© GETTY

KRC Genk 2.0

S’il veut que Genk joue à nouveau un rôle au plus haut niveau, le nouvel entraîneur des Limbourgeois devra surtout ôter les doutes. Qu’est-ce qui a foiré au cours des derniers mois ?

Ils étaient 27 à reprendre l’entraînement, le 26 juin dernier. Les nombreux curieux qui se pressaient au bord du terrain étaient surtout venus pour voir le nouvel entraîneur, Felice Mazzù. Car à l’époque, Genk n’avait pas encore transféré beaucoup de joueurs. Parmi les spectateurs, on retrouvait beaucoup d’Italiens et après la séance, Mazzù, tout sourire, avait répondu aux sollicitations des fans. Le staff technique et les proches de l’équipe étaient conquis également : le Carolo était déjà comme chez lui à Genk.

Cela faisait un peu bizarre de le voir s’exprimer en anglais mais ça fait déjà des années que les étrangers de Genk ne connaissent pas un mot de néerlandais. Rien de bien grave, donc, à condition que son anglais soit suffisamment bon pour que le groupe le suive.

Parmi les 27 joueurs, 14 étaient des espoirs et deux seulement, des transferts : Théo Bongonda et le jeune Suédois Benjamin Nygren (17 ans). Seuls cinq  » champions  » étaient présents. Les absents : six internationaux U21 qui disputaient l’EURO, trois joueurs présents à la Coupe d’Afrique ou dans une compétition en Amérique du Sud, Sander Berge et Ruslan Malinovskyi, toujours en vacances. L’Ukrainien avait d’ailleurs fait savoir qu’il ne voulait plus porter le maillot de Genk. Pour Mazzù, c’était un premier coup dur.

Tout au long de la préparation, le nouvel entraîneur allait devoir jouer au puzzle sans avoir toutes les pièces à sa disposition et en sachant que d’autres pouvaient lui être enlevées. Quelle différence avec Charleroi, où il perdait chaque année ses meilleurs joueurs mais où il pouvait compter sur une ossature déjà en place.

De Condé y croit

Trois jours plus tard, Genk disputait son premier match amical à l’Eendracht Termien. Seuls quatre joueurs de l’équipe championne montaient sur le terrain en compagnie de Bongonda, Nygren, quelques joueurs de retour de prêt et les meilleurs espoirs. À trois bonnes semaines de la reprise du championnat, impossible de dégager une équipe-type de cette sélection.

En stage à Horst, Sander Berge et Ally Samatta ne semblaient plus vouloir partir et Genk frappait un grand coup en engageant Ianis Hagi.

Dimitri de Condé y croyait :  » Si nous parvenons à garder ces joueurs pendant deux ou trois ans, nous aurons une équipe fantastique.  » Il ne regrettait pas de n’avoir parlé qu’une seule fois avec Bernd Storck et Marc Brys avant d’opter pour Mazzù.  » Nous ne voulions pas d’un entraîneur qui ne pense qu’à la Ligue des Champions et pas au championnat. Mazzù était donc notre candidat numéro 1. On le critiquera peut-être en fonction des résultats mais même si c’est le cas, nous devons rester convaincus d’avoir fait le bon choix. À long terme, Mazzù réussira.  » Mi-juillet, De Condé était donc formel :  » Même s’il rate son départ, Mazzù ne sera pas limogé.  »

Hannes Wolf
Hannes Wolf© GETTY

À une semaine du début du championnat, Genk remporte la Supercoupe. Ce premier trophée, Mazzù le dédie à Philippe Clement, dont il a repris le 4-3-3.  » Pourquoi changer un système qui a porté ses fruits ? « , demande-t-il. Ce soir-là, Malines est très faible. Berge se balade sur le terrain mais le rythme est moins élevé que la saison dernière et les éclairs de Trossard, Malinovskyi, Pozuelo ou Ito font défaut. Pareil lors de la première journée de championnat, lors de laquelle huit joueurs de l’équipe championne sont alignés. Mais Genk l’emporte grâce à des buts de Nygren et Hagi.

