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L’ANNÉE NOIRE

Adulé il y a moins d’un an et pressenti pour prendre le relais de Vincent Kompany chez les Diables, Jason Denayer ne figurait pourtant dans aucune des deux sélections récentes de Roberto Martinez. Retour sur l’année un brin cafardeuse de Jason Denayer.

On joue la 66e minute d’un Belgique-Norvège soporifique, ce 5 juin 2016, quand Marc Wilmots décide d’opérer son deuxième changement. Laurent Ciman s’apprête à suppléer Jason Denayer. Un remplacement aux allures de désaveu pour un joueur tout juste revenu d’une année contrastée avec Galatasaray. 7 minutes après son entrée au jeu, Ciman plante, lui, son premier but en équipe nationale. Annoncé depuis des semaines comme le substitut naturel de Vincent Kompany dans l’axe de la défense, Jason Denayer n’aura mis que 156 minutes (90 contre la Finlande, 66 contre la Norvège) à se départir du crédit accumulé depuis son premier intérim réussi chez les Diables 14 mois plus tôt.

31 mars 2015, Jérusalem. Le novice, alors prêté au Celtic par Manchester City, marque ses premiers points au cours d’une fin de match épique en Israël.  » Et pourtant, je ne m’attendais pas du tout à devoir jouer « , relatera plus tard Denayer dans nos colonnes.  » J’avais même un peu trop mangé avant le match, je me sentais un peu lourd, mais je n’avais pas le choix. Il fallait que je sois performant dans l’instant.  »

La vérité, c’est que Jason Denayer n’est jamais aussi bon que quand on ne l’attend pas. A côté de NicolasLombaerts et pendant 23 minutes, Denayer colmate les brèches et se taille une petite réputation de défenseur sec, mais propre. En Belgique, il est considéré comme le jeune qui monte et est presque logiquement titularisé pour l’amical du mois de juin au Stade de France.

 » Il a été énorme « , dira de lui MarcWilmots après coup. Malgré les 3 buts inscrits par les Bleus au Stade de France ce soir-là, la victoire des Diables (3-4) avec une charnière centrale Lombaerts-Denayer donne du grain à moudre à ceux qui voient déjà le nouveau meilleur jeune joueur du championnat d’Écosse s’installer comme le nouveau patron des Diables.

LA PLAYSTATION AU SECOURS D’UN EURO MANQUÉ

La suite sera pourtant beaucoup moins drôle. Si la défaite concédée dans la foulée à Cardiff (1-0) n’empiète pas encore sur sa cote de popularité naissante, sa saison difficile émaillée par plusieurs petites blessures à Galatasaray et une seule titularisation avec les Diables lors du fiasco de Leiria au Portugal éveillent les premiers doutes. Son manque d’automatismes avec ThomasVermaelen, révélé lors de l’amical contre la Finlande (1-1) à quelques jours du départ en France, finira d’enterrer ses espoirs de débuter l’Euro comme le patron de l’axe central.

Le banc, le déluge lillois, la folie RobsonKanu, on sait finalement ce qu’il adviendra du Championnat d’Europe de Jason Denayer.  » Il a fait bonne figure après le Pays de Galles, mais il était effondré « , certifie Jesse De Preter, son agent et conseiller de longue date.  » Ce qui ne l’a pas aidé, c’est qu’il a ressenti une ambiance très négative dans le groupe pendant l’Euro. Il y avait très clairement une atmosphère de fin de règne autour des Diables et cela pesait sur son mental.

Il me disait souvent qu’il avait l’impression qu’il allait manquer un petit quelque chose à ce groupe pour aller au bout. Comme si tous les joueurs n’étaient pas totalement concernés par l’événement.  » En France, Jason a tellement le temps long qu’il demande à son agent de lui envoyer une PlayStation par DHL. La réalité virtuelle au secours de l’agitation du quotidien. Une valeur sûre quand on a pris l’habitude d’enchaîner les road trips en solitaire à travers l’Europe.

