» L’agent d’Ibra et de Balotelli m’a dit FONCE à l’Union belge « 

Espoirs belges, Diables, Squadra, formation, beau foot, Jeux olympiques : le nouveau salarié de haut vol de la fédé et son actu bouillante.

Minitrip en Ecosse au programme de Johan Walem (40 ans) pour ses débuts à la tête des Espoirs. Victoire le mardi en amical (0-1) et scouting de l’équipe écossaise A (adversaire des Diables sur la route de la Coupe du Monde) le lendemain. A peine atterri, il fait un crochet par la Fédération et un bref compte rendu à Marc Wilmots. Ensuite, il fonce vers le centre national de Tubize, discute en vitesse le coup avec Benoît Thans puis s’installe pour commenter son nouveau truc. L’Italie, son Frioul, c’était hier…

Tu étais en pleine ascension à l’Udinese, on t’y confiait de plus en plus de responsabilités. Comment as-tu réagi quand l’Union belge t’a contacté pour reprendre les Espoirs ?

Johan Walem : Je ne m’y attendais absolument pas. En janvier, deux clubs belges de D1 m’avaient approché mais je n’avais pas donné suite parce que je me plaisais vraiment à Udine. On m’y laissait appliquer mes idées, j’étais occupé à rendre un fil conducteur à l’école des jeunes, ça se passait super bien.

Mais tu n’as pas hésité longtemps quand la Fédération t’a appelé !

Thans m’a expliqué ce qu’il voulait faire. Ma décision a été vite prise. Quand ton équipe nationale te rappelle, tu ne peux pas te poser de questions. Tu ne travailles plus au niveau national, tu passes à l’échelle internationale. Après quatre saisons en club, à Anderlecht puis Udine, on me proposait d’élargir mon horizon. J’ai déjà compris la différence. En Ecosse, c’était un niveau supérieur, j’ai vu plein de joueurs qui avaient beaucoup de qualités. Maintenant, je veux voir si mon discours pourra passer à ce niveau-là. Je suis curieux.

Tu veux te tester ?

Je veux faire un pas en avant. Hériter des Espoirs nationaux, dans un parcours d’entraîneur, c’est génial.

L’Udinese n’a pas essayé de te retenir ?

Dès le premier contact avec l’Union belge, j’ai appelé le président. Là-bas, j’ai toujours traité en direct avec lui. Nous nous connaissons depuis près de 15 ans. Je lui ai demandé un rendez-vous en urgence. Quand je lui ai parlé de l’équipe nationale, il a été catégorique : -Ça ne se refuse pas, vas-y. En dix, douze minutes, tout était réglé. Il était quand même déçu. Nous avions un projet sur quatre ans, je suis parti après deux saisons. Quand nous nous sommes quittés, il m’a dit : -Bonne chance, on retravaillera peut-être un jour ensemble, et entre-temps, n’hésite pas à m’envoyer les meilleurs jeunes belges… Mon homme de confiance m’a dit la même chose : c’est Mino Raiola, l’agent de Zlatan Ibrahimovic et Mario Balotelli notamment. Il a été clair : – Fais ta valise et pars demain.

 » En Italie, on ne joue pas pour former, on joue pour gagner « 

C’était quoi ton projet là-bas, dans les grandes lignes ?

Une méthode qui n’était pas facile à gérer pour tout le monde… J’imposais une façon de travailler plus nordique, je voulais plus de discipline, plus d’organisation. Les Italiens n’aiment pas trop ça ! Je peux te dire que je n’avais pas tout le monde avec moi. Il y avait même certains dirigeants qui ne me suivaient pas. Mais ce n’était pas un problème puisque mon principal relais était le grand patron du club.

Tu as un lien très fort avec Philippe Collin : il a dû jouer un rôle dans ton rapatriement ?

Bien sûr. Très vite, il a voulu me rencontrer. Je trouve ça important. J’ai le soutien total de Thans et de Philippe Collin, deux des personnes les plus importantes de la Fédération. Georges Leekens et Marc Wilmots m’ont aussi contacté. Je sens qu’on est vraiment derrière moi. Je dois laisser un boulot qui me plait énormément et un cadre de vie, mais cette occasion, je ne pouvais pas la laisser passer.

Tu aurais eu le poste si tu n’avais pas travaillé à Anderlecht ?

Je pense que ça a joué. On a retenu ce que j’ai fait là-bas, même si je voulais aller trop vite dans certaines choses. En Italie aussi, d’ailleurs.

Tu avais quel genre de relation avec Wilmots quand vous étiez joueurs ?

On nous a souvent mis en concurrence chez les Diables parce que nous étions censés jouer à la même place. Jusqu’à l’arrivée de Robert Waseige, qui a su nous faire cohabiter. Wilmots occupait un rôle plus offensif, il compensait mes lacunes physiques. Moi, dans son dos, à côté de Timmy Simons ou Yves Vanderhaeghe la plupart du temps, j’apportais une touche plus technique. Dès que nous nous sommes retrouvés ensemble dans l’équipe, notre relation s’est améliorée. Tu sais comment il est : très direct. Je préfère ça.

