L’Afrique n’a plus la cote

Il y a dix ou quinze ans, les footballeurs issus du Continent Noir abondaient sur nos terrains. Ils venaient du Congo, du Sénégal, du Cameroun, du Nigeria, du Ghana, de la Côte d’Ivoire. Le derby Lokeren-Beveren se résumait à une fête africaine.

Aujourd’hui, les joueurs qui proviennent directement d’Afrique sont des exceptions. Seul Ostende s’y est risqué, avec le Sud-Africain Mushekwi. Les 14 autres clubs de D1 jouent la sécurité ou optent pour le risque minimum : le Camerounais Etock (Cercle) vient du Sporting Lisbonne, Gand a transféré d’Utrecht le Ghanéen Asare, formé par Malines, tandis que le Malien N’Diaye (Zulte Waregem) a fait ses classes à Gand. Oumaru, qui évolue à Waasland-Beveren, a émigré il y a pas mal de temps aussi : il s’est retrouvé en Serbie il y a trois ans, après un passage en Chine. Outre Mohammed Daf passé par Anderlecht, Charleroi aligne un autre Sénégalais, Jamal Thiaré, qui est à l’essai depuis le mois de novembre.

Cet immense continent n’a donc fourni qu’une poignée de nouveaux joueurs alors que quatre Israéliens viennent encore d’arriver en Belgique et que les Balkans sont une fois de plus très bien représentés, avec huit nouveaux footballeurs issus de Serbie, de Croatie et du Monténégro.

Début juillet, le meilleur buteur du Nigeria a été présenté à plusieurs clubs belges, qui ont tous décliné. Mais pourquoi l’Afrique est-elle out ? Willy Reynders, le directeur technique de Lokeren, a arpenté le continent noir, dans le passé :  » Beaucoup de grands clubs sont désormais présents sur ce marché. Ils ont leur cellule de scouting, leurs propres centres de formation ou des accords de collaboration locaux, comme Lokeren jadis. Nous n’y obtenons plus que des joueurs de troisième rang. Beaucoup de talents optent pour la France, surtout quand ils sont issus d’une ancienne colonie. Nous avons de toute façon changé de politique. Nous misons désormais sur les jeunes Belges. J’ai l’impression que les autres clubs de D1 jouent également la carte de leurs jeunes et se sont détournés de l’Afrique et des problèmes suscités par ses joueurs. Quand on n’y possède pas de club, on est confronté au problème des indemnités de formation. Ce n’est jamais très clair. Globalement, les étrangers requièrent aussi plus de travail : il faut les accueillir, les intégrer, leur trouver un logement…  »

Par-dessus le marché, souligne Reynders, il n’est plus nécessaire d’aller en Afrique pour dénicher des talents africains. Il suffit de regarder les équipes nationales d’âge.  » Ces dernières années, beaucoup de jeunes Bruxellois ont fait leur chemin en football. Mboyo, Kagé et les autres possèdent un talent africain mais ont reçu une éducation belge.  »

Anderlecht croit toujours dans les talents venus d’Afrique mais comprend que d’autres s’en détournent. Albert Martens :  » Les grands clubs lient les meilleurs très tôt, via des accords, et c’est coûteux. Il n’y a pas que les indemnités de transfert et de formation mais l’intégration. Ils ont reçu une autre éducation, ont grandi au sein de familles nombreuses et ont d’autres habitudes d’entraînement. Il faut pouvoir les former un an, aux alentours de 18 ans, avant de pouvoir vraiment faire appel à eux. Il faut également leur offrir un bon accompagnement. Tout le monde n’en a pas les moyens ou la patience.  »

PAR PETER T’KINT

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