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L’ALBERT N’EST PAS MORT

Vingt mois après avoir été déclaré en faillite, Mons renaît de ses cendres mais sous une toute autre formule placée sous le signe de la jeunesse.

Lors de sa disparition, le RAEC Mons a laissé dans son sillage une nuée d’interrogations et dans les mémoires de ses sympathisants quantité de regrets. Pourtant, le stade Tondreau, fraîchement rénové, n’est pas abandonné pour autant. Fort heureusement pour la Ville qui, par l’intermédiaire de la Régie Communale Autonome, a investi une somme colossale pour lui donner fière allure. C’est désormais Genly-Quévy, ancien pensionnaire discret mais ambitieux de P1, rebaptisé entre-temps en Albert Quévy Mons, qui s’y est installé avec pour volonté de redonner un essor footballistique à une entité où le talent pullule. Tous vous le diront, il ne reste pratiquement rien de l’ancien club mais sur des cendres encore fumantes se construit un nouvel édifice qui doit devenir le porte-drapeau du fief d’Elio Di Rupo. Visite et rencontres lors d’un match de championnat de D3 Amateurs face au Léopold même s’il faut commencer par un bref flash-back.

Le 16 février 2015, Domenico Leone, le président du RAEC Mons prend la parole :  » Je ne suis pas en mesure et ne souhaite plus mettre davantage de cash à disposition du club. L’Albert évoque naturellement pour moi beaucoup d’émotions mais aussi de larges investissements. Depuis plusieurs années, ma présidence a rimé avec des mises de fonds successives destinées à assurer l’évolution du club, de son équipe première et de son centre de formation. J’espère qu’après la faillite de la SA RAEC Mons, effective ce jour après enregistrement au tribunal de Commerce de Mons, un repreneur pourra se manifester afin d’assurer la poursuite des activités du club, le maintien de son statut professionnel au sein de la D2, avant d’envisager de retrouver la place qu’il mérite en Jupiler Pro League.  »

Le mirage d’un sauvetage a existé pendant quelques semaines puisque Salvatore Curaba, un homme d’affaires hennuyer, a longtemps été mentionné comme possible repreneur mais au final, il s’est retiré. En conséquence, le 31 mars 2015, par l’entreprise du curateur, Maître Tony Bellavia, la faillite a été annoncée. Un drame pour la Ville, pour les joueurs professionnels, qui ont tous reçu leur C4 mais plus encore pour les jeunes et leur famille ainsi que pour les supporters.

RENTABILISER LE TONDREAU

Après avoir digéré le brûlant du saké, les autorités communales ont entamé un tour d’horizon des clubs des environs, comme l’explique Pascal Lafosse, l’échevin des Sports montois :  » Quand la faillite a été annoncée, cela a été un énorme choc pour tous les membres du Collège tout comme pour chaque Montois « , se souvient-il.  » La Ville s’était investie en temps et en argent pour mettre le stade en conformité et l’entretenir, et elle ne pouvait pas se retrouver orpheline du jour au lendemain. Nous avons alors sondé les clubs de la région pour leur proposer de plancher sur un projet commun mais tous, sauf un, se sont rétractés. A Genly-Quévy, il y avait une volonté de penser à long terme et les dirigeants étaient intéressés par un déménagement parce qu’ils étaient coincés dans leur développement. Nous avons alors trouvé une solution qui agréait tout le monde.  »

Cette solution, c’est notamment la mise à disposition du stade Tondreau au club, qui en assure la gestion et qui a également repris sous son aile l’école des jeunes de l’Albert. Le club ne reçoit aucun subside de la ville mais celle-ci octroie une enveloppe budgétaire à la Régie Communale Autonome, propriétaire des infrastructures, qui a pour mission de régler le business-plan. A court terme, cette grande enceinte seulement garnie de quelques centaines de spectateurs lors des matchs, et de quasiment deux mille lors des affiches, ne devra plus coûter d’argent mais au contraire, en rapporter. Cette lourde charge quotidienne incombe notamment à Benoît Garnier, le directeur général.