Tu as appris en Italie des choses bien précises qui vont te servir ici ?

Quand tu passes deux ans là-bas, tu rencontres des méthodes de travail très différentes. Un coaching fort différent. Là-bas, on ne joue pas pour former : on joue pour gagner ! Mais il y a des personnalités qui veulent faire bouger les choses. J’ai été appelé cinq ou six fois au quartier général de la Fédération, à Coverciano. J’ai discuté avec Arrigo Sacchi, avec Demetrio Albertini, ils m’ont expliqué comment ils voulaient mettre en place une vraie politique de formation dans un pays où le foot a longtemps été plutôt cynique, même au niveau des équipes d’âge. La saison passée, j’ai été félicité par Andrea Stramaccioni, qui entraînait l’U21 de l’Inter et a repris l’équipe A entre-temps. Il avait plein d’étrangers de haut niveau, moi j’étais avec mes joueurs de la région d’Udine. Mais il était sous le charme de notre jeu offensif, spectaculaire. Il n’empêche qu’après une demi-heure, c’était 3-0 pour eux… (Il rigole). Au match retour, nous avons pris un point sur leur terrain, ça voulait tout dire sur notre progression. Alors que les coaches de jeunes ne pensent qu’à gagner, moi, je veux produire quelque chose. J’ai un discours assez différent de la majorité.

 » J’ai un discours assez différent de la majorité « 

Aujourd’hui, même l’équipe nationale veut faire du jeu.

Parce qu’elle a un entraîneur qui a cette philosophie. Cesare Prandelli applique les nouveaux grands principes de la Fédération. Le footballeur italien est très, très bon. Si tu l’obliges à jouer, il saura le faire. Défendre, partir en contre-attaque, faire le service minimum, c’est terminé avec la Squadra. Elle veut imposer son football et vient de jouer son match amical contre les Etats-Unis avec un nombre impressionnant de jeunes. Il était grand temps d’essayer autre chose. Et l’EURO a prouvé que ça peut marcher, que l’Italie est capable de faire des résultats en produisant du foot. Avoue que c’est malheureux de ne pas être audacieux quand tu as des talents comme Andrea Pirlo, Antonio Cassano, Mario Balotelli. Tous des joueurs exceptionnels. Et Daniele De Rossi… personne n’en parle mais il passe à travers tout.

Le parcours de l’Italie à l’EURO t’a étonné ?

Pas du tout. Parce que les Italiens sont toujours plus forts dans la difficulté.

C’est quand même réducteur de dire qu’il leur faut un scandale de matches truqués pour aller loin dans le tournoi qui suit…

Bah… ça soude un groupe. Et pour faire un bon tournoi, il faut un collectif très fort. Le dernier scandale a joué dans les têtes, j’en suis sûr. Ils ont formé un bloc, il y avait un esprit de revanche par rapport à tout ce qu’on a raconté. N’oublie pas que l’Italien est fier, orgueilleux. Quand ça va mal, il ne veut pas se laisser abattre, il réagit. La Squadra peut même faire mieux : elle a perdu la finale seulement parce que les joueurs étaient épuisés alors que les Espagnols étaient encore frais.

Qu’est-ce que tu retiens du premier match de tes Espoirs ?

J’étais très curieux, je ne connais pas bien les joueurs. La sélection n’a pas été facile à faire parce qu’il y avait un match de -20 au même moment. Pas évident vu que nous avons décidé de changer de génération. De l’équipe en place, je ne garde que trois ou quatre joueurs plus âgés, des années 90 et 91. Comme Thomas Meunier et Dedryck Boyata, qui sont dans la liste élargie de Wilmots. Tous les autres sont plus jeunes. Volontairement, on mise sur les 92, 93, voire 94. Cela veut dire qu’il y aura beaucoup de matches difficiles parce que mes joueurs vont affronter des gars qui ont deux ou trois ans de plus. Et deux ou trois ans à cet âge-là, ça fait une différence énorme. Une différence au niveau de l’expérience internationale notamment. Et ces adversaires plus âgés jouent pratiquement tous dans l’équipe A de leur club, au contraire de mes joueurs. Mais ils ne m’ont pas déçu. Ils gagnent contre des Ecossais qui sont deuxièmes de leur groupe. La Belgique n’ira pas à l’EURO 2013 : c’est frustrant quand je vois les qualités qu’on a.

Sacrifier une génération pour mieux préparer Rio

En clair, tu sacrifies la génération 90-91 !

Il faut dire les choses comme elles sont : ces joueurs-là ont échoué puisqu’ils n’iront pas à l’EURO. Il faut travailler dès maintenant pour le futur, en vue du Championnat d’Europe suivant, dans l’optique des Jeux olympiques de Rio. Le JO, c’est ça le grand défi pour cette génération. Pékin, c’était génial, c’est de ça qu’il faut s’inspirer, ça doit être la carotte. On va tout faire pour progresser très vite. Le choix du calendrier sera important. Si je peux choisir, je préfère jouer des pays comme la France ou l’Allemagne en matches amicaux. Des équipes soi-disant hors de portée pour nous. J’ai demandé à ce qu’on nous inscrive au tournoi de Toulon en fin de saison : c’est réglé. C’est dans des rendez-vous pareils qu’on met les gars en face de leurs responsabilités. On me dit : -Oui mais la Belgique n’est plus allée à Toulon depuis x années. Et alors ? J’en ai fait une priorité. Et en mai, on reçoit les Français de 93, qualifiés pour le championnat du monde : du très solide.

Vu la faible moyenne d’âge de l’équipe A, ce ne sera pas évident pour les Espoirs d’aujourd’hui d’y arriver un jour.

C’est clair que c’est déjà fort bouché au-dessus.

Quand tu vois les matches du championnat de Belgique, tu ne te dis pas que c’est malheureux d’aller chercher des joueurs aux quatre coins du monde pour n’arriver qu’à un niveau pareil ? On a ce qu’il faut chez nous, non ?

Je suis bien d’accord. Des bons jeunes, il y en a ici. Mais on ne les fait pas jouer. On préfère se servir ailleurs, comme si on avait alors plus de gages de sécurité. C’est d’ailleurs la même chose avec les entraîneurs, non ? On fait confiance à un Glen De Boeck, à un Bob Peeters, à un autre de temps en temps, mais c’est si rare. C’est toute la politique des clubs qu’il faut repenser. Et il faut donner une chance à des coaches qui osent lancer des jeunes. Il y en a qui le font. Quand je vois chaque semaine Hannes Van der Bruggen dans l’équipe de Gand, je trouve que c’est génial. Idem avec Alpaslan Öztürk au Beerschot. Avec Wannes Van Tricht à Malines. Ils connaîtront un creux mais c’est logique. En attendant, ils prennent plein d’expérience. Entre un jeune qui a deux matches de D1 dans les jambes et un autre qui en a une quinzaine, on voit vite la différence.

 » On a battu les Hollandais ? Et alors ? Ils ont fait quoi à l’EURO ? « 

Entraîner les Espoirs chez nous, ce n’est pas le chemin le plus direct vers un grand club ! Après les JO de Pékin, on ne s’est pas arraché Jean-François de Sart, par exemple. En France, Raymond Domenech a été appelé chez les Bleus parce qu’il avait fait du bon boulot avec les Bleuets… Ici, on ne parle des Espoirs qu’au moment de l’EURO et des Jeux.

Oui, il y a beaucoup de choses à améliorer pour que cette équipe soit plus médiatisée, mieux connue du public. Cela passera par la qualité du jeu et les résultats. Je constate qu’à l’étranger, la situation est différente. On considère que l’équipe des Espoirs est une étape hyper importante dans la vie d’un footballeur. En Italie, leurs matches sont retransmis à la télé. En Ecosse, nous avons joué devant 2.000 personnes alors que c’était un amical. Et quand la Belgique est allée en Angleterre en fin de saison passée, il y avait un monde fou.

Comment tu as trouvé l’équipe écossaise A contre l’Australie ?

Elle ne m’a pas vraiment impressionné. Par rapport à la Croatie que j’ai vue à l’EURO, on ne parle pas de la même chose. L’Ecosse est sympa à voir, ça joue par moments, c’est du foot britannique, mais ce n’est pas exceptionnel. Ça manque d’engagement, le coach a fait plein de changements, les Australiens n’étaient nulle part, ce n’était vraiment pas un match intense. Sur ce que j’ai vu là-bas, les Belges sont largement capables de terminer devant les Ecossais.

Et devant les Croates ?

Il y a un élément qui pourrait jouer pour nous : les joueurs s’identifiaient terriblement à leur coach, c’était frappant. C’était un lien très fort entre le terrain et le banc. Slaven Bilic n’est plus là, c’est peut-être une bonne chose pour les Belges.

Wilmots a un peu cassé l’ambiance après la victoire contre les Pays-Bas : il a vu beaucoup de choses qui n’avaient pas marché…

C’est bien, il garde tout le monde en éveil !

On a quand même battu les Hollandais…

Oui mais ils ont fait quoi à l’EURO, tes Hollandais ? (Il rigole).

PAR PIERRE DANVOYE

 » J’imposais des méthodes plus nordiques à l’Udinese. Les Italiens n’aiment pas ça. « 

 » J’avais tout le monde derrière moi : Thans, Collin, Leekens, Wilmots. « 

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