L’Angleterre dans le doute

A deux semaines de l’EURO, les joueurs anglais viennent à peine de découvrir leur nouveau coach.

Samedi, les Diables se rendront à Wembley pour affronter l’Angleterre. Un match de prestige pour les Belges dans un stade légendaire. Mais si le lieu fait rêver, la sélection anglaise ne pète pas la forme et est loin d’être citée parmi les favoris du rendez-vous polono-ukrainien. Avec une cote de 1 pour 12 en moyenne, les Three Lions sont à bonne distance des préférés des bookmakers que sont l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas… et même la France.

Pourtant les derniers résultats de Wayne Rooney et des siens sont plutôt encourageants. Autoritaires vainqueurs du groupe G des qualifs pour l’EURO (qui, il est vrai, avec le Monténégro, la Suisse, le Pays de Galles et la Bulgarie, ne comptait pas de gros clients), les Anglais se sont même permis le luxe de battre l’Espagne (1-0), championne du Monde et d’Europe en titre, en novembre dernier à Wembley. Mais l’eau de la Tamise a coulé sous les ponts et l’année 2012 a été particulièrement chahutée pour la fédé anglaise.

Terry fout le bordel

A l’origine des problèmes : John Terry, le capitaine de Chelsea et de l’équipe nationale. Dernière frasque en date, il aurait proféré des insultes racistes à l’égard d’ Anton Ferdinand, joueur des Queens Park Rangers, à l’occasion d’un match de Premier League en octobre. Plainte est déposée et le cas du défenseur des Blues sera jugé le 9 juillet, à l’issue de l’EURO.

Un incident lourd de conséquences puisque la fédé anglaise, suite à l’affaire, décida de destituer Terry de son statut de capitaine sans en référer au sélectionneur de l’époque, Fabio Capello. Un choix très mal pris par le technicien italien qui accepta mal l’ingérence de la fédé dans son noyau. L’ allenatore ne se priva pas de critiquer la décision à la télé italienne, ce qui provoqua la colère du président de la FA, David Bernstein. Une brouille irrémédiable qui offrit l’opportunité à Capello de casser son contrat de 7,4 millions par an. C’est en tout cas l’avis de Ian Wright, l’ancien Gunner, qui dans The Sun estimait que  » l’histoire du capitanat a servi d’excuse à Capello pour se retirer. S’il avait voulu aller au bout de son travail, il serait toujours là. La FA et lui auraient fini par trouver un compromis même s’ils n’étaient plus sur la même longueur d’ondes « .

Une sortie en mode mineur donc pour l’Italien qui après avoir foiré son Mondial sud-africain (élimination en huitièmes par l’Allemagne 4-1), ne voulait sans doute pas prendre le risque d’un deuxième échec consécutif à l’EURO. A quatre mois du Championnat d’Europe, l’Angleterre se retrouvait sans sélectionneur.

Malgré l’urgence, on ne se pressa pas à la tête de la fédé et Stuart Pearce, T2 de Capello et déjà manager de l’équipe olympique britannique et des U21 anglais joua le rôle d’intérimaire. Rapidement, les dirigeants prirent la direction d’un coach anglais mais les candidats ne se bousculaient pas au portillon. Pressenti, Alan Pardew, le manager de Newcastle déclara immédiatement que le poste n’était pas pour lui. Seuls deux candidats restaient en lice : Harry Redknapp, le manager de Tottenham, et Roy Hodgson, en poste à West Bromwich Albion. Grand favori, le coach des Spurs avait la préférence des médias et d’une grande partie des joueurs, convaincus de ses qualités.

La surprise Hodgson

Sans doute soucieuse de ne pas perturber le déroulement de la Premier League, et aussi parce que Redknapp traînait des affaires douteuses derrière lui, la fédération anglaise tarda à se décider pour finalement jeter son dévolu sur… Hodgson, déjouant tous les pronostics. L’outsider créait la surprise. Car si Hodgson n’est pas dénué d’expérience internationale, il emmena notamment la Suisse à la World Cup 94 et à l’EURO 96 alors que la Nati n’avait plus participé à un tournoi majeur depuis les années 60, ses dernières piges comme coach au plus haut niveau se sont révélées infructueuses.

