L’affaire Renard

Le gendre idéal a provoqué une bisbrouille familiale : cette perte d’énergie a-t-elle coûté cher contre Malines ?

« J’ai une Formule 1 mais pas de pièces de rechange « , avait dit MPH en début de saison. Il n’a pas tort. Et c’est probablement pour cela que l’affaire Renard est très importante. Après une telle explosion, il y a toujours des dégâts collatéraux. Un gars qui boude peut vicier l’air ambiant, casser le jouet, engendrer des clans ou priver le collectif de son apport à des moments importants. Dans un premier temps, l’habile coach des Rouches a tenté de tout mettre sur le dos de la presse écrite. L’entraîneur des leaders de l’élite s’est probablement rendu compte qu’il n’avait pas introduit la bonne adresse dans son GPS. Renard ne renia d’ailleurs en rien les propos tenus chez les Dragons. Après avoir pris place sur le banc, il y exprima sa désillusion, sa peine, sa déception et même son écoeurement. Les journalistes lui demandèrent même de bien réfléchir à la portée de ses propos. Renard ne se calma que devant les caméras de la télévision.

Le lendemain, au micro d’ Erik Libois (dans le cadre de l’émission La Troisième mi-temps sur Radio Vivacité), Patrice Sintzen ( La Gazette des Sports et collaborateur de Sport/Foot Magazine) affina l’analyse médiatique de certains propos tenus par Renard. Il déclara qu’il  » espérait que c’était Preud’homme qui avait pris la décision « . Donc, si la décision d’installer le gardien titulaire sur le banc avait été prise par le coach ou imposée par le Standard d’en haut. Là, le débat prenait une tournure très dangereuse. La légitimité et l’autorité du coach étaient mises en doute. Cela prouve que quelques phrases peu réfléchies, ou carrément stupides, peuvent lancer des débats douloureusement inutiles. La direction du Standard rappela que MPH était le seul boss de son équipe : normal !

Le groupe a ensuite eu un échange de vues. Ce n’était pas un ouragan des tropiques mais quand même un orage d’automne. Jeudi, deux jours avant Standard-Malines, Renard prit connaissance de la sanction : un week-end à la maison. Samedi, une immense banderole barrait la tribune côté terril :  » Ici, pas d’individualistes, un collectif soudé pour ramener un trophée « Le message des Ultras était clair et s’adressait à Renard. C’est dire si les supporters du Standard avaient pris la mesure de l’importance du moment. Ils n’ont pas besoin d’un dessin pour deviner que la moindre lézarde peut tout emporter. Ils auraient préféré que Renard soit plus patient après son opération à la hanche et l’un d’eux nous a dit :  » Renard ne fait pas partie de la catégorie des gardiens du Standard. Il le sait. Mais il fait bien son boulot et rassure plus qu’un Espinoza qui n’a pas démérité. Sans ses imprudences verbales à Mons, Renard aurait cependant repris sa place tranquilo. « .

MPH a eu du mérite à garder la tête froide. Il a toujours cru en Renard et sans cet appui, le gardien titulaire n’aurait jamais atteint les hautes sphères de l’équipe nationale. Le fils a-t-il tenté de tuer le père ? MPH a certifié que les compteurs seront remis à zéro. Mais il faut savoir aussi que le coach a la dent dure et la rancune tenace. Les journalistes le savent car il leur reparle parfois d’un vieil article qui ne lui a pas plu : il a une mémoire d’éléphant. De plus, au Standard, les conflits sont parfois réglés à la hussarde.

Les précédents

En octobre 1987, Nico Claesen critiqua vertement Michel Pavic dans notre magazine. Le coach était dépassé, trop âgé, etc. Ses déclarations firent grand bruit mais son but n’était pas du tout de quitter Sclessin. Ce fut totalement spontané. Le mage de Sclessin nous fit part de sa déception. Pour lui, il n’était plus question de prolonger le séjour de Claesen sur la pelouse de Sclessin :  » Je ne veux plus le voir. On ne peut pas travailler avait des joueurs manquant de respect à l’égard de leur coach.  »

Claesen avait réalisé une bonne Coupe du Monde 1986 au Mexique et Tottenham se manifesta tout de suite. Mais cela eu un impact sur le groupe. En 1985-1986, le Standard termina 3e du championnat. Un an plus tard, les Rouches se contentèrent de la 10e place, avec 11 points et 17 buts de moins à leur actif. Le départ de Claesen ne constitua donc pas une bonne affaire sportive.

