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L’adieu d’Agüero à City: fin de la Kun Kun Mania

Frédéric Vanheule
Frédéric Vanheule Frédéric Vanheule is redacteur bij Sport/Voetbalmagazine.

Après dix ans, l’attaquant argentin Sergio « Kun » Agüero va quitter Manchester City. Au-delà de l’aspect émotionnel, le côté business de ce transfert ressort également. Et son bilan tient en un mot: buts!

Il y a une quinzaine de jours, en pleine trêve internationale, Manchester City a lâché une petite bombe: une nouvelle légende s’apprête à quitter le club. Après Pablo Zabaleta, Yaya Touré, Vincent Kompany et David Silva, c’est le buteur argentin Sergio Agüero (32 ans) qui s’apprête à dire adieu aux Skyblues. Son contrat ne sera en effet pas prolongé.

Manchester City aimerait engager Erling Haaland pour le remplacer, mais il a aussi contacté Harry Kane, une autre machine à marquer.

Les fans ne s’attendaient pas à cela. Certes, Kompany est rentré à Bruxelles en 2019 pour ranimer Anderlecht et Silva a quitté le club gratuitement l’été dernier, après avoir fait ses adieux dans un stade vide. En réalité, Agüero était le dernier membre de l’équipe championne 2011-2012.

Si ça peut les consoler, Khaldoon Al Mubarak, le président de l’Abu Dhabi United Group – propriétaire du club depuis 2008 – estime que Kompany, Silva et Agüero méritent une statue à proximité de l’Etihad Stadium, car ils sont pour beaucoup dans la transformation de Manchester City. Et méritent donc d’être éternels.

La fin d’un cycle

Mais des informations de cette envergure provoquent toujours une onde de choc. Elles sont même commentées par des gens qui n’ont rien à voir avec le club. En coulisses pourtant, cela faisait un bout de temps qu’on préparait ce départ. En janvier, Agüero a été contaminé par le coronavirus. Il n’a pas beaucoup souffert, mais à son retour, Pep Guardiola l’a laissé sur le banc. Même s’il se sentait plus vite fatigué, l’Argentin avait appris par la direction qu’un nouveau contrat dépendrait de ses paramètres physiques. Et comme il n’y arrivait plus, la fin de cycle était inévitable. Sa valeur marchande est malgré tout estimée à 25 millions d’euros et chaque année, le 13 mai, les journaux de Manchester titrent Happy Agüero Day.

Pourquoi le 13 mai? Parce que ce jour-là, en 2012, à la 93e minute du match contre Queens Park Rangers, Kun a inscrit le but le plus important de l’histoire du club, offrant aux fans des Citizens le titre qu’ils attendaient depuis 44 ans, après avoir compté huit points de retard sur Manchester United à six journées de la fin. En 2014-2015, il est devenu meilleur buteur de Premier League avec 26 buts en 33 matches. Et il est le meilleur buteur de tous les temps du club. Alors, le 10 mars dernier, lorsqu’il est monté au jeu en remplacement de Kevin De Bruyne à 18 minutes de la fin du match contre Southampton (5-2), les supporters voulaient absolument le voir marquer. Et il y est parvenu, histoire de montrer que ses blessures appartenaient au passé et qu’il était revenu à son meilleur niveau. Mais au club, on n’en était pas convaincu. Comme Manchester City lutte encore sur quatre fronts (Premier League, quart de finale retour de Champions League face au Borussia Dortmund le 14 avril, demi-finale de FA Cup le 19 avril contre Chelsea et finale de League Cup le 25 avril contre Tottenham), Guardiola devra sans doute encore faire appel à lui cette saison. Mais sans plus.

Sergio Agüero et Pep Guardiola: sous les ordres du Catalan, Kun a remporté deux Premier League, une FA Cup et trois League Cups.
Sergio Agüero et Pep Guardiola: sous les ordres du Catalan, Kun a remporté deux Premier League, une FA Cup et trois League Cups.© BELGAIMAGE

Les affaires sont les affaires

C’est le président lui-même qui a contacté Agüero pour lui annoncer la mauvaise nouvelle. Par respect pour ses états de service à City (quatre titres, une Coupe d’Angleterre et cinq Coupes de la Ligue), mais aussi pour son comportement irréprochable tout au long de ces années. Comme les stades seront vides et qu’ils ne pourront pas lui rendre l’hommage qu’il mérite, les fans auraient voulu qu’il reste un an de plus, mais les affaires sont les affaires: Manchester City prépare l’avenir et, d’un point de vue purement sportif, Agüero n’a plus le niveau exigé. On a évoqué un conflit avec Guardiola, mais ce n’est pas le cas. Le coach catalan a toujours affirmé haut et fort combien il admirait l’attaquant arrivé de l’Atlético de Madrid en 2011, entre-temps devenu un des meilleurs joueurs de l’histoire du club. Car à partir de 2016, ils ont beaucoup travaillé pour changer son style de jeu et le rendre plus efficace. Guardiola voulait qu’il soit plus mobile et plus rapide, comme un attaquant moderne se devait de l’être.

Le timing semble avoir été bien étudié. Cette saison, son genou lui a causé beaucoup de soucis. Au sein du staff technique et du staff médical du club, on ne croit pas que les choses changeront de façon drastique. En prenant la décision dès maintenant, le club peut déjà scruter le marché des transferts à la recherche du remplaçant idéal. Car c’est en mars et en avril qu’il faut contacter les cibles potentielles.

Par le passé, City en a loupé quelques-unes ( Alexis Sánchez, Jorginho, Harry Maguire, Frenkie de Jong), mais il a tout de même réussi à engager Ilkay Gündogan, Bernardo Silva, Ederson, Nathan Aké et Ferran Torres. Même les transferts de Kyle Walker et Benjamin Mendy, qui ont mis plus de temps à se concrétiser, étaient préparés depuis longtemps. En ce qui concerne la succession d’Agüero, on parle beaucoup d’ Erling Haaland (vingt ans), mais le père de l’attaquant de Dortmund, Alf-Inge (qui a joué en défense et dans l’entrejeu à Manchester City de 2000 à 2003), fait actuellement le tour d’Europe des grands clubs en compagnie de Mino Raiola. Pour parer à toute éventualité, City a donc également contacté l’international anglais Harry Kane (27 ans, encore sous contrat à Tottenham jusqu’en 2024), une autre machine à marquer.

Quel avenir?

Agüero, lui, peut d’ores et déjà se mettre à la recherche d’un nouvel employeur. L’attaquant, qui a eu un fils avec Gianinna Maradona (fille de), dont il est séparé depuis 2012, a encore un peu de temps devant lui. Il est probable qu’il rejoindra la Serie A (la Juventus ou l’AC Milan, où il succéderait à Mario Mandzukic), ce qui permettrait à sa compagne argentine Sofia Calzetti (24 ans), avec qui il est en couple depuis février 2014, de travailler comme modèle photo dans le pays de ses rêves. Mais si son grand ami Lionel Messi, parrain de son fils et compagnon de chambrée depuis 2005 en équipe nationale, parvient à convaincre la direction de Barcelone et Ronald Koeman, il n’est pas impossible qu’il débarque en Catalogne. L’entraîneur néerlandais aimerait toutefois un attaquant plus jeune et plus explosif. On n’en est pas encore là.

Les fans de City ne s’attendaient pas au départ du dernier membre de l’équipe championne 2011-2012.

À City, on sait qu’il ne sera pas évident de trouver un successeur à Agüero, mais on estime aussi que c’est la clé pour l’avenir. Car au cours des quatre dernières saisons, l’attaquant brésilien Gabriel Jesus (23 ans), arrivé de Palmeiras pour 32 millions d’euros en 2017, n’a pas vraiment réussi à sortir de l’ombre d’Agüero. Il n’a pas le même impact sur le jeu et certainement pas autant de sang-froid devant le but. Or, il est encore sous contrat jusqu’en 2023.

Agüero a une façon bien à lui d’inscrire des buts: il entre en possession du ballon, marque une petite pause, effectue un mouvement vers l’arrière et adresse un tir puissant dans l’angle le plus fermé. C’est ainsi qu’il a marqué à Everton (2-3) le 3 mai 2014, lorsque les Citizens ont décroché leur deuxième titre sous la direction de Manuel Pellegrini, après avoir été champions une première fois sous Roberto Mancini. Idem lors du mach retour des quarts de finale de Champions League contre Tottenham, en avril 2019 (4-3). Ou lors du 2-1 contre Liverpool en 2018-2019, but qui a offert le titre à Manchester City.

L'adieu d'Agüero à City: fin de la Kun Kun Mania
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Impitoyable

L’apport d’Agüero au football anglais ne se limite pas à ce moment inoubliable de mai 2012 face à QPR. C’est un joueur qui, plus que tout autre de sa génération, maîtrise l’art du but à la perfection. Ce qu’Agüero fait ne demande guère d’explication. Pas besoin d’analyser en profondeur les images pour connaître sa valeur. Le Sud-Américain a longtemps représenté l’essence même du football: marquer des buts.

Les preuves sont là. Toutes compétitions confondues, Agüero a inscrit 257 buts en 385 matches sous le maillot de City. En Premier League, l’attaquant d’origine espagnole (il s’appelle officiellement Sergio Leonel Agüero del Castillo, ce qui, en 2010, lui a permis d’obtenir un passeport espagnol) a secoué les filets à 181 reprises. Seuls Alan Shearer (260), Wayne Rooney (208) et Andy Cole (187) ont fait mieux. Des chiffres d’autant plus impressionnants qu’il avait déjà 23 ans lorsqu’il est arrivé en Angleterre.

Agüero est impitoyable et s’est inscrit dans la durée. Il a claqué au moins seize buts au cours de huit de ses dix saisons au plus haut niveau du football anglais. Il a même atteint la barre des vingt buts à six reprises, dont cinq consécutives. Mais malgré ces stats, il ne sera probablement jamais cité parmi les meilleurs attaquants étrangers de Premier League. Il n’a pas autant de charisme qu’ Eric Cantona, l’enfant terrible français qui a changé le visage du championnat d’Angleterre, tout en jouant habilement avec les médias et le public. Les interviewes d’après-match d’Agüero se limitent souvent à des sourires faciles et des clichés tels que « Je suis content d’avoir marqué » ou « Le mérite de la victoire revient à toute l’équipe. » Il n’a pas non plus la grâce d’un Thierry Henry. Même des attaquants qui sont restés moins longtemps que lui ( Cristiano Ronaldo, Fernando Torres, Robin van Persie ou Luis Suárez) mettaient davantage le feu qu’Agüero. Mais le cinquième titre qu’il devrait bientôt fêter fera de lui le recordman de l’histoire du club.

Au cours de la saison 2017-2018, Amazon lui a consacré un documentaire, All or Nothing. En entrant chez lui, les cameramen et les journalistes ont été frappés par la simplicité dans laquelle il vivait, entouré des maillots et des ballons de matches lors desquels il a signé des hat-tricks. Agüero a admis que, hormis les jours où son fils lui rendait visite, une fois par mois, il passait la plupart de son temps à regarder des films d’action ou policiers. Comme il vivait seul, il n’aimait pas les films d’horreur. Mais à l’époque, on ne parlait pas encore de Sofia Calzetti.

Sergio Agüero

Naissance

Quilmes (Arg) le 02/06/1988 – 1,73 mètre – 70 kilos – Droitier

Carrière Équipes d’âge

97-03 Independiente (Arg)

Professionnel

03-06 Independiente (Arg) 56 matches 23 buts

06-11 Atlético de Madrid (Esp) 230 matches 100 buts

11-21 Manchester City (Eng) 385 matches 257 buts

Équipe nationale

97 matches 41 buts

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Kun

Sur son maillot, c’est Kun qui apparaît au lieu de Agüero. Ce surnom lui a été donné par ses grands-parents lorsqu’il était petit, en référence au héros d’un film d’animation japonais, Kum-Kum. Il paraît que la ressemblance était frappante. Le personnage principal de ce film était malicieux, mais gentil. « J’ai appris à apprécier ce surnom, car il est unique », disait l’attaquant à la BBC, en mai 2008. « Ce n’est pas tous les jours qu’un athlète reçoit le nom d’un héros de dessin animé. »

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