L’ambassadrice

Notre jeune compatriote (1,95 m) dispute ce week-end le Final Four de l’Euroligue avec Valenciennes.

La belle histoire que vit actuellement Ann Wauters a commencé durant l’été 1998. Elle n’a que 17 ans et joue à Alost lorsqu’elle est contactée par Kathy Meyer, une ancienne joueuse américaine de Waregem, qui lui propose de rejoindre l’université de Tulane, en Louisiane, où elle est devenue assistant-coach.

« Ce n’était pas la première fois que je recevais une proposition des Etats-Unis, mais comme celle-ci émanait d’une personne ayant joué en Belgique et que je connaissais, j’y ai accordé plus d’attention qu’aux autres », se souvient Ann. « Le basket universitaire me tentait ainsi que la perspective de pouvoir m’entraîner deux fois par jour. Je me suis donc rendue en Louisiane où j’ai pu visiter le campus. Je suis d’emblée tombée sous le charme. Tulane ne figurait pas parmi les meilleures équipes, mais le programme alléchant ».

Mais Ann Wauters ne portera jamais le maillot de Tulane :  » Marc Silvert, l’actuel coach de St-Servais, m’a invitée à venir m’entraîner avec l’équipe professionnelle de l’US Valenciennes-Orchies qu’il dirigeait à ce moment-là. Dans ma tête, j’étais déjà prête à m’envoler pour les Etats-Unis en septembre, mais je me suis dit qu’effectuer la préparation en août avec une formation de ce calibre ne pouvait pas me faire de tort. Sur place, je me suis rendu compte que je pouvais suivre le mouvement sans trop de difficultés. Cela s’est tellement bien passé que Marc Silvert m’a proposé de rester. Entre une équipe professionnelle et une équipe de collège, je n’ai pas hésité longtemps. Je ne regrette rien. D’autant qu’entre-temps, j’ai tout de même découvert les Etats-Unis… avec une équipe professionnelle ».

Le premier Belge en NBA fut effectivement… une Belge. L’an passé, Ann Wauters défendit les couleurs des Cleveland Rockers. Avec un certain succès, puisque cette équipe qui avait terminé bonne dernière une saison plus tôt atteignit la finale de Conférence Est face à New York. Riche de cette expérience, Ann Wauters est revenue en Europe plus forte encore qu’auparavant. Voici dix jours, elle a été élue MVP du Tournoi de la Fédération (qui a réuni à Lorient les quatre premiers classés du championnat de France et que Valenciennes a perdu en finale contre Bourges) avec 20 points et 9 rebonds. Elle est devenue une pièce-maîtresse de l’USVO qui, sous son impulsion, a terminé la saison régulière à la première place du classement. Ce n’est pas encore un titre de champion de France mais cela garantit déjà une place en Euroligue pour la saison prochaine. Une Euroligue dont le club nordiste disputera le Final Four, ce week-end à Messine: demi-finale contre Brno ce vendredi et finale contre le vainqueur de Bourges-Pecs ce dimanche. Inutile de dire que, dans l’Hexagone, on rêve déjà d’une finale à 100% française. Après la Sicile, ce sera la Coupe de France, puis les playoffs qui, si tout se passe bien pour Valenciennes, se termineront à la mi-juin.

2001 pourrait donc être la saison de tous les bonheurs pour Ann qui, dès la saison française terminée, s’envolera de nouveau pour les Etats-Unis où elle disputera une deuxième saison de WNBA avec Cleveland. Son agent, Roland Groignet, estime qu’elle ne pourra pas continuer indéfiniment à ce rythme et lui préconisera une période de repos au retour d’Amérique avant, peut-être, de la placer en Italie la saison prochaine.

« Le Final Four est un événement qu’aucune basketteuse ne voudrait manquer. Il s’agit du tournoi majeur en Europe. La saison dernière, Valenciennes avait échoué en quart de finale face aux futures championnes d’Europe, les Slovaques de Ruzumberok. Je crois que, cette saison, nous avons des chances réelles de l’emporter. Nous sommes plus fortes que la saison dernière ».

Grâce aux acquisitions réalisées pendant l’été, mais aussi grâce aux prestations d’Ann Wauters, dont la progression a suivi une courbe linéaire ces dernières saisons : « Au départ, Marc Silvert voyait surtout en moi une jeune joueuse de grande taille qu’il convenait de travailler. Mais, dès ma première saison avec Valenciennes, j’ai bénéficié d’un temps de jeu appréciable avec les joueuses intérieures. Je m’entraînais comme une professionnelle, je suivais un programme de musculation et je jouais dans une ligue très compétitive. Après un an, Marc Silvert a été remplacé par Laurent Buffard, qui est toujours en poste. Un coach assez différent de son prédécesseur. Il a coaché des garçons durant l’essentiel de sa carrière et ses méthodes sont un peu plus rudes. Il a fallu s’y habituer. Mais cela s’est très bien passé. Mon passage aux Etats-Unis m’a énormément apporté également. J’ai pris confiance en mes possibilités et je suis plus agressive. Cette saison, j’ai de très bonnes statistiques, mais je ne veux pas me considérer comme la vedette de l’équipe. J’effectue mon boulot comme toutes les autres filles. Nous avons trois internationales françaises, une espagnole, une yougoslave… et une belge. C’est une équipe internationale, mais il y a tout de même des limitations à l’invasion étrangère dans le championnat de France : chaque équipe a le droit d’avoir deux joueuses européennes et deux joueuses étrangères. Pas plus ».

Ann Wauters n’a jamais été championne de France. Elle espère que ce sera pour cette année : « Nous avons terminé la saison régulière à la première place, mais cela ne confère aucun avantage particulier pour les playoffs. Ce n’est pas comme en Belgique, où le premier joue contre le quatrième avec l’avantage du terrain. On recommence tout à zéro avec un mini-championnat à quatre équipes. Puis, les deux premiers de ce mini-championnat disputent la finale en deux manches gagnantes. Je suis confiante. Je sens qu’avec l’équipe que nous possédons cette année, nous pouvons aller jusqu’au bout ».

A Valenciennes, le basket féminin est devenu une institution : « Lors des gros matches, nous avons accueilli jusqu’à 3.500 spectateurs. Avec des gens dehors qui n’avaient pas pu trouver de billets. Même pour un match de championnat tout à fait normal, il y a régulièrement 2.000 personnes. Cela fait six ans que Valenciennes est deuxième, mais la fidélité du public ne s’est jamais démentie. Cette année, la ferveur est encore plus forte puisque l’équipe gagne. C’est exceptionnel. Bourges, Tarbes et Aix-en-Provence accueillent du monde également. Mais il nous est arrivé de jouer en déplacement dans des salles quasiment désertes. Le championnat de France est difficile, mais il y a tout de même une différence de niveau assez sensible entre les six équipes du haut et les six équipes du bas du classement. Le budget de Valenciennes avoisinne les 10 millions de francs français – NDLA: à titre de comparaison, celui de St-Servais est de 10 millions de… francs belges. C’est le plus gros budget de France, avec Bourges. Le basket est en plein essor en France. Les garçons sont vice-champions olympiques et les filles ont terminé 5e aux J.O. de Sydney. Cela provoque une émulation. Les médias s’intéressent de plus en plus à nous. Quelques matches féminins sont déjà retransmis en direct à la télévision. Sur Pathé Sport. Mais, sur base des résultats que nous obtenons, l’intérêt médiatique pourrait encore être supérieur ».

Une fille peut-elle gagner confortablement sa vie en jouant au basket? « Je ne peux pas me plaindre. De toute façon, l’argent n’est pas ma priorité. Peut-être cela viendra-t-il un jour. Si je décide de partir en Italie, l’une des raisons pourrait être d’ordre financier. Car, sportivement, pourquoi devrais-je aller voir ailleurs qu’à Valenciennes? Je fais partie de l’une des quatre meilleures équipes d’Europe. Peut-être deviendrai-je même… championne d’Europe! »

Et en Belgique? « Les budgets sont différents, évidemment. C’est plutôt du semi-professionnalisme. Le basket féminin progresse en Belgique. Si une bonne organisation est mise en place, pourquoi ne pourrait-on pas gravir encore quelques échelons? St-Servais a de grands projets. Marc Silvert a démontré dans le passé avec Valenciennes qu’il était capable de mettre une grosse équipe sur pied. Moi, j’y crois ».

