L’album

Encore une personnalité qui quitte le foot belge. L’Anversois a retenu les 10 clichés les plus symboliques de sa carrière.

C’est fini! Eric Van Meir ne rejouera plus jamais au football. Dominique D’Onofrio pourrait lui offrir un ultime cadeau en toute fin de saison: quelques minutes, voire quelques secondes sur la pelouse de Sclessin pour saluer une dernière fois la foule. Mais ce ne serait même pas rendre service à l’ex-Diable Rouge. Son genou refuse tout service et il risquerait de payer au prix fort un tel baroud d’honneur. Van Meir (35 ans) ne vit même plus avec cette illusion. Comme son contrat l’y oblige, il se rend encore chaque jour au Standard, pour des soins divers. Mais le coeur n’y est plus et, plus tôt ces travaux forcés se termineront, mieux ce sera. L’homme ne se plaint pas. « Vu mes qualités, j’ai fait un joli bout de chemin », avoue-t-il. « Je pars avec la conviction d’avoir tiré le maximum de mes possibilités ». Il a mordu à pleine dents dans ses 12 saisons de pro.

Entre 1991 et 2003, on a vu défiler des milliers de photos de ce défenseur-déménageur-buteur. Eric Van Meir en a sélectionné une dizaine. Les plus symboliques. Cet album illustre ses plus grandes joies et ses pires peines de footballeur.

« Charleroi, c’est Spaute »

« Si Jean Pol Spaute ne m’avait pas repéré en D3 avec Berchem, je ne serais peut-être jamais devenu professionnel. J’avais marqué 12 buts en tant que médian défensif, mais surtout bien joué contre les clubs wallons. Des matches auxquels Spaute avait assisté. Quand j’ai signé mon premier contrat pro, c’était un aboutissement. Heureusement que Spaute m’a fait signer pour deux ans, car après une semaine d’entraînement, Baetslé me démolissait le genou à l’entraînement. Au moment où mon rêve se réalisait, je me retrouvais sur la touche pour huit mois. J’ai eu le mérite de ne pas faire le pleurnichard, de ne pas m’isoler dans un coin en criant que c’était injuste. J’ai travaillé comme un fou et j’ai éclaté au cours de ma deuxième saison à Charleroi. Mon vrai départ, ce fut un match de Coupe contre Bruges: j’ai marqué nos deux buts et qualifié le Sporting. Avant cette rencontre, on ne me connaissait encore qu’à Charleroi. Après ce match retransmis en direct, toute la Belgique savait qu’il y avait un bon joueur flamand au Mambourg. Mon plus grand souvenir avec les Zèbres, ce fut évidemment la finale de Coupe. Alphonse Costantin a été traité de tous les noms pour son arbitrage suspect. Il faut être honnête: le Standard était plus fort que Charleroi ce jour-là et ce n’est pas Costantin qui a marqué les deux buts liégeois. Je serais toutefois curieux de rejouer cette finale avec Janevski et Suray sur la pelouse pendant les 90 minutes ».

« Le geste du buteur »

« J’ai marqué 16 buts lors de ma première saison au Lierse. Pas mal pour un libero, hein? Eric Gerets avait mis au point une superbe tactique. Comme il n’avait pas de vrai meneur de jeu, il demandait à tout le monde d’être décisif. Chaque joueur avait la permission de se retrouver en position de buteur. Nous avions une ligne arrière hyper-offensive avec Brocken, Van Kerckhoven, De Roover et moi. A nous quatre, nous avons inscrit une trentaine de goals cette saison-là. éa bougeait partout, le danger naissait de tous les côtés. L’effet de surprise était total et permanent. Pour les adversaires, c’était un système pratiquement impossible à contrer. Ma moyenne de buts, à l’époque du Lierse, s’explique aussi par le fait que je tirais les penalties et que je me positionnais dans le rectangle adverse sur chaque corner. Avec le Standard, je n’ai marqué que très peu de buts, parce qu’il y avait Walem pour ravitailler les attaquants et donc soulager le travail offensif des défenseurs, mais aussi des gars comme Aarst et Lukunku pour mettre la tête sur les phases arrêtées ».

« La Coupe »

« Une finale de Coupe, c’est un instantané. Le Lierse était alors entraîné par Walter Meeuws. En face de nous, il y avait un tout bon Standard. C’était du 50-50. Mais un homme a fait la différence: Cavens. C’est lui qui a fait basculer le match. Le Lierse lui doit ce trophée et cette journée extraordinaire. Il y avait 50.000 personnes au Heysel: ce fut l’un des moments les plus intenses de ma carrière ».

« Le Standard, mon fil rouge »

« Quand j’ai signé à Sclessin, des supporters liégeois m’ont demandé si je n’étais pas devenu fou: -Tu sais à quoi tu t’engages? Il y a toujours plein de problèmes ici. Tu ne vois pas tout ce qui s’est passé depuis quelques années? J’étais conscient de tout cela mais, dans mon esprit, une chose était évidente: on n’a pas le droit de refuser une offre d’une équipe pareille. Pour la première fois de ma carrière, je me retrouvais aussi dans un grand club belge. En plus, j’avais gagné des trophées avec le Lierse et je n’avais donc plus rien à perdre. La saison qui se termine n’a pas été drôle du tout, mais j’ai prouvé l’année dernière que j’avais encore de beaux restes. J’ai donné tort à tous ceux qui me considéraient comme fini, sous prétexte que j’avais déjà 33 ans. Le Standard a en fait traversé ma carrière comme un fil rouge. J’ai perdu la finale de la Coupe avec Charleroi contre le Standard, j’ai été sacré champion avec le Lierse sur le terrain du Standard, j’ai gagné la Coupe avec le Lierse contre le Standard et je termine ma carrière au Standard ».

« Mon grand regret avec les Rouches »

« Cette photo a été prise après notre victoire à Westerlo, en décembre 2001. Une scène de joie intense. Normal: nous sortions d’une série d’excellents résultats, avec des victoires à Gand et à Bruges. Une chose devenait subitement claire: le Standard avait assez de talent et de caractère pour redevenir enfin champion. Nous nous retrouvions en tête du classement à la trêve. Mais notre mois de février catastrophique a détruit notre beau rêve et la fin de saison a été tristounette. Le Standard a géré sa saison comme le sprinter de 100 mètres qui est en tête après 50 mètres mais s’écroule pendant la deuxième moitié de la course. Cet effondrement, c’est le seul grand regret de mes deux saisons à Sclessin ».

« Waseige, l’homme qui m’a construit »

« J’ai travaillé trois fois avec Robert Waseige: à Charleroi, en équipe nationale et au Standard. Quand il est arrivé au Mambourg, en 1992, je venais de passer une saison presque complète à l’infirmerie. Il m’a quand même fait confiance et nous avons vécu, avec lui, deux années exceptionnelles. Il y a eu la finale de la Coupe, mais aussi la qualification pour l’UEFA, un an plus tard. Tout cela, le Sporting le devait en grande partie à Waseige. En équipe nationale, j’ai retrouvé le même homme. J’avais décidé de quitter les Diables sous Georges Leekens. J’estimais qu’il ne mettait pas tous les internationaux sur un pied d’égalité et j’en avais marre. Il protégeait Vidovic, par exemple, et je me retrouvais ainsi systématiquement sur le banc. Chaque fois que je revenais au Lierse après un match des Diables, les dirigeants récupéraient un joueur déçu, qui se posait plein de questions. C’est pour cela que j’avais dit stop, même si Leekens m’avait conseillé de bien réfléchir. D’après lui, j’allais le regretter. Sur ce point-là, il avait raison. Si c’était à refaire, je ne claquerais plus la porte. Je conseille d’ailleurs à n’importe quel joueur de ne jamais refuser une sélection. Waseige m’a appelé dès qu’il a succédé à Leekens. Il m’a proposé d’être la doublure de Staelens. Tout était clair dès le départ et cela me convenait. Nous avons de nouveau vécu de belles choses ensemble: la qualification pour le Mondial, les matches au Japon. Il est dommage qu’il ait été victime des querelles communautaires. Moi, je les sentais venir. Après notre défaite en Croatie qui nous condamnait aux barrages contre la Tchéquie, des journalistes flamands m’avaient dit qu’ils démoliraient Waseige si nous n’allions pas à la Coupe du Monde et que, de toute façon, Aimé Anthuenis deviendrait coach fédéral dès l’été 2002. Triste. Je retiens en tout cas Waseige parmi les quatre personnalités qui m’ont permis de faire carrière. J’ai eu la chance de croiser quatre gros calibres qui tenaient vraiment à m’avoir dans leur équipe: Spaute, Gerets, Preud’homme et Waseige ».

