L’AMUSEUR

L’ancien entraîneur des Diables Rouges réalise un excellent deuxième tour en prenant beaucoup de plaisir et en gardant les pieds sur terre.

Depuis le deuxième tour, Gand flambait mais il lui manquait un test probant. La victoire sur le Club Bruges (4-1) a révélé le vrai potentiel des Buffalos. Avec 28 points sur 33, les Gantois réalisent un deuxième tour époustouflant au point de revenir dans le sillage des champions en titre et de viser ouvertement la troisième place. Samedi, Gand a mis sous l’éteignoir une équipe brugeoise, désormais en pleine crise.

 » On a su tirer les conclusions de la victoire d’Anderlecht sur Bruges « , expliquait Georges Leekens.  » On devait les presser haut comme l’avaient fait les Mauves. J’avais peur que Bruges réagisse après sa défaite de la semaine passée mais notre jeu n’a pas permis à l’adversaire de le faire « .

D’un côté une défense aux abois, un milieu de terrain sans aucun créateur et une attaque cadenassée, Jan Ceulemans ayant placé Javier Portillo, Bosko Balaban et Ivan Leko sur le banc. Bruges a débuté la rencontre avec cinq défenseurs dont deux en marquage individuel (Jason Vandelanoite sur Mbark Boussoufa et Philippe Clement sur Dominic Foley).  » Cela montre que dorénavant tout adversaire s’adapte à notre style. Gand embête et suscite le respect « , ajoute Leekens.

De l’autre, une défense intraitable, un milieu créatif composé d’infiltreurs et un attaquant pivot. Un bloc pressant très haut comme l’avait demandé l’entraîneur. Une partition parfaite dans un stade comble. Leekens :  » Ma tâche consistera à calmer toute cette euphorie. On croit désormais qu’on peut remporter la Ligue des Champions. Mais on aura réussi au moins à remplir le stade pour la première fois depuis dix ans « .

Gand va jouer l’arbitre cette saison. Après Bruges, c’est Anderlecht qui devra se rendre à l’Ottenstadion. Et vous finirez le championnat au Standard. Un tel rôle ne doit pas vous déplaire…

Leekens : C’est vrai. Je veux toujours tout gagner. Pour le moment, je suis satisfait. L’équipe est revenue au plus haut niveau et tous les grands vont devoir se mesurer à nous et comme je n’ai jamais reçu de cadeaux de personne, je ne compte pas non plus en donner.

Comment allez-vous aborder ces rencontres ?

Pour de tels matches, on n’a pas besoin de motiver les joueurs. Il faut simplement veiller à ne pas instaurer une pression trop lourde. Et je compte sur la fierté naturelle de mon groupe pour gagner. Comme ce fut le cas contre Bruges.

Anderlecht champion, si…

Vous avez assisté au sommet Bruges-Anderlecht et vous venez de rencontrer Bruges, quelle image en gardez-vous ?

C’est une équipe embêtante mais si Anderlecht continue à jouer comme il l’a fait à Bruges, il ne faut pas chercher plus loin le nom du champion. Les Mauves ont fait fi de la pression. Les dirigeants ont gardé leur confiance en l’entraîneur de façon à redonner de la sérénité au groupe et depuis lors, la machine s’est remise en route. Ce qui fait la différence, c’est qu’Anderlecht joue avec une défense qui ne fait pas de cadeaux et à cela s’ajoute la mobilité de Christian Wilhelmsson, de Serhat Akin et un Pär Zetterberg qui a retrouvé toutes ses sensations. Au stade Jan Breydel, ils ont effectué un pressing constant et ont montré qu’ils étaient plus frais mais cela coûte beaucoup d’énergie. Tu ne peux pas disputer deux rencontres d’affilée comme celle-là et on a déjà pu s’en rendre compte contre Lokeren. Bruges a dû remplacer beaucoup de joueurs de classe et le Club éprouve de nombreux problèmes à retrouver son équilibre. Quand tu perds de la qualité et que tu dois la remplacer, ce n’est pas toujours évident. Jan Ceulemans met l’accent sur les combinaisons. Avec le jeu offensif, les défenseurs ont toujours 50 mètres dans leur dos et ne peuvent plus commettre d’erreur.

Et le Standard ?

Leur terrain peut leur coûter des points. Nous avons d’ailleurs le même problème. Ce n’est pas évident de faire parler la technique sur des champs de patate et en plus, cela demande une double débauche d’énergie !

Arbitre du titre ou candidat à l’Europe ?

Nous avons atteint notre sommet. Etre plus haut au classement constituerait de la chance. Il ne faut pas oublier nos petits moyens. Nous n’avons même pas pu partir en stage ! Mais on va disputer toutes nos rencontres pour les gagner et si on remporte nos cinq derniers matches, on sera européen.