En juin, ce sera le retour aux Etats-Unis : « Je louperai probablement le début de la saison, puisque celle-ci commence à la fin mai et que, si nous allons jusqu’en finale avec Valenciennes, nous devrons jouer jusqu’à la mi-juin. Mais j’ai déjà mes repères là-bas. Je connais le coach également. Mais l’équipe risque d’avoir fortement changé. Avec l’expérience que j’ai vécue l’an passé, je retournerai avec d’autres ambitions : pour apporter encore davantage à mon équipe ».

Lorsqu’on a échoué en finale de conférence, on a forcément envie d’aller plus loin. C’est-à-dire, jusqu’à la grande finale face au champion de l’autre conférence. Et là, sait-on jamais? « Etre championne en WNBA, ce serait un rêve », concède Ann Wauters. « Lors des quatre premières années, le titre est toujours revenu à Houston. Le trio SwoopsCooperThompson n’avait pas d’égal. Mais Cooper a arrêté ».

Ann attend déjà avec impatience le moment de retraverser l’Atlantique : « Jouer en WNBA est très excitant. On affronte les meilleures joueuses du monde. Le jeu est plus rapide, plus physique, plus agressif. A Cleveland, nous jouons en moyenne devant 10.000 spectateurs. Avec des pointes jusqu’à 12 ou 13.000. Les ballons sont un peu plus petits et plus légers qu’en Europe. Cela favorise le jeu rapide. C’est un peu perturbant au début, mais on s’y fait rapidement ».

La WNBA entamera cette année sa cinquième saison d’existence. La ligue ne cesse de s’étendre. Créée au départ avec huit équipes, elle en compte désormais seize, établies dans les mêmes villes que les franchises masculines. Pour assurer la promotion de sa petite soeur féminine, la NBA organise d’ailleurs lors du All Star Game un 2-Ball où un joueur de NBA fait équipe avec une joueuse de WNBA pour un concours de tirs. Ann Wauters n’a pas pu y participer, puisqu’elle jouait le championnat de France avec Valenciennes à ce moment-là, mais Cleveland était représenté.

Les matches se disputent dans les mêmes salles que les hommes, mais durant l’été. C’est aussi une manière de rentabiliser ces salles toute l’année : « Nous avons peu de contacts avec les joueurs de NBA, puisqu’ils sont en vacances lorsque nous sommes en plein championnat. La saison dernière, j’ai cependant eu l’occasion d’assister à un match de playoffs des Cavaliers. C’est grisant de jouer sur le même parquet le lendemain ».

Les plus belles salles? « Le Madison Square Garden de New York impressionne pour tout ce qu’il représente. Pour son passé, pour tous les événements qui s’y sont déjà produits. C’est un endroit mythique. Jouer là-bas, devant 18.000 spectateurs, c’est fabuleux. Mais la salle de Miami est beaucoup plus jolie. Elle est toute neuve. Moderne et fonctionnelle ».

La saison de WNBA est courte. Tout est concentré sur trois mois. « On joue trois matches par semaine. Et on voyage beaucoup. Exactement comme les hommes. Si j’aimerais une saison plus longue? Pas nécessairement, sinon je ne pourrais plus jouer en Europe. Pour l’instant, cela me plaît de faire les deux ». Et que font les autres joueuses de WNBA durant les neuf mois d’interruption? « Certaines jouent en Europe, comme moi. D’autres se préparent ou ont d’autres activités: elles coachent, enseignent, étudient ou travaillent pour la WNBA en faisant la promotion du basket féminin ».

Daniel Devos, envoyé spécial à Valenciennes

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