 » Et nous sommes en bonne voie pour y parvenir « , explique-t-il.  » Nous trouvons des solutions pour que le stade soit accessible à d’autres clubs de la région mais pas seulement. Des salles de réunion sont disponibles pour diverses écoles ou pour des séminaires, de même que les business seats. Une salle de rééducation est également accessible pour les patients de l’Hôpital Ambroise Paré voisin. Les infrastructures ici sont magnifiques et sans égal pour un club de notre niveau. Le club de water-polo ainsi que celui de football américain sont présent une ou plusieurs fois par semaine. Nous devons être ambitieux tout en gardant la tête bien sur les épaules. Depuis le premier jour, notre discours est clair et il demeure inchangé : nous voulons nous appuyer sur la formation ainsi que la post-formation.  »

MISER SUR LES JEUNES

Ce soir-là, la rencontre de championnat s’achève sur un partage au terme d’un match emprunté (1-1). Pas de quoi faire se lever la foule et insuffisant au goût de Christ Bruno. Professionnel pendant plus de dix ans au FC Brussels et à l’Union Saint-Gilloise notamment, le citoyen de Bougnies ne veut rien laisser au hasard. Il suit actuellement le cursus pour l’obtention du diplôme UEFA B en tant qu’entraîneur, dans la même  » classe  » que Nicolas Frutos ou Copa Boubacar, et il attend de ses joueurs un investissement sans réserve et mise quasi exclusivement sur la jeunesse. Ce n’est pas qu’une question financière, c’est aussi un leitmotiv.

 » Quand j’ai embarqué dans le projet à Quévy, Mons était encore en D1 « , se remémore Christ.  » L’idée, c’était que les meilleurs jeunes des bons clubs formateurs de la région, qui ne recevaient pas leur chance en séries nationales, nous rejoignent. Nous avions ainsi récupéré des espoirs de Mons, des Francs Borains et j’en passe. Pendant des années, le petit club que nous avions s’est structuré en toute quiétude, notamment grâce à l’apport et au soutien de Hubert Ewbank, le président, qui est un businessman de la région. Quand Mons a déposé le bilan, beaucoup de choses se disaient. On parlait d’une reprise par les Francs Borains et puis un jour, Benoît Garnier m’a dit que tout était réglé et qu’on déménageait à Mons et j’ai tout de suite su que pour pérenniser notre projet et nous développer plus encore, c’était la meilleure chose possible. Aujourd’hui, nous avons presque tout d’un club professionnel mais nous sommes en D3 Amateurs avec une moyenne d’âge qui en étonnerait plus d’un.  »

Dans l’effectif, il y a tout de même deux joueurs qui  » plombent  » cette moyenne d’âge quasi juvénile : Gilles Wuillot et Hocine Chebaïki. Les amateurs de football se souviennent sans aucun doute de ce joueur qui a évolué plusieurs saisons au plus haut niveau sous la vareuse montoise et qui incarne la mentalité des natifs de la cité du Doudou. Et lors de la rencontre que nous avons suivie, à quelques jours de ses 40 ans, il était encore l’élément le plus précieux sur le terrain.

 » Ce qu’il reste du RAEC Mons ? Pas grand-chose, il faut le reconnaître. Même si les installations n’ont pas changé. Mais il faut aussi remettre l’église au milieu du village, l’Albert des dernières années n’avait plus rien à voir avec celui que j’avais connu au temps des Gorniak, Mercier and co. Nous étions montés de D3 en D1 parce que nous avions des valeurs et une bonne mentalité mais par la suite, c’est devenu une usine. Plus aucun jeune ne recevait sa chance et cette volonté de transmettre le témoin à la nouvelle génération, c’est le point fort du projet « , glisse Chebaïki.  » L’Albert Quévy Mons, c’est une entité familiale où l’on se sent bien. Et je veux que les Montois sachent que si personne n’a pu sauver le matricule 44 parce que les dettes étaient trop élevées, nous sommes par contre en mesure de leur rendre un club sain, intéressant et qui représente leur ville. Je cite souvent Cantona qui disait : ‘Dans la vie, on peut changer de femme, de job et de religion, mais pas de club de foot ! ‘ Je suis certain que quand les anciens supporters montois, qui n’ont plus mis un pied au stade depuis 18 mois, reviendront par curiosité, ils apprécieront de voir des mecs du coin se battre pour leur blason. Et si l’on utilise souvent les arguments de la jeunesse ou des racines à mauvais escient, je peux vous dire que ce n’est pas le cas chez nous. Ici, neuf ou dix mecs alignés chaque week-end par le coach sont originaires du coin. Tout est dit.  »

