L’affaire Bell-Michael Schumacher

Ce n’est pas tous les jours qu’un triple champion du monde de Formule 1, considéré comme le meilleur pilote du monde en activité, est assigné devant le Tribunal de Première Instance de Bruxelles par une (petite) société belge lui réclamant 500 millions de francs belges de dommages et intérêts.

C’est donc tout naturellement que le procès intenté en mars dernier par l’entreprise Sports Europe à l’encontre du pilote allemand Michael Schumacher a défrayé la chronique judiciaire. Pour rappel, Sports Europe est l’importateur et le distributeur des casques de compétition fabriqués par la firme américaine Bell, et fournissait à ce titre depuis plusieurs saisons ses produits au champion allemand. Mais, alors que le contrat liant les parties était toujours en cours, il est apparu durant l’intersaison que Michael Schumacher utilisait désormais un casque conçu spécialement pour lui par une firme allemande. De plus, des interviews du pilote allemand confirmèrent son choix de ne plus s’équiper à l’avenir des produits Bell Helmets.

Face à cette rupture de fait de leur convention, Sports Europe assigna Michael Schumacher devant le Tribunal des référés de Bruxelles, aux fins de :

1- constater la rupture fautive par Schumacher du contrat le liant pour la saison sportive 2001-2002 à la société belge;

2- sanctionner ce manquement par l’allocation de dommages et intérêts fixés forfaitairement à la somme de 5.000.000 de francs par jour de port d’un casque d’une firme concurrente, soit, sur une base estimée de 100 jours d’essais privés et/ou de compétitions par an, un montant total de 500.000.000 de francs.

Par une ordonnance prononcée le jeudi 1er mars 2001, à la veille des essais du premier GP de la saison disputé en Australie, le Tribunal des référés fit pleinement droit à la demande.

En droit, cette décision fut tout sauf surprenante. L’article 1134 du Code civil belge dispose : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

En clair, une convention par laquelle se sont rencontrées et accordées les volontés libres et indépendantes de deux ou plusieurs personnes, est intangible : une partie ne peut donc pas s’en délier d’une manière unilatérale en cours d’exécution.

Ce principe dit de la convention-loi s’impose même en cas de bouleversement des circonstances non prévues au moment de la signature du contrat. Dès lors, les arguments -quelque peu spécieux et de mauvaise foi- de Michael Schumacher selon lesquels les casques Bell seraient devenus techniquement dépassés voire même nocifs pour la santé, ne pouvaient être accueillis favorablement par le Tribunal.

L’affaire Bell contre Schumacher a eu le principal mérite de rappeler que nul n’est au-dessus des lois, pas même une star du sport brassant des milliards de francs belges par an. Petite atténuation tout de même : quelques jours après le prononcé de l’ordonnance du Tribunal, les parties se sont accordées sur une fin amiable de leur litige. Et là aussi, parions qu’il fut certainement question de gros sous.

Luc Misson

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