« Mon premier match en Coupe du Monde »

« C’est ma photo préférée. Un duel avec le Japonais Nakata, au Mondial. Enfin, on me donnait une chance dans un tournoi. Je n’avais pas quitté le banc en 1994, 1998 et 2000. Quelque part, cela pouvait se comprendre si on jetait un oeil sur les cartes de visite de mes concurrents pour une place de stoppeur ou de médian défensif: Albert, De Wolf, Van der Elst, Staelens, Valgaeren. Qui étais-je pour contester leur titularisation? Je ne dirais pas que j’ai vécu ces tournois comme un spectateur, mais je ne pouvais quand même pas me sentir aussi impliqué que les titulaires. Quelques jours avant le match contre le Japon, De Boeck s’est blessé. Mon heure était arrivée. Je l’attendais depuis tellement longtemps. Même une seule minute sur la pelouse aurait suffi à mon bonheur, pour que je puisse dire que j’avais joué en Coupe du Monde. Au bout du compte, j’ai disputé tout le match. C’est à coup sûr mon meilleur souvenir de Diable Rouge. Je regrette seulement qu’on ait autant mis l’accent sur le but japonais dont je suis en partie responsable. Beaucoup de gens ont oublié que, dans ce match, j’ai donné les assists sur nos deux buts ».

« L’adieu aux Diables »

« C’est la joie après la victoire contre la Russie qui nous qualifie pour le deuxième tour au Japon. On voit des visages qui ont souffert. Waseige m’avait lancé pour les deux dernières minutes. Je me doutais que c’étaient les dernières de ma carrière internationale. Il était clair que le coach ne me titulariserait pas contre le Brésil. Ronaldo, Rivaldo et Ronaldinho allaient se dresser sur notre route. Leur point fort, c’est mon point faible: la vitesse. Logique, donc, qu’on ne compte pas sur moi dans un match pareil. Waseige a mis Simons et Van Buyten. C’était déjà nettement plus rapide qu’un duo Van Meir-De Boeck. Nous avons d’autres qualités, comme la relance et l’intelligence de jeu, mais ce n’était pas ce qu’il fallait en priorité contre le Brésil.

Rien ne m’empêchait de poursuivre ma carrière internationale après cette Coupe du Monde, mais j’étais réaliste: je ne représentais plus une solution d’avenir. Donc, je savais à quoi m’attendre après le match contre la Russie. J’ai été repris 58 fois chez les Diables et j’ai joué 34 matches. Il m’en manque un seul pour devenir membre émérite de l’Union Belge. J’imagine qu’on ne me fera pas de difficultés quand je demanderai ma carte pour entrer gratuitement dans tous les stades de Belgique… J’ai aussi marqué un but: contre St-Marin. Je suis très satisfait de mon parcours ».

« La statue au sol; comme Saddam! »

« Cette photo résume toute ma deuxième saison au Standard. La statue est tombée, comme celle de Saddam. Impossible de la redresser. Il y a autant de tristesse sur cette image que de joie sur celle où on me voit avec Moreira sur les épaules après la victoire à Westerlo. J’ai joué mon tout dernier match à Lommel, fin octobre 2002. Aujourd’hui, Lommel est en faillite: un autre symbole. Une petite consolation quand même: l’absence de Dragutinovicm’a permis d’être capitaine pour le dernier match de ma vie « .

« La cicatrice »

« L’explication de ma fin de carrière est là, sous le doigt du toubib. C’est la cicatrice de l’opération subie après ma collision avec Baetslé. Pour réparer mes ligaments déchirés, le chirurgien avait fait appel à une technique moderne… pour l’époque. Si j’avais la même blessure aujourd’hui, on interviendrait autrement, on reconstituerait des croisés costauds et cela ne raccourcirait pas ma carrière. Pendant 12 ans, tous les efforts se sont concentrés sur la partie extérieure de mon genou, et comme on avait aussi dû m’enlever les ménisques, les cartilages ont payé la note, petit à petit. Le début… de ma fin de carrière remonte à 1991 ».

Pierre Danvoye

« Le Standard est le fil rouge de ma carrière »

« Je n’aurais jamais dû quitter l’équipe nationale »

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