L’âge de bière

Le nom de notre championnat de D1 n’est pas très sérieux et fait d’ailleurs souvent marrer… Mais dans notre monde ultra sponsorisé, la bière et le ballon rond ont plus souvent qu’à leur tour l’occasion de trinquer. Zoom sur l’histoire d’amour entre le foot belge et le houblon populaire.

Alors que la fédération internationale est obligée, afin de contenter son partenaire Budweiser, d’exiger la vente de bière dans les stades du Mondial 2014 au Brésil (pays où l’alcool est interdit dans les enceintes sportives depuis 2003 pour lutter contre la violence entre supporters), le championnat belge s’appelle la Jupiler Pro League. Jupiler, les hommes savent pourquoi. Et le trésorier de la Pro League aussi. En trois ans, de 2011 à 2014, le contrat de sponsoring (il court jusque 2016) signé avec la célèbre marque de bière au taureau dansant fait tout de même tomber de manière échelonnée 9,75 millions d’euros dans ses caisses. Santé.

 » La ligue professionnelle de Football a changé de nom en 2008 afin de marquer ses premiers pas vers la professionnalisation. Jupiler et Pro League sont des partenaires depuis 1991. La dénomination de notre compétition est donc devenue la Jupiler Pro League « , explique, comme on résout une charade, Ludwig Sneyers, directeur général de la Ligue pro… Et de noyer le poisson dans le houblon :  » Il était clair dès le début que les valeurs qui nous tiennent à c£ur, comme la sportivité, le fair-play, l’amitié, sont aussi les valeurs de Jupiler.  »

Même son de cloche promo du côté de la pils…  » Il y a une interaction évidente entre notre marque et les supporters de foot. Ce qui nous permet de partager des expériences et d’entrer en interaction avec les consommateurs « , avance Jean-Jacques Velkeniers, son directeur marketing (et celui de Stella Artois). Le football est pour Jupiler une plate-forme de communication idéale pour entrer en contact avec un large public qui partage les mêmes valeurs d’amitié et de plaisir que nous. La passion, les moments importants de la vie avec des amis…  »

Un mariage d’amour et de raison

Cela fait un bail que Jupiler se positionne à travers ses slogans et sports publicitaires comme une bière d’hommes. La Jup a désormais aussi l’image de bière du sport. A tout le moins de bière du foot, même si dans ses pubs, des mecs escaladent des falaises, grimpent des montagnes en vtt et font du kayak dans les rapides pour se jeter une canette. A sport populaire, breuvage populaire.

 » Depuis des décennies, Jupiler est la bière préférée dans son pays d’origine. Un consommateur de bière sur trois préfère Jupiler « , vend Velkeniers.  » De son côté, le football est le sport favori en Belgique. Nous savons que des centaines de milliers de personnes jouent un rôle actif ou passif dans le foot. Au-delà de la compétition en première et en deuxième division, il y a des centaines de milliers de joueurs de football amateurs et de supporters. Et que ce soit dans le stade, à la cafétéria ou autour de la télé à la maison, les gens se rassemblent pour profiter du football et le célébrer. Un verre de Jupiler convient parfaitement à ces moments. « 

Oui. Enfin, comme un Ricard, un mojito, un coca, un café ou un coup de pinard… En attendant, Jupiler est aujourd’hui une valeur sûre du football belge. Un mariage fait à la fois d’amour et de raison.  » Jupiler est devenu sponsor en apposant son nom sur les divers supports qu’on lui propose (panneaux, spots TV et radio) pour se faire de la publicité et gagner en visibilité et nous, nous avons trouvé un moyen de développer nos ressources et de poursuivre la professionnalisation du football belge « , résume Sneyers.

Sneyers parle promotion, amélioration des structures d’encadrement, accompagnement du footballeur rémunéré, gestion (de manière optimale) des stades (pas seulement un espace où se jouent les matches), compétitivité des clubs, professionnalisation des centres de formation, et travail sociétal…  » Nous sommes deux partenaires qui nous développons conjointement grâce à l’évolution du football professionnel belge et à la sophistication des techniques de sponsoring. A l’heure actuelle, nous pouvons toujours mettre à disposition un ensemble de techniques, outils et dispositifs qui permettent à Jupiler de valoriser son engagement dans le foot belge. « 

Pas de Kronenbourg League

Depuis le début des années 90, le sponsoring sportif ne cesse de se développer.  » C’est la grande évolution des 20 dernières années : le sport est devenu un terrain d’expression privilégié pour les entreprises qui y investissent « , reprend Sneyers.

Ce n’est pas un hasard si Budweiser sponsorise la Coupe du Monde et si le Fenixstadion, le stade de Genk, a été rebaptisé la Cristal Arena. Des brasseurs sponsorisent d’ailleurs quelques compétitions voisines. Le championnat de D1 portugais s’appelle la Liga Zon Sagres (en D2, c’est la Liga Orangina…) du nom de la bière aujourd’hui contrôlée par Heineken. Et Jupiler, aux côtés des Diables Rouges depuis 25 ans, soutient aussi la D2 hollandaise. Il a par ailleurs pris la décision stratégique d’étendre sa plate-forme foot. Notamment en collaborant avec l’Ajax Amsterdam.