L’après Euro prend donc rapidement des airs de sas de décompression géant pour un gamin lessivé par une saison interminable avec Galatasaray.  » Il avait besoin de déconnecter un bon coup après une trop longue saison « , confirme De Preter.  » Je l’ai donc laissé tranquille pendant deux bonnes semaines après le Pays de Galles.  »

Un choix d’autant plus facile qu’il est dicté par les circonstances. Convoité de toutes parts avant le Championnat d’Europe, avec des touches plus ou moins sérieuses en Italie et en Espagne, la cote du joueur est sérieusement retombée suite à sa timide prestation contre les Gallois. De retour à Manchester, Denayer est bien décidé à s’imposer dans le City de Guardiola.

 » Nous étions d’autant plus convaincus que nous avions eu plusieurs réunions avec TxikiBegiristain (le directeur technique des Citizens, NDLR) aux mois de mars et avril et qu’il nous avait confirmé la volonté de City de le garder avec eux pour cette saison.  »

SUNDERLAND, UN CHOIX PAR DÉFAUT

La diplomatie de De Preter n’est que peu de choses face à la fatalité. Très vite après avoir repris l’entraînement avec City, Jason se blesse et doit faire l’impasse sur la dernière partie de la préparation. Deux semaines sur la touche qui pèseront lourd au décompte final. De retour le 7 août pour le dernier match de la préparation estivale contre Arsenal, à Göteborg, Jason Denayer est le seul joueur du noyau à ne pas recevoir de temps de jeu de la part de PepGuardiola.

Un reniement qui ne trompe pas sur les intentions réelles du Catalan.  » Il n’y avait pas que nous, personne n’a compris pourquoi Jason n’a pas pu jouer ce jour-là « , défend De Preter.  » Toujours est-il qu’à part prôner la patience, City n’a pas su nous donner d’engagements sérieux. Le club aurait préféré que Jason reste parce que Guardiola estimait qu’il apprendrait plus au contact du groupe qu’en étant prêté dans un troisième club en autant d’années, mais Jason voulait à tout prix jouer.  »

Pour éviter une saga à la Dimitri Seluk et Yaya Touré, Denayer doit donc se trouver un club susceptible de le relancer. Premier contretemps : le refus de City de le voir retourner en Turquie, championnat jugé trop faible par une direction mancunienne qui aimerait avant tout voir son joueur évoluer tactiquement.

 » Très vite, le Milan AC s’est présenté « , raconte De Preter.  » Forcément, cela plaisait à Jason, d’autant que l’Italie c’est un peu l’université de la défense, mais Txiki Begiristain préférait finalement le voir évoluer en Angleterre.  » Le problème, c’est que le temps presse et que les offres concrètes émanant de Premier League ne sont pas légion. Une seule retient l’attention de City : celle de Sunderland, croisé lors de la première journée de championnat et déjà empêtré en fin de classement à la fin août.

Le clan Denayer n’est pas très emballé, mais finit par accepter. Faute de mieux.  » Ce n’était pas notre premier choix, mais c’était le plus sûr. Jason aurait préféré retrouver à Southampton Virgil van Dijk, avec qui il avait fait une super saison au Celtic, mais cela dépendait de facteurs indépendants de notre volonté.  »

Le facteur en question s’appelle José Fonte, champion d’Europe frais émoulu avec le Portugal. Le Lusitanien de 32 ans prolonge finalement l’aventure dans l’Hampshire et Jason Denayer prend, lui, la direction du nord-est de l’Angleterre. À contrecoeur.

LE SOUTIEN DE JANUZAJ

C’est là, dans ce club mythique de Premier League, à l’ombre du célèbre Stadium of Light cher aux supporters des Black Cats et à une vingtaine de kilomètres de Newcastle, que Jason Denayer a pour mission de rebondir. Loin de l’agitation mancunienne et à près de 500 kilomètres de la féerie londonienne, le Diable retrouve une vieille connaissance en la personne d’AdnanJanuzaj, côtoyé en équipe d’âge à Anderlecht et apprend à connaître PapyDjilobodji.

Deux rencontres qui contribuent à redonner un peu de baume au coeur à un joueur qui restera à tout jamais marqué par cet été 2016.  » Maintenant qu’il est mieux dans sa tête et dans l’équipe, je me rends compte que ce n’était sans doute pas le vrai Jason que j’ai rencontré à son arrivée, début septembre « , détaille Djilobodji.

Révélé à Nantes, avant de se retrouver sur une voie de garage à Chelsea, le Sénégalais sait mieux que personne qu’une carrière est parfois faite de moments plus compliqués.  » Avec Adnan, on a essayé de lui remonter le moral à son arrivée, on sentait qu’il en avait besoin. Aujourd’hui, je considère les deux comme mes petits, mais je ne me fais certainement aucun souci pour Jason. Ce n’est pas un mec prise de tête, c’est un malin, il n’est certainement pas là pour se mettre des bâtons dans les pédales (sic).  »

Il n’empêche qu’à force de voyager aux quatre coins du terrain, la question de sa vraie meilleure place commence à se poser. Initialement considéré comme défenseur central, Marc Wilmots en avait fait un temps la doublure de TobyAlderweireld au poste d’arrière droit, séduit par le passing du joueur. Et en Turquie, ses quatre entraîneurs successifs, en moins d’un an, ne cesseront jamais de le balader entre l’axe central de la défense et le côté droit. Pas de quoi ravir la direction de Manchester City qui avait mis l’accent sur la stabilité.

Ce qui est certain, c’est que si la courbe de son moral épouse celle de ses performances sportives, alors Jason Denayer va forcément un peu mieux depuis quelques semaines. Il faut dire que son début de saison n’avait rien de rassurant. Peu utilisé par David Moyes, Jason Denayer se retrouve par voie de conséquence relégué avec les Espoirs de Johan Walem début octobre pour la deuxième sélection de Roberto Martinez.

Un statut de réserviste en club assorti d’une mise à l’écart chez les Diables, n’en jetez plus, la coupe est pleine. Une double peine bientôt assortie d’une déchirure aux adducteurs lors du naufrage des Diablotins au Monténégro (3-0). Écarté des terrains pour un petit mois, on pense Denayer parti pour replonger, mais Moyes le relance dès son retour à Bournemouth. Non repris par Martinez au profit de Christian Kabasele pour le diptyque Pays-Bas-Estonie, Denayer profite ensuite de la trêve internationale pour s’envoler vers Dubaï.

Des vacances aux Émirats qui le priveront finalement d’un rapatriement de dernière minute avec les Diables suite à la cascade de blessures ayant suivi le match amical contre les Oranje. Des péripéties qui n’entament pas sa montée en puissance à Sunderland malgré les hésitations de David Moyes à son égard.

ARRIÈRE CENTRAL, BACK DROIT, MILIEU DÉFENSIF

Étrangement, l’Écossais semble avoir décidé d’en faire son bouche-trou. Déjà titularisé une première fois à l’arrière droit contre Tottenham le 19 septembre, puis deux semaines plus tard à l’arrière gauche contre WBA, Jason Denayer a profité depuis son retour de blessure de l’infortune combinée de Jack Rodwell et Paddy Mc Nair pour s’installer dans le milieu de terrain.

Un choix surprenant de prime abord, mais qui a su séduire Jesse De Preter :  » Ce n’est pas nouveau, j’ai toujours pensé qu’il devait jouer en numéro 6. Je ne dis pas que c’est sa meilleure position, mais à son âge, c’est un écolage intéressant. Regardez GérardPiqué à Saragosse au début de sa carrière ou Vincent Kompany à Hambourg, ce sont des défenseurs centraux qui ont appris les ficelles du métier en jouant un cran plus haut de manière à leur éviter de commettre de trop grosses erreurs.

Je pense que c’est la même chose pour Jason et que cette position dans le milieu du jeu participe à son évolution naturelle. Du côté de Manchester City, on est visiblement content qu’il rejoue. L’avantage de Jason, c’est qu’il a le temps. Son contrat court jusqu’en juin 2020, il a déjà été reconduit 2 fois, le club croit en lui et il n’y a rien qui presse.  » À la seule condition que l’année 2017 soit plus clémente que sa devancière…

PAR MARTIN GRIMBERGHS – PHOTO REUTERS

 » Il y avait une atmosphère de fin de règne autour des Diables en France et cela a pesé sur son moral.  » JESSE DE PRETER, SON AGENT

Pour remplacer Kompany, Manchester City semble davantage pencher pour du sang neuf que pour un retour de Denayer.

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