Un autre conflit interne fut réglé de façon aussi rude. En 2000, Guy Hellers fit part à la direction du fait que le vestiaire ne partageait plus les idées de Tomislav Ivic. Le club avait changé de propriétaire et appartenait à Robert Louis-Dreyfus et Luciano D’Onofrio depuis deux ans. L’avis du capitaine fut considéré comme une tentative de putsch. Il fallait étouffer la révolte dans l’£uf, même si le Grand Duc de Sclessin n’avait fait que reproduire l’humeur de l’effectif. Mais la sanction tomba comme un couperet : Hellers était débarqué, renvoyé sur le champ après 383 matches de D1 pour le compte du Standard de 1983 à 2000. Ses 17 ans de bons services avaient été balayés d’un trait de plume. L’affaire fit grand bruit dans les médias. Hellers fut payé jusqu’au dernier centime mais il fallait un exemple pour restaurer l’ordre. Sa solitude fut effrayante. Il n’eut plus beaucoup de nouvelles des joueurs dont il avait pris la défense : c’était aucun pour tous, tous pour aucun. Il casqua pour les autres.

Les temps ont changé. On n’exécute plus aussi facilement les joueurs. Même ceux qui sont en fin de contrat comme Renard ? La saison passée, le Standard s’est probablement mordu les doigts après s’être passé de Karel Geraerts en fin de saison et surtout lors de la finale de la Coupe de Belgique. Renard sortira-t-il renforcé ou affaibli d’une situation scabreuse qu’il aurait pu éviter ?

 » Celui qui extériorise un problème est rarement gagnant « 

Pour Emmanuel Goedseels, directeur général d’Interel et spécialiste en gestion de crise, l’affaire Renard n’est pas difficile à comprendre :  » Les sportifs sont des artistes. Ils exercent un métier hyper médiatisé. Les moindres faits et gestes sont immédiatement connus et amplifiés. Ce n’est pas le cas dans d’autres secteurs de la société où les gens vivent des succès ou des soucis de façon bien plus discrète. On parle moins des problèmes des hommes d’affaires. Les sportifs, les artistes ou les politiciens ont un ego bien plus important et les médias les titillent très souvent.

Ils doivent être capables de gérer les bons et les mauvais moments. Justine Henin a, ainsi, beaucoup progressé dans la maîtrise de ses moments plus difficiles. Je me souviens aussi des propos de Michael Schumacher quand Ferrari cherchait la bonne carburation : – La voiture n’est pas encore parfaite mais nous travaillons tous pour trouver les solutions. C’est l’attitude parfaite car le problème devenait message positif et source de progrès. La personnalité joue un rôle dans cette expression. Parler d’une préoccupation, c’est bien. Mais, dans le cas d’un sport collectif, c’est souvent de la cuisine interne. Il faut faire entendre sa voix mais pas à l’extérieur. Celui qui extériorise un problème est rarement gagnant. Cela peut même être dangereux pour les valeurs du groupe car on s’isole. Renard vit un moment délicat. Ce sera à lui d’en tirer les leçons qui s’imposent pour repartir du bon pied mais Michel Preud’homme connaît les problèmes et les souffrances d’un sportif de haut niveau : c’est un plus très important pour Renard « .

 » Le PHK soutient l’homme à 200 %  » (Didier)

Renard a une très bonne cote auprès des supporters du Standard et certainement du PHK (Publik Hysterik) qui occupe la Tribune IV, côté Meuse. Il y a quelques mois, suite à des contacts avec DidierSegers, un des responsables du PHK, Renard avait rencontré un jeune gardien de but souffrant de problèmes cardiaques :  » Tout s’était très bien passé et une estime mutuelle est née entre Olivier et le PHK. A l’occasion de son passage en Italie, il a bien mesuré ce que de vrais supporters éprouvent pour leur club. Son respect à notre égard est très apprécié. Après sa petite intervention chirurgicale, il a suivi la rencontre Standard-Germinal Beerschot parmi nous. L’affaire de Mons n’a pas du tout écorné son prestige. Le PHK soutient l’homme à 200 %. Nous mettons son accès de mauvaise humeur sur le compte d’une frustration passagère. Olivier a beaucoup ramé avant d’atteindre le top. Il a probablement eu peur de perdre les fruits de son travail. C’est un gars gentil, honnête, franc et entier. C’est aussi pour cela que son coup de gueule inattendu a fait tant de bruit. A notre avis, il a réagi à chaud comme un supporter, cela peut arriver. On a pardonné certaines frasques à la diva qu’était Sergio Conceiçao, je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas pour Olivier. Une équipe, c’est une famille avec ses joies et ses tensions. C’est maintenant que le clan prouvera s’il est fort, s’il a la taille d’une équipe de tête. Cette épreuve devrait même renforcer la cohésion. Les joueurs se sont parlés. Olivier se donne à fond, arrache tout à l’entraînement. C’est comme cela qu’il regagnera vite sa place. Preud’homme a pris ses responsabilités après le clash de Mons. La page est tournée et je sais qu’Olivier est plus motivé que jamais « .

par pierre bilic – photos : reporters / gouverneur

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire