewski, titulaire dans ce rôle en sélection polonaise ne s’y impose depuis un an.

Je n’ai jamais été un fan de Wasyl, véritable bison mais pas toujours futé, loin s’en faut. Lors de son entrée en matière voilà tout juste un an, au Germinal Beerschot, je me souviens qu’il avait sauvé sa prestation approximative par un but qui avait permis au Sporting de s’imposer. Après coup, il plaça encore quelques coups de tête victorieux qui auront valu leur pesant d’or. Je songe, entre autres, à son heading décisif au cours des arrêts de jeu à la faveur du match d’ouverture, au FC Malines. Mais les déchets, chez lui, sont trop nombreux. En matière de positionnement, ce garçon est un désastre : en repli, il semble constamment assis entre deux chaises. Et pour ce qui est de sa contribution offensive, elle est indigente. C’est bien simple, on peut compter sur les doigts d’une main les bons centres qu’il a délivrés jusqu’ici.

A cet égard, la présence de Gillet ouvre de nouvelles perspectives. Tout d’abord, je constate avec plaisir qu’en engageant le Gantois, le Sporting a renoué avec la tradition des braconniers devenus garde-chasse, puisque, avant de se signaler sur le flanc, le néo-international avait fait ses classes, tour à tour, à l’attaque puis au centre du jeu, au FC Liège d’abord, puis au CS Visé et, enfin à l’AS Eupen. En raison de ce vécu, il sait comment réagit un avant et mesure d’autant mieux comment s’y prendre pour le juguler. Wasyl n’a pas cet atout et ne possède pas, non plus, la même facilité de geste offensif. Il n’y a pas photo entre le Polonais et lui. Logiquement, il devrait faire figure d’incontournable pendant des années. Comme les serviteurs au long cours qui l’ont précédé à cette même place, au Sporting, en quelque sorte « .

Van Binst :  » Il va déboulonner Hoefkens « 

 » Anderlecht s’était toujours plu à encadrer les meilleurs footballeurs belges de quelques étrangers de renom mais ces dernières années, cette tradition aura été mise à mal. Je peux comprendre que la direction du club n’ait plus les moyens de s’offrir des valeurs sûres du football européen ou mondial mais je conçois nettement moins que le Sporting ne soit plus le pourvoyeur attitré de notre sélection nationale. Si je ne m’abuse, Belgique-Finlande, disputé à la mi-octobre au Heysel, s’était d’ailleurs déroulé sans la présence d’un seul Sportingman dans le onze de base. Encore heureux que Bart Goor soit entré au jeu à la 67e sans quoi le camouflet eût été entier.

Suite aux acquisitions récentes des Diables Rouges Thomas Chatelle et Gillet, je dénote une tendance manifeste à renouer avec ce passé. A juste titre, d’après moi, car entre l’ancien Genkois, qui a prouvé depuis belle lurette l’étendue de son talent et Sulejman Smajic, un élément dont le nom ne figurait même pas sur la feuille de match lors de Belgique-Bosnie, je me demande si l’hésitation est bien possible. Et le même raisonnement vaut pour l’ex-Buffalo, qui a fait montre lui aussi de belles aptitudes, tant à La Gantoise qu’au sein de notre formation représentative. J’ai d’ailleurs assisté à son match contre les Finlandais. Pour moi, en l’espace de 90 minutes, il avait davantage montré à cette occasion que Carl Hoefkens sur l’ensemble de sa production avec la Belgique. Il est acquis qu’il va déboulonner le défenseur de West Bromwich Albion City à ce poste. Ce serait on ne peut plus logique d’ailleurs car Gillet est taillé sur mesure pour ce rôle alors que l’ancien Lierrois est avant tout un stoppeur.

Ce qui me réjouit tout particulièrement, c’est qu’Anderlecht s’active à améliorer sa percussion par les flancs. A mon époque, il y avait un axe composé de Jean Thissen, Frankie Vercauteren et Robby Rensenbrink à gauche et de moi-même, François Van der Elst et Benny Nielsen sur l’autre versant. A présent, le trio formé par Gillet, Chatelle et Jonathan Legear à droite a de la gueule. Reste à lui trouver un pendant dans le couloir opposé car hormis Olivier Deschacht, sans doute le joueur le plus régulier au RSCA ces derniers mois, les autres manquent de répondant. Goor n’est plus une solution d’avenir et Mbark Boussoufa n’a toujours pas fait l’unanimité. Je persiste toutefois à croire en lui ; tout comme j’ai foi en Roland Lamah qui signe des performances très intéressantes à Roda JC. Le Sporting aurait pourtant eu besoin de son concours cette saison. Cette petite parenthèse risque de coûter cher à mon ancien club, qui aura fort à faire pour décrocher un strapontin européen en fin de campagne « .

Grün :  » Je me reconnais en lui « 

 » Je me reconnais en Guillaume Gillet. J’avais 21 ans au moment où Paul Van Himst me fit rétrograder au back droit, alors que j’avais toujours occupé une position plus avancée, sur ce flanc, en catégories de jeunes. Le Liégeois avait exactement le même âge quand Georges Leekens prit la décision de le titulariser à ce poste chez les Buffalos malgré son passé de demi et même d’attaquant. Je ne pense donc pas qu’il soit trop tard, pour lui, de s’affirmer pleinement dans ce rôle, comme je l’avais fait moi-même. Il devrait même avoir davantage de facilités à s’exprimer sur le plan offensif, dans la mesure où il pourra entreprendre ses actions depuis son propre camp, sans être confronté à un véritable adversaire direct.

Le plus dur, pour lui, sera de coupler la hargne et l’intransigeance à ses qualités naturelles de footballeur. Sur ce point, il est nettement mieux fourni que son concurrent, Wasilewski, beaucoup plus fruste. En revanche, le Polonais présente des arguments physiques impressionnants. C’est le genre de défenseur auquel un attaquant préfère ne pas se frotter, eu égard au nombre d’avertissements déjà reçus depuis son arrivée en Belgique. Aux yeux de beaucoup, Ariel Jacobs semble appelé à trancher pour l’un ou pour l’autre. Moi-même, je me demande s’il ne faudrait pas composer avec l’un et l’autre. Dans des matches où il conviendra de mettre résolument le nez à la fenêtre, l’apport du néo-international sera précieux. Mais en d’autres occasions, lorsqu’il s’agira surtout de fermer la porte, la présence du Polonais ne sera pas un luxe superflu. A moins que l’un ne joue carrément à côté de l’autre, comme je l’avais parfois vérifié en sélection nationale avec Eric Gerets. Wasyl dans un rôle un peu plus axial, c’est une expérience qui mériterait sans doute d’être tentée dans une équipe anderlechtoise qui manque singulièrement de guerriers à ce niveau.

Pour avoir vécu un parcours similaire, je suis bien placé pour dire que l’imbrication du joueur liégeois ne dépendra pas uniquement de lui. Le garçon sera tributaire aussi de ceux qui l’entourent. A cet égard, je n’ai jamais eu qu’à me féliciter de la science d’éléments chevronnés dans mes parages, comme Luka Peruzovic ou Morten Olsen. Devant moi, j’ai eu l’opportunité de former un duo extra avec Per Frimann. Meilleur encore qu’avec Frank Arnesen ou Arnor Gudjohnsen qui se sont relayés également au demi droit.

Gillet pourrait former un excellent tandem avec Jonathan Legear, par exemple. En revanche, je suis un peu plus circonspect en ce qui concerne une association entre lui et Chatelle. Selon moi, le Bruxellois serait beaucoup plus utile dans le centre du jeu. Mais cela n’engage que moi, évidemment « .

Crasson :  » Il a la fibre anderlechtoise « 

 » Voici quelques mois, pour le compte de Belgacom TV, j’avais réalisé un reportage avec Gillet dans son cadre familial à Visé. A cette occasion, le garçon me posa des tonnes de questions sur Anderlecht. Le Sporting, c’était vraiment son rêve, ainsi que celui de tous ses proches. Aussi ne suis-je pas surpris par son transfert. Il a la fibre et l’a d’ailleurs prouvé en privilégiant l’aspect sportif plutôt que l’argent, puisqu’il aurait pu se mettre définitivement à l’abri, sur le plan financier, en choisissant de rallier le Dinamo Moscou, qui lui offrait un véritable pont d’or.

En l’embrigadant, le RSCA peut se frotter les mains pour diverses raisons. Tout d’abord parce qu’il exerce à nouveau un certain pouvoir d’attraction sur la jeune classe. J’en veux pour preuve non seulement le cas de l’ancien Gantois mais également de Chatelle. Deux attitudes qui contrastent avec celle de FrançoisSterchele, par exemple. J’ai cru comprendre aussi qu’un élément comme Tom De Sutter ne jurait lui aussi que par les Mauves, comme terre de chute, après ses années au Cercle Bruges. Dans un passé pas si lointain, le son de cloche était quand même un tantinet différent. Il suffit de songer au Beerschotman Moussa Dembele par exemple qui, bien que faisant l’objet d’une cour assidue de la part du RSCA, préféra aller à Willem II.

Le deuxième atout de Gillet, c’est sa polyvalence. Bien souvent, ce terme est utilisé erronément car il concerne essentiellement des joueurs bivalents. Comme un Deschacht, par exemple, capable de tirer son épingle du jeu au back gauche ou à l’arrière central, voire un Mark De Man, susceptible de se débrouiller comme stoppeur ou comme demi défensif. L’ex-Buffalo a un registre beaucoup plus étendu, puisqu’il peut évoluer avec bonheur en défense, dans la ligne médiane et même à l’attaque.

S’il a été acquis pour faire concurrence à Wasilewski au back droit, je ne serais quand même pas surpris si le Sporting l’utilisait, au gré des circonstances, à une autre place. Lui-même martèle qu’il se sent mieux au milieu du jeu qu’à l’arrière. Il n’est pas le seul de cet avis, puisque Raymond Mommens en personne le considère comme un box-to-box idéal. Dans la mesure où Anderlecht n’a toujours pas trouvé l’oiseau rare pour jouer à cette place, qui sait s’il ne sera pas tenté par cette expérience avec le nouveau venu ? Vu ses qualités, il est de nature à s’imposer là où Jan Polak n’a pas répondu à l’attente « .

Deflandre :  » Il a privilégié le sportif « 

 » Je me souviens qu’au moment de quitter le FC Liège autrefois, l’un ou l’autre club français s’étaient mis sur les rangs pour moi, dont Laval et Martigues notamment. J’aurais pu gagner plus d’argent là-bas qu’au Germinal Ekeren, où j’avais finalement abouti en 1995. Mais Yves Baré (son agent comme celui de Gillet) m’avait gentiment conseillé de poursuivre mon apprentissage en Belgique avant d’opter pour l’étranger et la manne financière. Je ne m’en suis jamais plaint car après une année chez les banlieusards anversois, j’ai tour à tour passé quatre belles années au Club Bruges d’abord, puis à l’Olympique Lyonnais. Je constate avec plaisir que Guillaume n’a pas été obnubilé non plus par le joli pactole que lui proposaient les Russes. Il a privilégié le sportif plutôt que le financier et, à ce stade de sa carrière, on ne peut que l’en féliciter.

A Anderlecht, c’est sûr qu’il va poursuivre sa progression. Il va apprendre à composer avec la pression et développer d’autres aptitudes. Offensivement, il n’y a pas grand-chose à redire chez lui. Il apporte toujours judicieusement son écot à l’ébauche des offensives. D’un côté, il a le souci de la passe précise et, de l’autre, sa technique en mouvement lui permet de conserver la maîtrise du ballon en maintes circonstances. Avec Chatelle et lui, le jeu du Sporting est susceptible de subir un fameux coup d’accélérateur sur l’aile droite en tout cas. Et c’est sans doute cette vitesse d’exécution-là qui aura fait cruellement défaut à Anderlecht au cours du premier tour « .

De Sart :  » Il se fond partout, comme un caméléon « 

 » Guillaume possède d’énormes qualités. Il est doté d’une technique largement supérieure à la moyenne, a un gros volume de jeu et témoigne d’une maturité tactique étonnante pour un garçon de son âge. En outre, il en veut comme nul autre : il a conquis ses galons chez les Diables Rouges alors qu’il n’était pas titulaire chez les Espoirs lors du Championnat d’Europe, l’été passé, en Hollande. A l’époque, il sortait d’une première saison harassante chez les Buffalos, où il avait quand même disputé une trentaine de matches, et j’avais préféré titulariser Sepp De Roover, plus frais. Sur le moment, Gillet a été déçu. Mais il n’a jamais baissé les bras et a été récompensé de ses efforts par une place en équipe A où il n’a pas démérité.

Ce qui me sidère, chez lui, c’est sa faculté d’adaptation. C’est un caméléon : partout où il est passé, il s’est fondu à la vitesse de l’éclair dans son nouvel environnement. C’est remarquable pour un garçon qui, il y a trois ans à peine, évoluait encore en D2 à Visé. Pour être passé moi-même du FC Liégeois à Anderlecht autrefois, je sais pertinemment bien ce qui l’attend là-bas. Au Parc Astrid, il convient non seulement d’avoir le bagage nécessaire mais il faut également avoir des ressources morales. De ce point de vue-là, il me semble paré. Il va se battre pour faire son trou. Et comme c’est un jusqu’au-boutiste, Wasilewski n’aura qu’à bien se tenir « .

par bruno govers – photos: reporters/ gouverneur

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