Cauchemar à Salzbourg

Début septembre, toute le monde est soulagé : le mercato est terminé et Berge, Samatta et Joakim Maehle sont toujours là. Le médian Patrik Hrosovsky (5 millions d’euros) et l’attaquant Paul Onuachu (6 millions) ne sont toutefois arrivés qu’un mois après le début du championnat, juste avant la Ligue des Champions.

Le 1er septembre, un premier vrai test attend Genk au Club Bruges. Pendant une mi-temps, l’équipe n’est nulle part mais après la pause, l’entrée au jeu de Hrosovsky lui permet de redresser la barre et de faire trembler l’adversaire. Cette mi-temps doit servir de référence pour les tâches futures quand ça ira mal mais quelques semaines plus tard, à Salzbourg, ce n’est pas du tout le cas.

Genk prend une dégelée (6-2) et Mazzù a le masque. Les gros plans des caméras trahissent son impuissance. Quelques semaines plus tard, dans une interview accordée à Marc Degryse pour Het Laatste Nieuws, il reconnaît que ce match a été un cauchemar qui va le poursuivre toute sa vie. Une réaction honnête qui caractérise parfaitement Mazzù mais qui n’enlève pas les doutes de sa tête ni de celle de ses joueurs. Au contraire.

Par la suite, Genk ne va plus livrer qu’un seul véritable bon match : contre Naples. Un nul face à un candidat au titre de champion d’Italie, qui a battu Liverpool deux semaines plus tôt, ça fait du bien. Mais on a un peu oublié que Naples n’est aujourd’hui que sixième en Serie A et que son entraîneur, Carlo Ancelotti, est contesté. Tout ça pour dire qu’il ne fallait pas non plus surévaluer cette équipe.

Après ce match, Genk ne fait plus rien de bon. Face au Cercle, lanterne rouge, il est malmené. Dans les loges, les dirigeants voient comment un entraîneur avec qui ils ont discuté a redressé le Cercle en deux semaines, en misant avant tout sur les qualités de l’équipe. C’est justement ce qui manque à Genk depuis le début de saison. Le club limbourgeois n’aurait-il pas dû approfondir les discussions avec Bernd Storck ? Ou s’est-il braqué sur le fait que celui-ci voulait amener tout son staff ?

Coup de massue face à Eupen

Le coup de massue, pour Mazzù, c’est le match contre Eupen. Rapidement menée 0-2, son équipe est incapable de réagir. Après le match, Berge parle de shit-game :  » Nous parvenons toujours à bien jouer pendant une partie du match mais jamais assez longtemps. Nous sommes trop lents, trop prévisibles.  »

Alors que Beñat San José, l’entraîneur d’Eupen, a trouvé la bonne formule juste à temps, Mazzù la cherche toujours désespérément. Trois jours plus tard, à Liverpool, il teste un troisième système : après le 4-3-3 de Philippe Clement et un 4-4-2 lui permettant d’amener plus de monde dans le rectangle au détriment de l’entrejeu, il limite les dégâts en 5-3-2.

Au retour de Liverpool, le président Peter Croonen assure que, si Genk ne limoge pas son entraîneur, ce n’est pas uniquement parce qu’il n’a pas de plan B :  » Nous savons que, si nous prenons une décision, il y aura des conséquences. Mais ça ne veut pas dire que nous discutons déjà avec un plan B.  »

Dans le match de la dernière chance, Mazzù assiste, impuissant, à la domination gantoise. Seul Berge joue à son niveau mais ce n’est pas le genre de joueur qui fait la différence à lui tout seul. Les consultants lui reprochent d’ailleurs de surgir trop peu souvent dans le rectangle. Ses statistiques ne sont pas celles d’un joueur de top niveau.

Lors de la conférence de presse d’après match, Mazzù a du mal à contenir ses larmes. Personne ne lui en veut car c’est un brave type. Mais à ce niveau, ça ne suffit pas. Surtout dans un club qui a placé la barre très haut.

Ce n’est que le mardi matin que Genk se met à la recherche d’un successeur. Quelques noms se trouvent sur sa short-list : Bernd Storck, qui vient à peine de reprendre le flambeau au Cercle, Wouter Vrancken, qui réalise du bon travail à Malines et Besnik Hasi, ancien de la maison, actif en Arabie saoudite. Des patronymes aux consonances familières, auxquels s’ajoute un candidat allemand de 38 ans, Hannes Wolf. C’est lui, finalement, qui décrochera la timbale. Le fait d’avoir réussi la montée avec le VfB Stuttgart et d’aimer travailler avec les jeunes ont convaincu le président Peter Croonen.  » Il présente un profil qui cadre avec notre philosophie et a fait montre de beaucoup d’enthousiasme en exposant ses plans « , observe-t-il. Reste, à présent, à inverser la tendance en championnat.

Zone de confort

Tout le monde est bien d’accord pour dire que le noyau de Genk a un potentiel plus élevé que ce qu’il a montré jusqu’ici mais la tâche du nouvel entraîneur ne sera pas simple.

Début septembre, Dimitri de Condé disait qu’il attendait de Hrosovsky, Bongonda et Onuachu qu’ils tirent immédiatement l’équipe mais aucun des nouveaux joueurs n’a encore atteint son niveau. Quant aux anciens, ils sont loin d’afficher leur niveau de la saison passée.

De Condé, qui est déjà intervenu à trois reprises cette saison pour fustiger ses troupes, n’a plus envie de revenir sur le fait qu’il a soudain changé d’avis alors qu’il y a deux mois, il était convaincu que Mazzù contribuerait à écrire l’histoire de Genk.

 » Je peux juste vous dire que nous avons constaté que l’entraîneur éprouvait des difficultés à s’imposer au plus haut niveau.  » Question de langue ?  » Je n’ai jamais entendu un joueur se plaindre de la qualité de l’anglais de Mazzù ou dire que ça posait problème. Si ça a joué un rôle, c’était secondaire. Ce n’est pas la raison principale pour laquelle il a échoué.  »

En fait, Mazzù était trop content et trop impressionné de pouvoir entraîner un club qui dispute la Champions League. À chaque défaite, il se demandait s’il en était vraiment capable. Son problème, c’est qu’il ne croyait pas suffisamment en lui. Quand un entraîneur doute, les joueurs le remarquent et se mettent à douter eux aussi. Mazzù n’a jamais su faire passer son message parce que lui-même n’y croyait pas suffisamment et ça se sentait. C’est à cela qu’il doit remédier pour la suite de sa carrière et c’est l’erreur que son successeur ne doit pas commettre.

KRC Genk 2.0
© GETTY

Un entraîneur tous les 17 mois

Hannes Wolf, le nouvel entraîneur de Genk, sera le douzième en onze ans. Au cours des 24 dernières années, le club limbourgeois a utilisé 17 entraîneurs, sans compter les huit intérims de Pierre Denier, aujourd’hui team manager et de quelques autres. En moyenne, un entraîneur tient 17 mois à Genk.

Le recordman, c’est Aimé Anthuenis (4 ans). Pour lui, Genk n’est pas un club difficile.  » Au contraire, c’est le club où j’ai eu le plus d’impact sur l’aspect sportif. La direction tenait compte de mon avis, même si c’est plus facile quand on gagne que quand on perd.  »

On parle souvent de la structure de Genk, seul club pro belge encore en ASBL et où chaque membre du conseil d’administration a son mot à dire, ce qui retarde les décisions. Mais Anthuenis, affirme que ça ne l’a jamais dérangé.  » C’est vrai que lors de ma première réunion, ils étaient bien cinquante autour de la table mais j’ai vite compris qui décidait.  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire