« L’AfSud est un must »

Quatorze mois après son licenciement d’Anderlecht et neuf mois après sa nomination au poste de sélectionneur adjoint, Frankie Vercauteren est de nouveau heureux.

Quel souvenir conservez-vous de votre limogeage d’Anderlecht le 12 novembre 2007 ?

Frankie Vercauteren : Je ne pensais pas me trouver à Anderlecht ce jour-là. Nous avions congé mais la femme de ménage s’affairait. Où que je m’asseyais, l’aspirateur passait… Je suis donc parti au stade et là, on m’a demandé de me présenter chez le président. J’ai immédiatement compris et je suis descendu vider mon bureau.

Plus d’un an après les faits, pouvez-vous enfin révéler pourquoi la rupture a été aussi brutale ?

Non, je ne peux rien dire à ce propos. Quoi qu’en disent certains, je n’ai jamais choisi de ne pas occuper le poste dont on parlait tant, celui de directeur technique d’Anderlecht. Je n’en dirai pas davantage. Le chapitre anderlechtois est clos. Je n’aime pas vivre dans le passé. Je sais que j’ai représenté quelque chose comme joueur et entraîneur, je chéris ce passé mais je ne veux pas qu’on me le rappelle sans cesse…

Pourquoi êtes-vous devenu entraîneur adjoint de l’équipe nationale ?

Je voulais un poste que je puisse combiner avec mes priorités. Le fait de ne plus être T1 du Sporting m’a permis de prendre du recul et de redécouvrir des valeurs que j’avais oubliées trop longtemps. Un entraîneur principal n’a pas de vie et sa famille non plus. Maintenant, je peux à nouveau faire ce qui me plaît. Mon poste actuel me plaît. Je ne regrette pas le terrain. Je suis content quand j’y suis mais je n’en pas besoin tous les jours. Ne me faites pas dire que je ne veux plus être entraîneur en chef non plus…

Ce travail-ci répond-il à vos attentes ?

Oui mais j’étais prévenu. J’ai beaucoup discuté avec mon prédécesseur, Stéphane Demol ! Ayant glané énormément de renseignements, je ne pouvais pas être surpris. A Anderlecht, quand quelque chose ne tournait pas comme je le souhaitais, je me fixais dessus et cela me coûtait beaucoup d’énergie. Ce n’est plus le cas : quand quelque chose ne tourne pas comme je le veux à l’UB, je n’engage même pas la discussion. Je m’amuse. Je savoure le fait d’avoir plus de temps que quand j’entraînais un club. Nous ne disputons que des grands matches car jamais nous ne pouvons nous permettre le moindre faux-pas. Je ne peux pas former l’équipe au quotidien mais je ne suis pas non plus confronté à des problèmes journaliers avec les joueurs et la direction.

Vous devez visionner des joueurs. Vous vous retrouvez donc fréquemment à Anderlecht ?

Ce n’est pas nécessaire. Je peux voir les joueurs en déplacement et, en plus, je les connais sous toutes leurs coutures. Quelques-uns entrent en ligne de compte pour l’équipe nationale : Jonathan Legear peut-être, mais il ne joue pas assez. Et puis Olivier Deschacht et Jelle Van Damme. Je connais moins bien Guillaume Gillet, même si j’ai fait sa connaissance en équipe nationale. Il n’est pas nécessaire de visionner les valeurs sûres. Il est intéressant de savoir si Vincent Kompany joue bien ou mal à un moment donné, mais je ne pense pas qu’on le boudera s’il n’est pas en superforme avec Man City !

Anderlecht m’a déjà invité, même en business-seats, de même que pour le livre ou l’émission TV sur les 100 ans d’Anderlecht, mais j’ai refusé. Je suis revenu une fois, pour la présentation du bouquin d’Erwin Vandenbergh. Il m’avait téléphoné et j’avais accepté. A la réception de l’invitation, j’ai découvert que la présentation se passait au Sporting. Problème ! Mais j’avais donné ma parole et je l’ai respectée…

Qualité = résultat

Le football belge de club peut-il encore vous passionner ?

(Il détourne la conversation) J’ai vu le Standard en coupe d’Europe contre Séville, Liverpool, Everton. Mais j’aime voir un match comme AZ-PSV ou des rencontres en France, car c’est le niveau auquel nous sommes confrontés. Je m’intéresse plus aux footballeurs qu’aux matches, en fait.

Vous avez fait plus ample connaissance avec les talents de votre ancien concurrent liégeois comme Steven Defour, Axel Witsel et l’ex-Standardman Marouane Fellaini, mais aussi avec des Belges évoluant à l’étranger tels Jan Vertonghen, Thomas Vermaelen et Moussa Dembélé. Qu’est-ce que cela vous fait ?

C’est un enrichissement personnel. A Anderlecht, on travaille dans son cocon, sans savoir grand-chose du reste alors que chaque club est différent. La majorité de ces jeunes est encore avide d’apprendre, de progresser, et ouvert. C’est donc intéressant. Je m’adresse d’ailleurs plus volontiers à ces jeunes parce que, comme eux, je suis nouveau, et aussi parce que je pense qu’ils en ont besoin.

J’ai l’impression que vous vous entendez particulièrement bien avec Witsel. Est-ce exact ?

Je l’apprécie, oui. Il a un énorme potentiel et on peut communiquer en peu de mots. Il est à l’écoute des conseils et comprend tout très vite. Il constitue un modèle – sans être le seul – pour la nouvelle génération.

Vous avez la réputation de juger sévèrement les jeunes talents. Quelle est la valeur de ce groupe d’internationaux ?

Il est bon. La qualité d’une grande partie du noyau m’a surpris. Je pense qu’il n’a plus d’excuses. Les Espagnols ont également une très jeune équipe et on ne peut pas dire que Kompany, Defour et Witsel manquent d’expérience. Ce groupe doit maintenant prouver, par ses résultats, qu’il recèle des qualités. Convertir celles-ci en résultat, c’est ça, le talent. Ainsi, nous serons qualifiés pour le Mondial. Pour progresser, il faut viser haut. Le Mondial est le seul niveau qui peut faire progresser les joueurs, hormis le fait de jouer à l’étranger.

Defour et Witsel ont déclaré n’avoir plus rien à apprendre.

Je ne suis pas d’accord. L’année dernière, on leur a reproché de ne prester qu’en championnat, cette année en coupe d’Europe seulement. Ils doivent apprendre à répondre présent tous les trois jours.

Chance ou forme ?

Vous êtes arrivés et les Diables revivent ! Quel est votre secret ?

Une partie des critiques concernant René Vandereycken visait l’homme et était injuste. René a apporté beaucoup de choses qu’on ne voit pas ou qu’on refuse de voir. Il a formé une équipe avec des jeunes néophytes qui n’avaient pas les qualités ni l’expérience qu’ils ont désormais acquises. René travaille autrement que ses prédécesseurs mais on n’effectue pas ce genre de comparaisons. On se fixe sur les résultats, qui ont longtemps fait défaut. Ce n’est que maintenant qu’on peut se focaliser sur ces résultats.

Si le football développé n’a pas toujours été bon, je pense que c’est dû à un vide entre les générations. Nous n’avons pas eu assez de joueurs pour remplacer tous les départs qualitativement.

Même si Anthony Vanden Borre a été convaincant contre l’Espagne, l’arrière droit pose problème. N’aviez-vous pas une relation amour/haine avec lui ?

Une relation positive, sans haine, au contraire. Posez-lui la question. Un moment donné, je n’étais pas satisfait d’une série de choses. C’est tout. Anthony connaît des hauts et des bas. Son problème est qu’il doit confirmer. Je pense qu’il est à l’aise avec moi, même s’il éprouve une certaine crainte. Il en a besoin sous peine d’arriver deux jours de suite en retard à l’entraînement. L’Italie lui offre la structure et la discipline dont il a besoin mais le fait de ne pas y évoluer à l’arrière droit est un inconvénient. Il lui est difficile, dans ces conditions, d’être régulier.

Quelle a été la différence entre la Belgique et l’Espagne dans leur duel ?

Nous étions en meilleure forme et l’Espagne a eu plus de chance. Nos occasions ont été nettes mais nous aurions pu éviter ses buts. Les Espagnols nous ont sanctionnés. J’ai cependant constaté que certains joueurs n’ont pas commis la moindre faute, contre l’Espagne et la Turquie. Ils ont donc le niveau requis.

Il faut toujours placer la barre le plus haut possible et viser la première place. La réalité est différente : nous accusons cinq points de retard sur l’Espagne et devons encore y jouer. Nous ne sommes donc plus maîtres de notre sort. Il n’y a pas de must mais quand même, nous devons nous qualifier pour l’Afrique du Sud. Cette équipe en a besoin.

Avec Vandereycken et Vercauteren ?

Je l’espère vraiment. Pour moi, le Mondial est le summum, davantage que la Ligue des Champions… surtout quand on n’y prend pas de point. Un Mondial est un événement planétaire. Peu de stars en sont absentes et tous ceux qui, sur cette terre, shootent dans un ballon suivent l’événement. L’Argentine et le Brésil y participent, avec des footballeurs qu’on voit aussi en Ligue des Champions mais pas au sein de la même équipe… L’Argentine et le Brésil sont supérieurs aux meilleurs clubs !

Il faut avoir une certaine expérience pour juger une Coupe du Monde à sa valeur réelle. Il vous manque quelque chose si vous n’avez jamais été champion ou que vous n’avez jamais joué en Ligue des Champions mais j’ai gagné des titres, une Coupe, disputé cinq finales de coupes d’Europe, la demi-finale d’un Mondial. Je n’ai raté que la finale de l’EURO 1980. Je sais ce que tout cela représente et j’aimerais revivre un Mondial.

Ce poste d’adjoint constitue-t-il une étape vers un autre poste, peut-être celui de sélectionneur ?

Au départ, non. Mais il ne faut jamais dire jamais. Cela ne dépend pas que de moi. J’ai un contrat en trois temps : jusqu’en octobre 2009 si nous sommes éliminés, jusqu’en novembre si nous disputons les barrages et jusqu’en juillet si nous nous qualifions. J’ai également une clause de départ mais je ne passe pas mon temps à postuler ou téléphoner aux managers. D’ailleurs, après, peut-être travaillerai-je en dehors du foot…

Imaginons que les Diables se qualifient : que peuvent-ils espérer en Afrique du Sud ?

Un tournoi est toujours bizarre. De ce point de vue, c’est une bonne chose que tant de joueurs aient participé aux Jeux Olympiques. Ils savent comment un tournoi se déroule. Passer le premier tour reste le point de départ. Jamais on ne peut viser plus bas. Ensuite, tout dépend de ce que j’appelle la chance et la forme du jour. Je vous cite un exemple : si nous rejouons dix fois le match contre l’Union Soviétique en 1986, nous le perdons neuf fois…

par jan hauspie- photos: reporters

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