» L’Allemand OBÉIT « 

L’analyse du coach hollandais Huub Stevens (8 ans en Bundesliga, à Schalke 04 et Hertha BSC).

Après une campagne de qualification terne, l’Allemagne est-elle prête pour le Portugal ?

Huub Stevens : Elle se cherche encore. Elle a plafonné après la finale du Mondial mais ce n’est pas inquiétant. L’Allemagne est une équipe de tournoi, qui se bonifie de match en match, comme peu d’autres nations en sont capables. Elle se distingue davantage par ses résultats que par son style de jeu. Elle s’appuie toujours sur une solide organisation défensive, à partir de laquelle elle construit son jeu.

Quels accents place Rudi Völler par rapport à ses prédécesseurs ?

Il essaie de donner leur chance aux jeunes, comme Kevin Kuranyi mais aussi Philipp Lahm, Tobias Rau, Andreas Hinkel. L’Allemagne dépend de la qualité de son entrejeu. Il n’en manque pas, avec Michael Ballack, Bernd Schneider, Benjamin Lauth et Torsten Frings, mais il n’a pas le panache du Brésil. Ce n’est pas pour rien que l’Allemagne transfère beaucoup d’étrangers aux postes créatifs.

D’après Franz Beckenbauer, le niveau de la Bundesliga baisse parce qu’il y a trop d’étrangers moyens.

Certains sont trop médiocres mais il y en a de bons comme Zé Roberto au Bayern ou Lucio à Leverkusen. Je trouve que même les étrangers de, disons Wolfsburg, ont du talent. Ils apportent à l’Allemagne la créativité dont elle manque.

Les étrangers bloquent-ils les talents allemands ?

Pas les vrais talents. Regardez Kuranyi, Hinkel, Lahm, Rau : ils s’imposent malgré les étrangers.

Quels sont les éléments créatifs de l’Allemagne ?

Ballack, mais aussi Schneider et Frings. Ils n’ont pas le style brésilien mais il ne faut pas perdre les qualités allemandes, qui font la force du pays : solidité, abattage et discipline tactique lui ont permis d’atteindre la finale du Mondial.

Vous travaillez en Bundesliga depuis 1996. Qu’est-ce qui a changé depuis ?

Les gens comprennent qu’il faut accorder une chance aux jeunes et s’entraîner différemment. Les internats créés il y a quatre ans offrent une autre base de travail. Le club qui n’a pas de centre de formation peut avoir des problèmes de licence, ce qui n’était pas le cas dans le passé. Il y a eu une prise de conscience des manquements technico-tactiques.

Comment a évolué la Bundesliga sur le plan tactique ?

Positivement. Avant, le libéro jouait derrière la défense alors que maintenant, on prône un quatuor défensif ou on joue même avec trois défenseurs en ligne.

 » Le résultat avant tout  »

Comment avez-vous fait ?

Schalke 04 avait un défenseur libre, Olaf Thon. Progressivement, je l’ai avancé, pour qu’il joue devant mes stoppeurs, Thomas Linke et Johan De Cock. On ne modifie pas du jour au lendemain ce qu’un joueur a appris depuis son enfance. Ensuite, nous avons joué la défense à quatre puis à trois. Cependant, une équipe en proie à des problèmes en revient toujours au libéro.

Avez-vous bénéficié d’une bonne écoute ?

Un Allemand fait ce qu’on lui dit, tandis qu’un Néerlandais demande pourquoi. La discipline est essentielle dans l’éducation allemande. Un footballeur allemand suit donc la voie qu’on lui indique. A Schalke 04 et à Hertha BSC, le fait d’avoir une série de joueurs belges et néerlandais m’a aidé à convertir le jeu.

Dans quelle mesure la presse influence-t-elle le style de jeu ?

C’est le résultat qui compte en Allemagne, qu’importe le système. Si vous gagnez en alignant un libéro derrière la défense, vous avez fait du bon travail alors qu’aux Pays-Bas, on vous cloue au pilori si vous gagnez en jouant défensivement.

Le football allemand est-il attractif ?

Je viens de suivre les matches de Coupe. Ce n’était pas bon mais très attrayant.

Les deux piliers de l’équipe nationale appartiennent au Bayern mais après un brillant Mondial, Ballack est décevant.

Ce reproche n’est pas juste. C’est un formidable footballeur mais il a souffert de surcharge et de nombreuses petites blessures. On l’a jugé comme s’il était à 100 % alors qu’il n’était qu’à 80 %. Je ne vois aucune différence entre le Ballack du Bayern et celui de l’équipe nationale. Il apporte de la profondeur au jeu et soutient les attaquants tout en marquant lui-même.

Dans le but, Jens Lehmann remplace Oliver Kahn contre la Belgique. Kahn est-il usé ?

Non, il est aussi bon qu’avant. J’apprécie particulièrement sa rage de vaincre. Kahn ne laisse jamais son équipe en plan. Beaucoup de joueurs commettent des erreurs face au Real. Lehmann n’est pas inférieur à Kahn. Il est aussi un battant, à sa manière.

Tout le monde découvre le jeune Bastian Schweinsteiger, au Bayern.

L’équipe nationale est un peu prématurée pour lui. Il reçoit sans doute plus vite sa chance qu’un jeune qui est plus loin mais qui évolue dans un club plus modeste.

Par contre, Philipp Lahm a dû être loué à Stuttgart par le Bayern pour devenir international.

Il est évidemment difficile d’évincer Lizarazu.

 » L’EURO n’est pas un test  »

A Hertha, vous aviez quelques internationaux, comme Fredi Bobic, auteur d’un come-back étonnant, ou Arne Friedrich, le médian droit.

Comme Kuranyi, Henkel, Lauth et Rau, Arne Friedrich représente l’avenir du football allemand. Il a été sélectionné après quatre matches de Bundesliga, la saison passée. Il a disputé une brillante campagne. Il est normal qu’il subisse maintenant un contrecoup. Il est rapide, a une bonne vista, des qualités défensives mais aussi offensives, même si celles-ci sont moins manifestes en équipe nationale, pour le moment.

Bobic a eu des problèmes d’adaptation à Hertha mais il fonctionne bien en équipe nationale. A Berlin, nous ne sommes pas parvenus à trouver un équilibre, à cause de l’égoïsme de certains. Un attaquant dépend de son approvisionnement.

Pourquoi Kuranyi est-il un bon avant ?

Il est rapide, fort de la tête et peut également réaliser des combinaisons. Il est avide d’apprendre et a une mentalité fantastique. Il veut toujours gagner et le montre d’une manière positive.

Miroslav Klose, la révélation du Mondial, plafonne.

Changer d’air lui fera du bien. Dans un club qui ne figure pas parmi l’élite, on dépend encore plus de l’approvisionnement. En plus, on doit effectuer du travail défensif, au détriment de sa fraîcheur devant le but. Ceci dit, tout ne sera pas facile à Brême, qui reste sur une année exceptionnelle et qui devra confirmer. Je pense que le Werder va être champion, car l’équipe est remarquablement équilibrée. Elle passe très vite de la défense à l’attaque et en deux passes, elle se retrouve devant le but. Contre Brême, on ne peut commettre aucune faute dans la construction du jeu. C’est généralement là que le Werder fait la différence : il exploite ces erreurs, grâce à quatre médians qui exercent un pressing.

Völler va-t-il disputer l’EURO avec une jeune équipe ?

Je pense qu’il va opter pour un bon mélange car l’Allemagne ne considère pas l’EURO comme une préparation au Mondial 2006…

Geert Foutré

 » La Mannschaft SE CHERCHE ENCORE  »

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