Gand reste sur un deuxième tour quasiment parfait (28 sur 33), après un mois de novembre particulièrement difficile…

Le deuxième tour est magnifique et on sait qu’on est en train de tirer le maximum des joueurs et du groupe. Quand c’est bon, on crie vite que tout est bon mais ce n’est pas vrai. Je connais les défauts de mon équipe. On a su construire quelque chose, ici. Quand je regarde la photo du noyau d’il y a deux ans, je me dis qu’il a fortement évolué en qualité. Notre politique de transferts s’est focalisée sur des joueurs peu connus qui ont vraiment apporté quelque chose à l’équipe comme Mbark Boussoufa, Dario Smoje, Dominic Foley. Sans oublier de bonnes affaires comme Davy De Beule ou Christophe Grégoire. Désormais, on a notre colonne vertébrale et sur deux ans, le parcours n’est pas mauvais.

 » Notre nonchalance a disparu  »

Mais comment expliquer cette différence de jeu et de forme entre novembre et maintenant avec quasiment le même noyau ?

La préparation avait été très bonne et les ambitions trop hautes. On a vu une certaine forme de nonchalance s’instaurer. L’Intertoto nous a peut-être coûté un peu de fraîcheur. La défaite inaugurale contre Zulte Waregem nous a conduits dans le doute. On a continué à travailler de la même manière car il ne faut pas tout changer quand tu es sûr de prendre la bonne direction. Il fallait juste trouver une bonne complémentarité, une balance entre les éléments.

A l’époque, on évoquait aussi la pauvreté du jeu de La Gantoise…

Ceux qui disent cela ne se basent que sur notre très mauvaise prestation à Charleroi. Contre Bruges, on avait été bon, contre le Standard aussi. Au contraire, moi, je dirais qu’on était trop offensif et que l’on offrait trop de cadeaux à l’adversaire. Parfois, on faisait balader le ballon sans se montrer productif. Or, je ne voulais pas tomber dans le travers de Beveren. On prenait trop de buts et il manquait également la notion de combativité. L’esprit d’équipe est revenu.

Vous parlez d’esprit offensif mais vos attaquants ne brillent pas vraiment…

Aliyu Datti n’était que réserve au Standard. A Mons, il était bien aidé par Nicolas Goussé et cela n’a pas vraiment aidé le club à s’en sortir. Zéphirin Zoko a fait son boulot. On ne lui en demandait pas plus. Et puis, j’ai acheté Dominic Foley. C’est un target man. Il ne va pas marquer 20 buts par saison. Par contre, il sait garder le ballon, sert de point d’appui et sait relancer. Il y avait une volonté de ma part de mettre sur pied un système qui ferait venir le danger de la deuxième ligne. Foley permet à nos médians de servir d’infiltreurs. Wouter Vrancken a déjà inscrit sept buts et Grégoire aussi. On nous reproche de ne pas être offensif mais à certains moments, on joue avec huit éléments à vocation offensive. Seul Dario Smoje – qui aime encore bien faire une petite chevauchée devant – et Nicolas Lombaerts s’occupent uniquement de la tâche défensive.

 » Sans Boussoufa, notre jeu change  »

L’équipe ne dépend-elle pas trop de Mbark Boussoufa ?

Une autre idée toute faite est de dire que Leekens veut une équipe de grands gabarits. Mais quand il y a des petits éléments qui savent jouer au foot comme Boussoufa, je les prends. C’est quelqu’un de talentueux, de très technique et qui commence à véritablement peser sur une rencontre. On lui laisse un rôle très libre. Il se sert de l’espace et a une prédilection pour les flancs car c’est là qu’il en trouve. Dans le centre, tout est bouché. Il fait surtout marquer les autres et agit véritablement comme un passeur. Sa progression en deux ans est fantastique mais il a un côté encore un peu trop fanatique et c’est pour cette raison qu’il récolte de nombreux cartons. Boussoufa, c’est la crème sur le café. Pour répondre à votre question, toutes les équipes dépendent des grands joueurs et quand il n’est pas là, c’est vrai que notre jeu n’est plus le même.

Est-ce que le projet gantois repose sur lui ?

Les dirigeants savent qu’il ne peut, en principe, pas partir mais on sait aussi qu’il est impossible de faire barrage à une bonne offre. Ce qui change par rapport aux saisons précédentes, c’est que désormais nous sommes en bonne santé financière. Je ne dis pas qu’on n’a pas besoin d’argent mais ce n’est pas une nécessité. Si Boussoufa part, il ne faut pas chercher à le remplacer car il est impossible de trouver un élément équivalent.

Vous parliez de défauts dans votre équipe. A quoi faut-il encore remédier ?

Il faut plus de concurrence à cette formation. Quand Boussoufa ou Vrancken, qui n’est pas le meilleur joueur de Belgique mais qui nous est fort utile, ne sont pas là, on tombe vite d’un ou deux échelons. On fait encore trop de cadeaux à l’adversaire. L’exemple du match de Coupe au Standard en est un parfait exemple. Cependant, cela arrivera encore de réaliser des matches de m… comme à Charleroi. Mais je ne m’en fais pas car il y a beaucoup d’équipes qui font des matches de m… à Charleroi ( il sourit malicieusement).

Vous faudra-t-il des transferts ?

On essaiera de trouver des bonnes affaires en Belgique et si les joueurs belges sont trop chers, on se tournera vers l’étranger. En étant inventif, tu peux encore trouver des Nicolas Frutos, Boussoufa ou Igor De Camargo.

 » En transferts, il faut un 7/10  »

Vous avez déclaré que Frutos était le meilleur joueur de Belgique depuis dix ans…

Ouais… C’était une image un peu exagérée mais je maintiens qu’il est plus fort que Jan Koller. Il dispose de plus de technique. Il n’a pas peur, c’est un costaud, c’est un gros travailleur et en plus, c’est un vrai buteur. Cela constitue déjà beaucoup de qualités, non ?

Au niveau transfert, vous avez également affirmé qu’un transfert devait apporter une plus-value à l’équipe. Ce ne fut pas le cas de tous vos derniers transferts ?

C’est vrai que certains n’ont rien apporté mais on a réussi de grands coups quand on regarde notre marge de manoeuvre. Tu ne peux pas toujours trouver de bons joueurs. Tu dépends du marché mais si, sur 10 achats, il y en a six ou sept qui marchent, c’est parfait. C’est sûr que l’on est obligé de prendre certains risques. On va également travailler davantage avec les jeunes. En Belgique, on n’a pas toujours la patience qu’il convient avec eux. Le Standard a failli lâcher Mémé Tchité et il est maintenant meilleur buteur…

Quels sont les éléments qui vous ont donné le plus de satisfaction ?

Foley, Boussoufa évidemment. Christophe Grégoire qui est en train de montrer que c’est un joueur de bon niveau, Damir Mirvic est toujours utile quand il entre en action et Smoje peut exploiter sa marge de progression en travaillant. Il revient en forme après un début de saison confidentiel. Il n’était pas assez concentré. Il venait de se marier et la deuxième saison est toujours plus difficile. ( Il réfléchit). Je suis en fait particulièrement satisfait de ce groupe. C’est un des meilleurs de ma carrière au niveau de l’ambiance et de la solidarité.

 » Je ne suis plus un aventurier  »

Vous êtes réputé pour ne pas rester longtemps dans un club. On évoque ici déjà le nom de votre successeur (Kjetil Rekdal ?) mais le président prétend qu’il veut que vous soyez à la tête de Gand pour l’ouverture du nouveau stade en 2007 ?

2007, c’est encore loin. En football, tout peux aller très vite d’un jour à l’autre.

Est-ce que Leekens sera encore à Gand la saison prochaine ?

En principe oui. Avant j’étais toujours occupé par mon avenir. Je venais à peine de signer dans un club que je regardais déjà les possibilités qui pouvaient s’ouvrir à moi ailleurs. Ici, je suis en train de bâtir un cadre professionnel et maintenant, il faudra voir comment le club grandit. On parle aussi dans un futur proche d’un poste de directeur technique mais je ne me sens pas encore prêt à quitter le terrain.

Vous vous êtes fixé une limite d’âge ?

Non. J’arrêterai le jour où cela ne me plaira plus. A partir du moment où tu te fixes une date de fin de carrière, mentalement tu as déjà arrêté. A ce niveau-là, j’admire Zetterberg qui est le parfait… contre-exemple de ce que je viens de dire. Chez lui, c’est le c£ur du gagneur qui parle. Il a retrouvé toute sa motivation pour partir en beauté alors que généralement la motivation baisse au fur et à mesure des années. Moi, je m’amuse toujours encore comme au premier jour.

Etes-vous satisfait de votre parcours ?

Oui. J’ai montré que je savais m’acclimater très vite à un environnement. Je bénéficie d’une réputation dont je suis fier. Celle de quelqu’un d’ouvert qui avance en ligne droite. Je ressens du respect de la part de mes collègues. Certains me téléphonent pour me demander des conseils. A l’Union belge, j’ai effectué le premier pas dans la voie du professionnalisme. Je suis toujours arrivé aux mauvais moments dans les clubs. Soit, il n’y a avait plus d’argent, soit le club était en position de reléguable mais c’étaient des défis exaltants. A un certain moment, je me suis senti comme un entraîneur de crise et c’est pour cette raison que je veux maintenant construire quelque chose. Je n’ai jamais regretté mes choix. J’ai l’âme d’un curieux. Encore maintenant. Par contre, je ne suis plus un aventurier. Me jeter sur la première offre, c’est fini !

Et quel sera le prochain défi ?

Je veux continuer à m’amuser. Sinon, qui ne rêve pas de la Ligue des Champions ?

STÉPHANE VANDE VELDE

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