La Kronenbourg League, c’est par contre pas demain la veille. En France, la loi Evin du 10 janvier 1991 a constitué un grand tournant dans la politique de lutte contre les dépendances (tabagisme et alcoolisme). De toute façon, dès 1987 déjà, la publicité de ce type était interdite dans les journaux pour enfants, à la télévision et sur les stands et terrains de sport. C’est ce qui explique notamment que lors des coupes européennes, il faut nettoyer son maillot des sponsors alcoolisés avant de monter sur la pelouse d’un adversaire hexagonal.

Une banque pour l’élite du football anglais : la Barclays Premier League. Une compagnie d’assurance pour notre championnat national de basket : l’Ethias League… Jupiler fait quand même un peu sponsor de poivrots. En 2006, le Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs (CRIOC) intitulait  » Les Publicitaires savent pourquoi  » sa brochure sur les jeunes cibles des pubs pour l’alcool.

 » Nommer une compétition la Jupiler League, c’est associer l’alcool à la performance physique et sportive. Ce qui est un peu douteux mais apparemment devenu incontournable « , note Peter Beda, porte-parole du CRIOC.  » Il faut surtout faire attention à la vulgarisation. Pour nous, tout ce qui touche à l’alcool est surtout préoccupant pour les jeunes. Il faut donc sensibiliser les enfants, mener des actions de prévention…  »

 » Nous sommes convaincus que le foot et Jupiler forment une combinaison idéale « , se défend Velkeniers.  » En ce qui nous concerne, un verre de bière est tout à fait à sa place dans ce contexte. Boire une bière en bonne compagnie fait partie inhérente de notre culture et favorise la cohésion sociale. Mais nous trouvons important que les gens apprécient notre bière avec modération comme le font la majorité de nos consommateurs. Avec la Fédération des Brasseurs belges, nous ne le répétons jamais assez. Une bière brassée avec savoir, se déguste avec sagesse. Nous voulons que nos consommateurs en profitent à bon escient et avec modération. « 

Bus-coaching et formation pour barmen

A cet effet, Jupiler soutient un certain nombre d’initiatives qui encouragent la consommation responsable d’alcool : la campagne Bob et Respect16, qui lutte contre la vente de bière en dessous de l’âge légal. Il s’est aussi uni à la Pro League autour du programme Pro Supporter. Ce programme veut encourager l’ambiance positive autour des matches et dans les stades et renforcer les liens avec le public. 11 slogans sont lancés et plusieurs actions sont établies en dialogue avec les clubs et les fédérations de supporters. Le troisième de ces commandements :  » Un pro intelligent boit avec sagesse. Il choisit le bus des supporters, un Bob ou appelle un taxi. « 

 » Le personnel de bar recevra une formation afin d’agir de manière adéquate dans les situations potentiellement difficiles « , précise Sneyers.  » Le projet veut également renforcer l’initiative du bus-coaching. Les bus-coaches sont des représentants de supporters qui assurent la liaison entre les supporters visiteurs et les services de sécurité. En même temps, ils veillent à ce que la consommation des boissons alcoolisées dans les bus n’excède pas le niveau qui puisse causer des difficultés. « 

Parce que les trajets en déplacement, c’est quand même un peu le roi des bleus en autocar… Parfois par véhicule interposé.  » Combien de bacs aujourd’hui ? 13 ? Perdu, on en a vidé 15… « 

Un auto-but pour deux bacs

Faut pas se voiler la face. Foot et bière ont toujours été et iront toujours de pair. Que ce soit pour célébrer la victoire ou noyer son chagrin. Elle fait même chez nous l’objet de corruption. Ainsi, en avril 2011, un défenseur d’Orsmaal en Réserve de 2e Provinciale Brabant a marqué contre son camp pour offrir le titre à son adversaire, Linden, en échange de deux bacs. Les clubs auraient même avoué les faits auprès de l’Union belge !

Non, ce qui est ennuyeux en fait dans cette histoire d’amour entre la bière et le ballon rond, façon  » Je t’aime moi non plus « , c’est son incohérence.

Aucune vente ou distribution publique d’alcool n’est autorisée à l’intérieur du stade et sur les terrains environnants qui appartiennent au stade pendant les matches de l’UEFA, Ligue des Champions et Europa League comprises. Et quoi ? On carbure à la NA ?

 » Je ne me suis jamais vraiment posé la question « , avoue un supporter du Standard pourtant du genre festif.  » Je sais qu’elle est plus dégueulasse qu’ailleurs. Mais comme on ne peut pas boire dans les tribunes, on s’en jette juste une ou deux à la mi-temps. Et comme on est déjà un peu anesthésié par ce qu’on s’est enfilé dans les cafés proches… « 

PAR JULIEN BROQUET

Jupiler fait quand même un peu sponsor de poivrots.

 » Combien de bacs aujourd’hui ? 13 ? Perdu, on en a vidé 15… « 

Commandement :  » Un pro intelligent boit avec sagesse. Il choisit le bus des supporters, un Bob ou appelle un taxi « .

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