L’ANNÉE DU RETOUR

Blanchi de toute accusation de dopage, il a retrouvé le peloton l’automne passé mais il signe son véritable retour cette année.

En 2003, le triathlète belge Rutger Beke termina deuxième de l’Iron Man de Hawaï mais ce fut ensuite le drame. Accusé de dopage à l’EPO, il s’est battu pour faire admettre par les autorités que son métabolisme produisait naturellement cette substance au cours d’efforts violents. Blanchi, il a réintégré le peloton international en 2005 mais est sorti plus fort de cette épreuve, avec le soutien de sa femme, Sophie, qui va bientôt lui offrir un premier enfant.

Né d’un père ingénieur civil, Beke a vécu deux ans aux Etats-Unis, en Californie, avec son frère et sa s£ur. En automne, il jouait au football, en hiver, il s’adonnait au basket, et au printemps, c’était le tour du baseball. Il était plus engagé que doué et n’hésitait pas à commettre des fautes :  » Je suis doté d’un tempérament de feu. Quand quelque chose ne va pas à mon gré, je m’énerve très vite. J’aime aussi y aller à fond. Ainsi, j’adore lâcher un coéquipier à l’entraînement, en pleine côte, alors que je suis moi-même dans le rouge. Je m’oblige à continuer au même rythme jusqu’au sommet « . S’il adorait se retrouver en groupe, il n’aimait pas dépendre de ses coéquipiers. C’est pour cela qu’il s’est tourné vers une discipline individuelle.  » J’étais le seul à aimer courir, à l’école. En fait, tout plutôt que de m’asseoir sur un banc et d’étudier « , rigole-t-il. Il a participé aux 20 kilomètres de Bruxelles avec un de ses professeurs et sa voie était tracée. Il s’est lancé dans le triathlon en 1995, avant la victoire de Luc Van Lierde à Hawaï, en 1996.

Curieusement, il n’éprouve aucun problème à être dépassé dans un Iron Man :  » Je suis trop fatigué pour réagir. Dans des épreuves pareilles, on s’occupe de soi-même. Alors qu’en foot, on peut dominer mais perdre, c’est généralement le meilleur qui s’impose en triathlon, sauf problème technique. L’année dernière, Norman Stadler m’a lâché à vélo. J’aurais pu le suivre sur 40 kilomètres mais pas 180. Alors, je l’ai laissé filer pour ne pas m’effondrer. De toute façon, c’est tellement dur que durant les dix derniers kilomètres de l’épreuve de course, vous n’aspirez qu’à une chose : passer la ligne d’arrivée. Et pas question de faire dix mètres de plus !  »

35 heures/semaine

Parfois, Rutger Beke s’effondre dans son fauteuil, sans la moindre mauvaise conscience car hormis trois semaines de repos complet après Hawaï, sa vie est rythmée par les entraînements. Jusqu’à 35 heures par semaine au plus fort de sa préparation, sans compter le stretching et les déplacements. Où qu’il aille, il doit être sûr de trouver une piscine et de pouvoir rouler à vélo.  » Pendant ma suspension, j’ai passé un moment sans rien faire. Je me rongeais. Cela n’a pas duré. De toute façon, je suis empreint d’une telle rage de vaincre que je reprends toujours l’entraînement sans problème. Durant mes humanités, je me suis heurté au directeur : un professeur avait prévu une sortie au théâtre. Y participer impliquait de faire l’impasse sur une séance d’entraînement. Il n’en était pas question  » !

Le triathlète est conscient des sacrifices qu’il impose à Sophie. :  » Nous nous connaissons depuis l’âge de 16 ans. Je l’avais repérée bien avant et je me rappelle avoir été très jaloux d’un camarade parce qu’il était dans la même classe qu’elle ! Sophie est avant tout une amie. Nous entreprenons beaucoup de choses ensemble et je ne peux tout simplement pas vivre sans elle « .

Serein, Rutger Beke semble avoir surmonté une année difficile. Une fois son désarroi et sa colère surmontés, bien plus que l’opprobre du public, il a craint la réaction de ses collègues. Comment aurait-il pu fréquenter un peloton hostile pendant une décennie ? Mais ceux-ci l’ont immédiatement rassuré en lui réservant un accueil chaleureux à Hawaï. Ses sponsors ne l’ont pas laissé tomber non plus. Beke n’est pas un ingrat :  » Je sais que je dois signer des performances. Je dois mériter mes sponsors et sans eux, plus de sport. En soi, cela peut représenter un stress mais je le gère bien. Je suis un homme heureux, motivé. De toute manière, le stress est inhérent au sport de haut niveau. Je ne peux pas sélectionner les éléments positifs et rejeter les autres « .

RAOUL DE GROOTE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire