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 » L’adversité, ça nous servira « 

L’un a vécu les mois de galère de Watford, l’autre a lutté jusqu’au bout pour éviter à Wolfsburg le cauchemar d’une relégation. Au bout d’une période de galère qu’ils espèrent enfin derrière eux, Dodi Lukebakio et Landry Dimata en profitent pour jeter un oeil dans le rétroviseur.

Le décor est aussi bucolique qu’étonnant. Abrités par la discrétion rurale d’une résidence posée à Moergestel, dans la commune d’Oisterwijk, à quelques kilomètres de Tilburg, dans ce coin des Pays-Bas qui semble caché au milieu de nulle part, Lukebakio et Dimata sortent d’une sieste bien méritée, posée entre les deux entraînements du jour. Pendant que certains de leurs équipiers préparent la Coupe du Monde, et que d’autres peaufinent leur bronzage, les deux espoirs du football national ont déjà enfilé la tenue d’entraînement.

 » On va dire que c’est une pré-préparation « , explique Dimata, coutumier de la pratique depuis ses années liégeoises. Un camp de dix jours où treize joueurs de Godson Sport Management (voir encadré) affûtent déjà leurs armes en vue de la saison à venir, accompagnés d’un impressionnant staff de professionnels, facilement identifiables grâce à leurs équipements Nike floqués du logo de la Godson et de celui de Star Factory, l’agence de Didier Frenay.

Arrivés en chantant au bout de la route pleine de cyclistes et de dos d’âne qui sépare les terrains d’entraînement de leur lieu de villégiature, où un panier de basket trouble à peine la quiétude toute hollandaise d’un endroit où la brique côtoie le bois et le silence, les pépites de la Godson s’occupent de la bande-son entre deux séances. Après les chants, le repas et le repos, c’est l’heure des questions.

Une question d’adaptation

Après avoir fait sensation en Belgique, vous sortez tous les deux d’un passage plus difficile à l’étranger. La transition n’était pas simple ?

LANDRY DIMATA : Personnellement, j’ai senti que je débarquais dans un monde tout à fait différent. Changer de pays, arriver dans une autre culture, ça change complètement. Tu sors de ton pays, de ton nid, de ton confort… Ça prend toujours un peu de temps. Il faut s’adapter à ce nouveau monde. Dès que tu prends un peu le tempo, ça devient plus facile.

DODI LUKEBAKIO : Comme il dit, c’est une question d’adaptation. Ça dépend aussi, si tu pars seul ou avec ta famille. Il y a beaucoup de choses derrière qui demandent du temps, apprendre la langue par exemple.

Vous avez débarqué dans des pays qui ont une réputation solide au niveau des entraînements. Ça s’est vérifié une fois sur place ?

LUKEBAKIO : Directement ! L’impact physique était complètement différent, ça demande de jouer avec une autre intelligence. Tu rencontres des gars qui ont déjà joué beaucoup de matches en Premier League. À force de t’entraîner avec eux, tu reçois leur expérience, et tu te rends compte que tu ne peux plus jouer comme tu le faisais avant. Sans le savoir, tu t’améliores.

DIMATA : C’est clairement ça. Tu arrives dans un club avec des joueurs qui ont plus de 500 ou 600 matches dans la ligue sur leur CV, et Dodi comme moi on est dans les trois meilleurs championnats du monde. Alors, c’est clair que l’adaptation est parfois difficile, mais derrière tout ça, notre évolution est beaucoup plus grande.

Les compatriotes, un atout

À Wolfsburg comme à Watford, il y avait déjà des Belges dans le noyau à votre arrivée. C’est un atout pour s’intégrer, même si on ne les connaît pas spécialement en arrivant ?

LUKEBAKIO : Oui, bien sûr, ça aide beaucoup. Quand tu arrives dans un vestiaire, dans un club où tu ne connais personne, et que tu as un Belge, un gars qui parle la même langue que toi, c’est un plus. Il t’explique comment le groupe est, comment ça fonctionne. Il te met dans le bain.

DIMATA : Moi la chance que j’ai eue, c’est Casteels. C’est un cadre à Wolfsburg aujourd’hui, et ça m’a aidé d’avoir quelqu’un comme ça à qui je pouvais parler, parce qu’au départ je ne parlais pas forcément l’allemand. Et puis, par après, Divock est arrivé. En plus, il y avait aussi des Français, ça rend les choses plus faciles.

LUKEBAKIO : Pareil pour moi, j’avais Christian Kabasele, mais aussi les Français. Et quand tu as des gens qui sont là depuis un petit temps, ça marche à merveille pour intégrer un jeune qui vient d’arriver.

Roberto Martinez a déjà parlé des joueurs qui partaient trop tôt pour l’étranger. Pour lui, il faut avoir joué cent matches en Pro League avant d’être prêt pour franchir les frontières. Vous êtes partis avant d’avoir atteint ce cap. Parce que vous aviez déjà fait le tour ?

DIMATA : Tout dépend de la façon dont tu vois les choses. Personnellement, j’ai des ambitions, je vois les choses super haut, et je me fixe des challenges et des objectifs. Si tu ne tentes pas le coup, tu ne sauras jamais si tu peux y arriver.

LUKEBAKIO : Il ne faut pas se mentir. C’est important de se poser les bonnes questions, de te demander si tu es capable de le faire. Si tu ne le sens pas, n’y va pas. Moi, je ne suis pas parti juste pour le principe. Si j’ai relevé le challenge, c’est parce que je me sentais capable d’y aller. On ne va pas se cacher, on est des garçons très ambitieux. On croit en nous.

Feeling et opportunité

DIMATA : Je crois que le fait de partir, c’est vraiment une question de feeling.

LUKEBAKIO : Ouais, c’est vraiment ça. Pour moi, les choses ne se sont pas passées comme on a pu le lire, parce que je m’entendais bien avec tout le monde à Charleroi. C’est sûr qu’au début, j’étais plus en forme que dans les dernières semaines. Mais il ne faut pas oublier que je sortais d’une saison où je n’avais presque rien joué. Et la façon dont Charleroi joue, ça demande des efforts conséquents. J’ai dû m’adapter à ça. J’y suis arrivé au début, mais ce n’était pas facile d’enchaîner. Mais bon, des clubs ont aussi vu ce que j’ai fait. Et quand tu vois arriver une proposition d’Angleterre, à mon âge, je ne pense pas que ça se refuse. Il y a des joueurs qui ont dû faire beaucoup plus de choses pour avoir une opportunité pareille.

Landry Dimata sous le maillot de Wolfsburg.
Landry Dimata sous le maillot de Wolfsburg.  » En Allemagne j’ai immédiatement senti que je débarquais dans un monde différent. « © BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

Vous débarquez dans vos nouveaux clubs avec un statut d’espoir, et sportivement ils vivent des saisons difficiles. Ça a été un frein pour votre intégration ?

DIMATA : Quand tu es jeune, arriver dans une situation où ça ne gagne pas beaucoup, où ce n’est pas facile pour le club, ça complique tout, évidemment. Mais ce sont des choses qui arrivent. C’est aussi une face cachée du foot. On a appris du milieu, maintenant on sait que ce n’est pas toujours la joie, le bonheur. Il faut aussi savoir vivre dans les phases où ça ne se passe pas bien. Et malgré tout, garder le mental et le caractère, pour continuer à avancer.

LUKEBAKIO : C’est sûr qu’on apprend énormément dans ces périodes-là. Pour moi, ce n’est pas la première fois, j’ai eu la même expérience à Toulouse. Ce n’est pas ça qui va me démotiver, j’essaie toujours de donner le meilleur de moi-même à l’entraînement, et de montrer ce que je peux faire pour m’imposer quand je reçois ma chance. Ces moments, c’est sûr qu’ils nous servent pour l’avenir. Parfois, le foot, ça peut caler. Et là, on a eu la chance de le connaître très tôt. Dans le futur, ça nous servira.

Le top et le sol

DIMATA : C’est vraiment ça ! Moi quand je vois ma saison passée, à Ostende, tout s’est passé super bien.

LUKEBAKIO : Et super vite hein, quand même !

DIMATA : Super vite, c’est clair. Il n’y avait que de la gloire dans tout ça. Et cette année, c’était complètement le contraire. Que des problèmes, que des défaites. J’ai vécu le top, et le sol, vraiment bas. Et dans tout ça, je dois garder la même mentalité, toujours rester le même. C’est ce que j’ai vraiment appris cette année.

Lukaku n’a pas joué à Chelsea, mais parle toujours de son année à Londres comme un apprentissage. En fait, ce n’est pas parce qu’on ne joue pas qu’on perd un an ?

DIMATA : Aujourd’hui, on voit le résultat.

LUKEBAKIO : On ne peut pas toujours arriver à un endroit, et jouer directement. Ça demande du temps. C’est un autre niveau, on a forcément des choses à apprendre.

C’est difficile à faire comprendre aux gens ?

DIMATA : C’est le monde du foot. Quand ça se passe bien pour toi, tout le monde sera là pour te dire bravo. Par contre, quand ça va moins bien, les mêmes personnes seront là pour critiquer. Je crois que ça fait partie aussi de notre métier.

LUKEBAKIO : On doit l’accepter, c’est clair.

DIMATA : Sans vouloir nous comparer à ce niveau-là, regardez encore Cristiano cette saison. Il n’a pas marqué jusqu’en janvier, tout le monde disait qu’il était fini, trop vieux, blablabla. Et aujourd’hui, qui est le meilleur buteur de la Ligue des Champions ? C’est comme ça, c’est le foot.

Prendre et rendre plaisir

Les clichés sur l’Allemagne et l’Angleterre, c’est aussi l’ambiance folle dans les stades. Ça change la donne pour un joueur, d’entrer dans une atmosphère pareille ?

LUKEBAKIO : Forcément que c’est différent. Mais for-cé-ment ! Hein ?

DIMATA : Oui, c’est clair.

LUKEBAKIO : Beaucoup plus de monde, beaucoup plus de bruit… Ça te donne tellement de plaisir. Et automatiquement, on veut remettre la même chose, le rendre aux gens. C’est pour ça qu’on joue.

DIMATA : Moi, c’est ce qui m’a tapé dans l’oeil, dès que je suis arrivé. C’est comme ça que j’ai compris que j’avais atterri autre part. Dès que j’ai mis les pieds à Wolfsburg, j’ai vu les infrastructures, notre stade… Et dès le premier match, je l’ai vu rempli. Et là tu te dis : Ah ouais, je suis autre part là.

Alors que Wolfsburg, ce n’est pas franchement la ville la plus folle du monde. Quand tu vois la ville, tu ne te dis pas qu’elle va remplir le stade…

DIMATA : Ah non, vraiment pas. C’est seulement le week-end que tu te dis que tu t’étais peut-être trompé.

LUKEBAKIO : (Il se marre) Mais il y a du monde quand même, là-bas.

DIMATA : Il y a du monde partout. Regarde les matches de D2 en Allemagne, les stades sont remplis. Tout le temps ! Ils aiment vraiment le foot. C’est ça qui nous donne du plaisir. Aujourd’hui, on veut jouer dans des grands stades, avec des supporters qui te chauffent… Au fait, c’est aussi eux qui te poussent à bien jouer, non ?

La pression comme motivation

LUKEBAKIO : Mais oui. C’est top. Moi à Londres, c’est merveilleux. T’imagines, ils applaudissent pour des tacles ! Chaque move, chaque dribble… Le stade vit vraiment avec toi. Et à partir du moment où tu as ça, c’est quand même difficile de jouer un mauvais match.

Ça met une forme de pression ?

LUKEBAKIO : Là encore, je crois que ça dépend du joueur. Moi, je me rappelle que mon premier match avec autant de supporters, c’était en Youth League contre Barcelone. Et là, j’avais la pression. Par après, j’ai commencé à trop aimer ça. Ça devenait comme une motivation pour moi, c’était fou. Tu joues différemment, tu as envie de faire éclater les supporters, de faire qu’ils se réjouissent.

Tu es porté par l’ambiance, tu as envie de la recréer le plus souvent possible

DIMATA : C’est ça, je suis tout à fait d’accord avec tout ce qu’il dit. Aujourd’hui, nous, on joue parce qu’on aime ce sport, et ce bonheur on veut le rendre aux supporters, quand ils viennent. Qu’ils s’ambiancent, qu’ils kiffent avec nous, on ne veut que ça.

Vous êtes tous les deux des joueurs qui ne se cachent pas, qui demandent tout le temps le ballon, que les choses aillent bien ou non.

LUKEBAKIO : Si tu as confiance en toi, tu ne vas jamais avoir peur. Tu vas toujours tout faire pour réussir la meilleure chose pour ton équipe. Et si tu n’as pas le ballon, comment est-ce que tu vas montrer que tu peux faire quelque chose ?

DIMATA : Je crois que la caractéristique qui nous correspond, c’est qu’on aime jouer au ballon. Peu importe ce qu’il se passe, on n’est pas là pour regarder les gens, on est là pour jouer au foot. Moi j’aime avoir le ballon, je vais toujours le demander. Même si ça ne va pas, je serai toujours là, je ne peux pas m’en empêcher. C’est mon style de jeu, et si une équipe me prend, c’est aussi pour ça.

Rigueur et discipline

De ton côté Dodi, jouer à Charleroi, dans une équipe qui était loin de ton style de jeu, ça t’a fait évoluer ?

LUKEBAKIO : Ah oui, je le répète sans arrêt, ça m’a vraiment fait évoluer. Le haut niveau, c’est vraiment exigeant. Un flanc aujourd’hui, il est obligé de défendre. Mais pour moi, ça n’a pas été facile à assimiler, parce qu’on ne me l’a jamais appris avant. Et maintenant, quand je me vois à l’entraînement, où je reviens défendre, je me dis : Eh, mais depuis quand je fais ça ? Tu vois ? (rires). C’est là que je sens que oui, ça m’a servi, vraiment.

Dodi Lukebakio, passé de Charleroi à Watford voici quelques mois.
Dodi Lukebakio, passé de Charleroi à Watford voici quelques mois.  » L’Angleterre, c’est un autre niveau. Ça requiert un temps d’adaptation. « © WATFORD

DIMATA : C’est clair qu’on doit aussi s’adapter. Notre style de jeu, il ne va jamais changer, parce que ça, c’est notre identité. Mais être capable de s’adapter partout où on ira, c’est aussi ça qui fera de nous des joueurs complets.

Qu’est-ce que tu as dû changer pour t’adapter à Wolfsburg, par exemple ?

DIMATA : La rigueur. Qu’elle soit défensive, offensive, sur la concentration… Muscler mon jeu, aussi.

La rigueur des Allemands, ce n’est pas une blague alors ? C’est vrai que quand le rendez-vous est fixé à dix heures, tout le monde est là à 9h50 ?

DIMATA : Oui, je vous confirme, c’est vraiment comme ça ! Mais c’est bien, ça m’a donné encore plus de discipline.

Des entraînements comparables aux matches

On dit souvent que la Belgique, c’est une version miniature de la Premier League. Toi qui vis dans l’autre monde, maintenant, tu es d’accord avec ça Dodi ?

LUKEBAKIO : La Belgique, c’est quand même un championnat physique, c’est sûr. Mais l’intensité et le rythme, en Angleterre, ce n’est pas pareil du tout. Ça m’a vraiment surpris. Même à l’entraînement, tu es obligé de… En fait, c’est comme si tu étais en match ! C’est vraiment du début jusqu’à la fin, pour moi les premiers entraînements, c’était comme si je jouais vraiment nonante minutes. Et quand tu es en tribunes, que tu regardes un match… Tu as envie de sauter sur le terrain. Ça fait kiffer !

Dodi, tu connais Dimata, tu connais Anderlecht. Est-ce que Dimata a le style Anderlecht ?

DIMATA : (Il se marre) C’est malin de poser ça comme ça.

LUKEBAKIO : Bien sûr. Landry a les capacités, le mental, le physique… Un style de jeu qui s’adapte partout. Donc je n’hésite pas une seconde sur le fait qu’il pourrait s’adapter.

 » Merci à la Godson  »

Les présentations sont faites par Dieumerci Vua. Il a mené une carrière de joueur professionnel comme son frère Don Nzila Pambu qui, par la suite, a également été son agent. Aujourd’hui, ils sont les chevilles ouvrières de Godson Sport Management, une société basée à Alost et qui a emmené un staff professionnel pour entourer, pendant dix jours, ses joyaux rassemblés sur le sol néerlandais.

En plus de Landry Dimata et de Dodi Lukebakio, on retrouve Olivier Kemen, espoir de l’Olympique Lyonnais, ainsi qu’une dizaine de jeunes talents emmenés par Trésor Ndayishimiye, pépite anderlechtoise, ou Aboubakary Koita, apparu pendant les play-offs avec Gand la saison dernière.

La Godson travaille en collaboration avec l’agent de joueurs Didier Frenay, bien introduit à Wolfsburg où il a notamment oeuvré au transfert de Dimata depuis Ostende. Le logo de l’agence Star Factory se retrouve d’ailleurs au dos des équipements portés par les joueurs à l’entraînement, et les deux noms devraient bientôt s’associer pour la création d’académies de football au Congo-Brazzaville.

Un ambassadeur du pays a d’ailleurs rendu visite aux joueurs lors de ce camp d’entraînement basé en campagne néerlandaise, où les chambres collectives et les chants en canon au retour des terrains donnent à l’ensemble une ambiance de colonie de vacances, parsemée d’entraînements qui n’ont rien à envier à une préparation professionnelle.

 » On est là pour se préparer, mais aussi pour améliorer ce qui n’a pas fonctionné cette saison, en vue de la saison prochaine « , explique Dimata.  » Avec l’effet de groupe, c’est encore plus facile. Je dois dire que la Godson nous fait vivre dans un cadre très professionnel. Et ce n’est pas la première fois qu’on fait une telle préparation. Ils ont toujours été près de moi, depuis le départ. Aujourd’hui, si j’en suis là, c’est aussi grâce à eux. « 

Ils doivent une fière chandelle à la Godson.
Ils doivent une fière chandelle à la Godson.© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

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