AFFECTION, CONVICTION ET ENVIE DE JOUER

Dans le staff sportif de Christ Bruno, on retrouve également Jonathan Walasiak. L’ancien international a joué quelques saisons à Mons avant d’être répéré par le Standard avec la suite que l’on connaît. Depuis quelques mois, le voilà aussi de retour au bercail et même s’il n’a que 34 ans, il doit aussi apporter son expérience du haut niveau aux plus jeunes. A Danny Bastaens par exemple. Agé de 24 ans, il incarne à la perfection le projet du club et a un rôle à jouer puisqu’il a reçu le brassard de capitaine.

 » J’ai joué à Mons jusqu’en Espoirs et j’en étais d’ailleurs le capitaine puis je suis parti à Quévy parce que j’avais le sentiment que mon avenir au club était bouché. Et voilà que quelques mois plus tard, j’étais de retour au Tondreau. La vie a parfois des parcours surprenants « , sourit le médian.  » Mais je préfère 100 fois mon passage actuel au club qu’à toutes les saisons que j’ai passées à l’Albert par le passé. A Mons, les jeunes étaient écartés alors qu’à Quévy, on mise tout sur eux. Et notre équipe de D3 est doublée par une autre de P2 qui ne sert qu’à donner du métier à de très jeunes joueurs. L’évolution du club a déjà été magnifique en l’espace de deux ans mais je sais que ce n’est pas fini. Nous avons perdu contre Rebecq et le RWDM qui sont les deux grosses écuries de la série, mais chaque fois d’un but et sans jamais être inférieurs. Le tout alors que le budget du club est moindre par rapport à eux. On ne vient pas à Quévy Mons pour l’argent, mais par affection, conviction et envie de jouer « , conclut Bastaens, qui conjugue ses quatre entraînements par semaine avec une activité de carreleur.

Mais le projet de l’Albert Quévy Mons, ce n’est pas uniquement l’équipe première. Aujourd’hui, 450 jeunes enfants et adolescents en portent le maillot et lors de chaque rencontre disputée à domicile, des repas sont servis dans les business seats. Une petite centaine contre le Léopold, parfois davantage.

 » Pour la ville de Mons, à qui le stade Tondreau avait tout de même coûté une somme avoisinant les 22 millions ?, ce serait magnifique que le club puisse grimper les échelons petit à petit et remonter à un niveau encore plus valorisant. Toutes les conditions sont réunies pour cela « , reprend Pascal Lafosse, l’Echevin des sports.  » Mais cela ne se fera pas au détriment de la bonne santé du club. J’ai confiance en ses dirigeants et je sais que si un jour, ils investissent davantage dans l’équipe première, c’est qu’ils auront les garanties pour le faire. Le club-phare de la région, c’est Mons Hainaut en basket mais le foot a toujours été tellement important pour nos concitoyens que je suis convaincu qu’il ne manque pas grand-chose pour les persuader de revenir au stade. Moi-même j’y vais quand je peux, et je dois dire que je suis séduit par la chaleur humaine.  »

Nommée capitale européenne de la culture en 2015, Mons recèle de nombreux trésors cachés même si ces dernières semaines, c’est surtout par le biais des cours d’assises qui s’y sont tenues, celle de Bernard Wesphael entre autres, que la ville a fait parler d’elle. Ses 100.000 habitants rêvent d’un retour au plus haut niveau et que le ballon de foot tutoie celui de basket. Au confluent de la Haine et de la Trouille, tout est aussi une histoire de passion.

PAR DAVID DUPONT – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Notre volonté est de rallier la D1 Amateurs mais le club doit rester sain et convivial, tout en gardant son identité propre.  » – CHRIST BRUNO

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