Nommé à la tête de Liverpool en 2010 après trois belles années à Fulham, l’Anglais s’est planté sur les bords de la Mersey et a été remplacé par Kenny Dalglish six mois à peine après son intronisation alors que les Reds pointaient à une humiliante 12e place en championnat. Et son palmarès, s’il n’est pas inexistant n’est en rien comparable à certains poids lourds du coaching européens : 4 championnats de Suède et un du Danemark en 36 ans comme entraîneur, vraiment pas de quoi rassurer les sceptiques. Malgré son contrat de quatre ans, la presse ne manquera pas de lui tomber dessus au moindre échec.

Autre nouveauté au sein du staff de l’équipe aux Trois Lions : Gary Neville. L’ancien défenseur emblématique de Manchester United rejoint le team d’Hodgson et sera à pied d’£uvre à l’EURO. Une décision pas vraiment attendue puisque l’Anglais aux 85 sélections nationales s’était clairement prononcé en faveur de la nomination de Redknapp dans les médias. Titulaire des licences UEFA A et B et analyste pour Sky Sports cette saison, il n’a pas tardé à faire volte-face. Ainsi dans une colonne du Mail on Sunday, Neville écrit :  » Personne ne peut contester qu’il s’agissait d’un choc quand il est devenu clair que Hodgson serait le nouveau sélectionneur. Mais une fois la surprise initiale passée, si vous examinez leurs palmarès, leurs forces et leurs faiblesses, il est impossible de dire que la candidature de Redknapp était un million de fois meilleure que celle d’Hodgson. Ils étaient deux bons candidats avec des qualités différentes pour le job. Concernant les réactions négatives de la presse, je pense que cela jouera en sa faveur et qu’il ralliera les gens derrière lui.  »

Une sélection contestée

Nommé le 30 avril et toujours en poste à West Brom jusqu’au 13 mai, Hodgson n’a pas chômé depuis son entrée en fonction puisque dès le 16 mai, il rendait sa liste des 23 joueurs retenus pour l’EURO. Une sélection qui a énormément fait parler d’elle.

Principal reproche : l’absence du défenseur de Man U, Rio Ferdinand (33 ans) au contraire de Terry (31 ans), bien présent. Les médias ont immédiatement fait le lien avec l’affaire des insultes racistes de Terry. Anton Ferdinand n’est autre que le frère de Rio. Hodgson aurait pris parti pour Terry en ne reprenant pas le défenseur des Red Devils pour sauvegarder l’ambiance au sein de son noyau. Une théorie que rejette bien évidemment le technicien anglais :  » Mes choix sont purement basés sur des critères sportifs. Je me suis basé sur ce que j’avais vu ces derniers mois. Rio Ferdinand a peu joué depuis le Mondial 2010 et n’a porté l’année dernière qu’une seule fois le maillot anglais.  »

Sir Alex Ferguson, l’emblématique manager de Man U, ne serait pas totalement étranger à la décision. Peu après l’annonce des 23 retenus, il déclarait à MUTV que pour l’EURO,  » il faut jouer un match tous les quatre jours environ. Rio ne pourrait pas le faire « . Un discours qu’il a sans doute dû tenir aussi à Hodgson puisqu’on sait que les deux hommes se sont parlé.

Concernant Terry, le sélectionneur n’a, semble-t-il, jamais eu le moindre doute :  » Il a joué un rôle important dans la victoire de Chelsea en Cup et dans la qualification en finale de la Ligue des Champions. Je l’ai sélectionné parce qu’il a le bon profil. Je savais que les gens allaient froncer les sourcils en apprenant sa sélection. Pour l’instant, on doit le considérer comme innocent tant qu’il n’a pas été jugé coupable.  »

Mais cette polémique n’est pas le seul reproche fait à Hodgson. Ainsi, quatre joueurs de Liverpool, sortant d’une saison médiocre, ont été repris. Si la présence de Steven Gerrard, nommé capitaine, n’est pas contestée, Glen Johnson, Stewart Downing et Andy Carroll sont loin de faire l’unanimité. Certes la blessure embêtante de Kyle Walker (Tottenham) a favorisé la présence de Johnson mais beaucoup s’interrogent sur l’absence de Micah Richards. Bien sûr, le latéral de Man City n’était plus titulaire en fin de saison mais son expérience du plus haut niveau aurait pu profiter à l’équipe et les prestations de Johnson ne jouent pas en sa faveur.

Le même constat peut s’appliquer à Downing. Peu en vue chez les Reds, le gaucher n’a pas retrouvé le niveau qui était le sien à Aston Villa depuis son transfert à Liverpool en 2011 et le retour en forme d’ Aaron Lennon en fin de saison à Tottenham aurait pu jouer pour l’ailier des Spurs.

Dernier Red repris Andy Carroll, l’homme qui valait 40 millions d’euros, a également été mis en doute par les observateurs. Le puissant avant-centre reste sur une saison catastrophique, 4 buts seulement en Premier League. Il n’en fallait pas plus pour que le nom de Peter Crouch revienne avec insistance. Le regain de forme de Carroll lors des dernières rencontres a fait pencher la balance mais il jouera gros durant ce mois de juin. C’est probablement à lui qu’incombera la lourde tâche de suppléer Rooney, suspendu pour les deux premiers matches face à la France et la Suède suite à un mauvais geste lors du match de qualification face au Monténégro. Une suspension qui tombe bien mal à l’heure où l’Angleterre est en panne de grands attaquants. Hodgson n’en a retenu que quatre, Rooney compris, ce qui peut paraître peu. Jermaine Defoe est performant en Angleterre mais n’a jamais brillé au plus haut niveau et Dany Welbeck manque cruellement d’expérience.

Un gardien de D4 !

Mais s’il y a un poste où l’Angleterre semble bien dépourvue, c’est sans conteste celui de gardien. Incontesté numéro 1, Joe Hart impressionne à City mais derrière lui c’est le désert. Robert Green, l’homme de la boulette face aux Etats-Unis à la Coupe du Monde 2010, n’évolue qu’à West Ham, troisième cette année en Championship tandis que le n°3 initial, John Ruddy, défend les couleurs de Norwich. Blessé au doigt durant la préparation du match contre la Norvège, il a été contraint de renoncer et Hodgson n’a eu d’autre choix que de faire appel à Jack Butland. Gardien des U21 anglais, le jeune homme de 19 ans appartient à Birmingham City mais était prêté cette saison à… Cheltenham en League Two (D4) !

Enfin, au milieu de terrain, la vieille garde est toujours bien représentée avec Gerrard, Frank Lampard et Scott Parker, capitaine durant l’intérim de Stuart Pearce.

Mais la relève tarde à venir : Gareth Barry et James Milner ne sont pas du même niveau et Jack Wilshere est blessé. Hodgson a surpris en ne reprenant ni Michael Carrick, enfin débarrassé de ses soucis physiques et auteur d’une belle saison à Man U, ni le vétéran Paul Scholes que Redknapp aurait très certainement incorporé à sa sélection. L’Anglais a préféré miser sur Alex Oxlade-Chamberlain, 18 ans. Jamais sélectionné auparavant, le milieu offensif d’Arsenal sort d’une première saison convaincante (4 buts en 26 rencontres) et jouera le rôle de joker pour débloquer une rencontre. Espérons que ce ne soit pas contre les Diables…

PAR JULES MONNIER – PHOTOS IMAGEGLOBE

C’est Redknapp – et pas Hodgson -, qui avait la préférence des médias et d’une grande partie des joueurs.

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