L’AfSud essuie les plâtres

On assiste à de gros retards de construction à la veille de la Coupe des Confédérations et, surtout, de la Coupe du Monde 2010.

L’Afrique du Sud devra être prête pour accueillir la Coupe du Monde en 2010 et, autant que nécessaire, la Coupe des Confédérations l’été prochain. Mais comment va-t-elle faire pour y arriver ? Danny Jordaan nous promet  » la plus belle Coupe du Monde de tous les temps « . Il n’a pas le choix. En tant que directeur général du comité d’organisation, il ne peut que répéter ce que les différents organisateurs locaux promettent depuis l’Italien Giorgio Vaccaro en 1934. Seuls les Uruguayens n’avaient pas eu besoin d’une telle dose d’auto-conviction à l’heure d’organiser le tournoi inaugural en 1930…

Cependant, au vu des difficultés déjà rencontrées par Jordaan pour faire avancer son projet en terrain  » miné  » (et ce sur les plans diplomatique, administratif et politique), on lui pardonnera ce pêché de l’hyperbole. La vérité, et c’est ce qui agit sans doute comme un soulagement pour Jordaan, c’est qu’une fois qu’aura été donné le coup d’envoi de la première Coupe du Monde sur le continent africain, tous les problèmes de construction de stades, de projets de transports, de prix d’hôtels et même du ticketing auront définitivement disparu dans les oubliettes médiatiques. A partir de ce moment-là, on ne parlera plus que de ce qui fait réellement le charme d’une Coupe du Monde : le football.

Schmidt, l’ange vengeur de la FIFA

Un homme peut témoigner de la confiance qu’a l’AfSud d’être prête pour le grand rendez-vous : Horst Schmidt, l’ancien secrétaire général de la fédération allemande de football, qui a organisé les Coupes du Monde de 1974 et 2006. Doté d’une expertise précieuse, Schmidt a été envoyé par la FIFA à Johannesburg il y a deux ans en tant que consultant du comité d’organisation. Schmidt n’est pas basé dans le nouveau QG impressionnant de la SAFA ( South African Football Association) uniquement pour relayer des  » tout va bien  » vers Zurich. Sa vraie tâche consiste à coordonner l’entièreté du projet. La tactique est simple : le moindre faux-pas, le moindre retard risque d’être communiqué à la FIFA, ce qui déclencherait la colère de Sepp Blatter.

La FIFA a investi des moyens financiers et humains colossaux pour faire réussir la première Coupe du Monde sur le sol africain. Rien ne peut dès lors échouer, que ce soit sur la route qui y mène, dans la livraison des travaux d’infrastructure ou dans l’exécution des différentes tâches.

Schmidt affirme :  » L’état d’avancement actuel du projet sud-africain est comparable, un an et demi avant l’épreuve, à celui d’autres nations organisatrices dans le passé. Le facteur le plus important est l’infrastructure. A moins de deux ans de l’événement, je sais que des gens dans le monde doutent de la capacité de l’Afrique du Sud à délivrer en temps et en heure 10 stades et donc 10 villes et zones d’accueil de qualité. Mais les travaux ont progressé à grande vitesse et avec qualité, ce qui est dû en grande partie à l’excellence de la planification. Les organisateurs pourront à la fois délivrer du travail de qualité et ce dans les délais impartis. S’il y a des dépassements de budget, il s’agira d’une situation normale lorsqu’on prépare une Coupe du Monde dans un contexte financier mondial plus que fluctuant. Mais je vous rassure : l’AfSud assurera parfaitement l’organisation de la Coupe des Confédérations et de la World Cup.  »

Le projet Afrique du Sud 2010 est tout à fait différent des épreuves qui l’ont précédé et pas seulement du seul fait géographique. Il s’agit ici d’une nation qui s’est séparée d’un passé somme toute récent, fait de divisions ethniques et de haine raciale et qui cherche à construire une nouvelle société à une cadence économique effrénée. Le plus prospère des pays africains dépense des millions en création d’autoroutes urbaines, en développement sélectif d’aéroports et en redéploiement du transit régional de passagers dans et autour de Johannesburg.

 » Ce dernier concept, appelé Gautrain, est essentiel pour juguler les embouteillages en ville « , poursuit Schmidt.  » Si rien n’était fait pour y remédier, tenter d’accéder au complexe Soccer City – qui se trouve en banlieue et qui accueillera la finale – deviendrait un véritable cauchemar. L’an dernier, seule une structure de béton nue avait été érigée, là où à présent Soccer City se pare lentement de son décor d’arène sportive. La couche extérieure du stade en calabash, une matière qui ressemble à de l’argile développée par une société autrichienne, va être apposée sur la structure. Les panneaux en pierre polie italienne du toit du stade ont été assemblés à Bangkok et sont transportés sur place ; le plan opérationnel du Centre de communication tout proche a été dessiné. Dans les autres villes d’accueil, je peux raisonnablement affirmer que les travaux sont en passe d’être terminés, même si la livraison finale des stades se fera sans doute sans que les finitions aient été entièrement fignolées.  »

Port Elizabeth -PE dans la terminologie des organisateurs- a été retiré en tant que ville d’accueil pour la Coupe des Confédérations suite à des retards dans les délais de construction et à la polémique incessante qui continue de faire rage au Cap à propos du nouveau stade de Green Point. Les gens se sont d’abord demandés, mais en vain, s’il fallait vraiment remplacer l’ancien stade de Newlands. Ensuite, la question fut de savoir qui allait payer pour les améliorations demandées par la FIFA par rapport au plan initial du nouveau stade de Cape Town ? Le président du comité d’organisation Irving Khoza a dû concéder que la ville faisait face à un sérieux défi environnemental en ce qui concerne le bruit et le vent mais aussi le système d’éclairage.

Le n°2 de la FIFA va payer les surcoûts

Les Sud-Africains se reposent sur le fait que la FIFA a promis, par l’intermédiaire de son nouveau secrétaire général, Jerome Valcke, de discuter  » en toute bonne foi  » des coûts supplémentaires engendrés par la résolution de ces problèmes.

Bref, la FIFA n’aura vraiment pas d’autre choix que de régler l’ardoise et est mise de plus en plus sous pression par les Sud-Africains. Tout comme le confirme un responsable de projet dans une autre ville hôte :  » Au début, nous avons accepté toutes les exigences des dieux du football à Zurich. Maintenant c’est terminé : nous avons aussi appris à dire non à la FIFA. « 

Le premier test sérieux pour la nation du président Kgalema Motlanthe, ce sera en juin prochain lors de la Coupe des Confédérations. Ce tournoi mettra aux prises huit équipes nationales (Afrique du Sud, Irak, Nouvelle-Zélande, Espagne, Etats-Unis, Italie, Egypte, Brésil). On verra alors si le pays a respecté les délais impartis pour la construction des stades mais aussi pour les infrastructures en général. Soudainement, on a l’impression que le temps s’accélère et semble emporter avec lui le bon achèvement du projet.

Valcke l’a constaté lui-même avec effroi lors d’une mission de contrôle en novembre dernier :  » A six mois de la Coupe des Confédérations et 18 mois avant la Coupe du Monde, le temps des préparatifs doit absolument être terminé. La phase de livraison doit être en cours. Nous travaillons étroitement avec le comité d’organisation local, le gouvernement actuel ainsi que celui qui sera issu des prochaines élections. Tout ce beau monde afin de pouvoir affirmer que nous serons prêts. La Coupe des Confédérations a beau être un test, il s’agit d’un tournoi très important puisque les 8 meilleures équipes représentatives des différentes zones FIFA vont se disputer le trophée. Cela nous permettra de vérifier nos structures d’accueil vis-à-vis de toutes les équipes, des acteurs locaux et de la FIFA. Et cela nous donnera ainsi un aperçu de ce que nous devrons améliorer ou modifier dans l’optique de la CM. « 

Le superflic Pruis s’attend à tout

La Coupe des Confédérations, du 14 au 28 juin prochain, sera aussi l’occasion pour le charismatique chef de la police Andre Pruis de mettre une première fois à l’épreuve sa stratégie de sécurité. Ce ne sera pas vraiment un test grandeur nature puisque les supporters étrangers ne viendront pas en masse. La Coupe des Confédérations sera un événement local en termes d’assistance, à tel point que Jordaan et son comité organisateur espèrent quand même ne pas devoir montrer des travées trop dégarnies aux télés du monde entier. Mais cela, Pruis n’en a cure. Sa priorité est de préparer au mieux le flux de supporters qui entrera en Afrique du Sud à l’horizon de juin 2010. A sa grande satisfaction, le gouvernement n’a pas hésité à délier les cordons de la bourse et à augmenter les effectifs :  » Nous disposons de 175.420 officiers de police et serons à 200.000 d’ici 2010. Nous pouvons également compter sur 70.000 réservistes. Nous aurons également 400 nouvelles caméras mobiles pour nous assister aux postes de commande et de contrôle. Un autre avantage, c’est que nous connaîtrons à l’avance les points qui risquent de poser problème : aéroports, gares, hôtels et stades.  »

Pruis pourra également compter sur le support des forces de police des pays engagés dans la compétition :  » Nous aimerions que des policiers de ces nations soient déployés aux côtés des policiers sud-africains et se déplacent aux mêmes endroits, là où se dérouleront les matches de leur pays. Un policier connaît mieux les supporters de son pays, ce qui les fait vibrer, leurs caractéristiques, etc. Par exemple, je pourrais juger qu’une situation est dangereuse alors qu’un collègue étranger me dira qu’il n’y a aucun souci à se faire. De plus, ce sera plus facile pour communiquer dans différentes langues et appréhender les différences de législation. Un pays peut ainsi autoriser un acte alors qu’il est interdit ou rarement toléré chez nous. « 

Schmidt, Pruis et le reste doivent faire place à Jordaan lorsqu’il s’agit du travail de fond pour défendre la cause du projet sud-africain. C’est lui qui a soutenu tous les efforts pour amener cette phase finale en République d’Afrique du Sud et l’événement mondial de juin et juillet 2010 viendra compléter la vision qu’il caresse pour cette nation prometteuse, et qui va bien au-delà du  » seul  » ballon rond :  » Cette Coupe du Monde est bien plus qu’une affaire de stades. On parle ici de piscines, d’herbe, d’arbres, d’eau, d’amélioration de la vie quotidienne des gens. Le rêve et l’espoir d’amener cette épreuve en Afrique australe sont nés à Chicago en 1994. Le gros problème à l’époque était l’extension du nombre de participants, de 24 à 32 équipes… Lorsque le peuple américain a récemment fait naître un rêve d’espoir et de changement, leurs yeux se sont tournés vers Chicago, justement. Cet esprit, nous avons essayé de nous en inspirer pour renouer des relations ici, en Afrique du Sud. Le football est devenu bien plus qu’un jeu avec une balle. On a récemment pu s’en apercevoir lorsque Blatter s’est rendu en Palestine pour le match entre la Palestine et la Jordanie. Aucun coup de feu ne fut tiré ce jour-là. Ça, c’est le véritable pouvoir du foot et en Afrique du Sud, nous sommes impatients d’utiliser ce pouvoir pour nous reconnecter avec le monde. « 

par keir radnedge, world soccer – photos: reporters/ reuters

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire