KNOCKING ON HEAVEN’S D’HOORE

Jolien D’hoore dit avoir souffert mille morts lors de la course aux points de l’omnium mais elle a repoussé le seuil de la douleur pour arracher une médaille, l’objectif pour lequel elle a travaillé avec énormément d’assiduité pendant quatre ans.

« Les règles de l’omnium féminin sont simples : les participantes font des tours de piste dans six épreuves et à la fin, c’est Laura Trott qui gagne « , a tweeté une journaliste britannique après les  » épreuves multiples du cyclisme « , mardi dernier. A 24 ans à peine, la Britannique a conquis sa 24e ( ! ) médaille d’or dans un grand championnat, dont quatre sur quatre aux Jeux olympiques de 2012 et 2016. Les pistiers britanniques ont conquis six des dix titres olympiques à Rio et ils sont tellement impressionnants que la télévision brésilienne a qualifié Sarah Hammer (32) et Jolien D’hoore (26) de  » numéros un et deux du commun des mortelles « .

Le fait que la cycliste de Schelderode ait dû laisser la deuxième place à Hammer, plus expérimentée et nettement plus forte (elle avait déjà été deuxième derrière Trott à Londres), est secondaire : après une cinquième place en 2012, deux quatrièmes places et une sixième lors des trois derniers championnats du monde, elle tient enfin sa médaille ! Pourquoi a-t-elle réussi à Rio après avoir à chaque fois échoué de peu ? Parce que, au cours des quatre dernières années, D’hoore a affûté tous ses points forts.

Elle a, pour cela, bénéficié en partie du team que la fédération flamande a créé autour d’elle avec le sélectionneur fédéral de la piste Peter Pieters, le coordinateur de sport du haut niveau et responsable des entraînements Koen Beeckman, le responsable du matériel et de l’analyse des tests Erwin Koninckx, la diététicienne Stéphanie Scheirlinck et le psychologue Bert De Cuyper. Une équipe qui se réunissait chaque mois afin de fixer le trajet qui devait emmener D’hoore à Rio.

RÉGIME STRICT

Premier point important : un programme sur route plus léger que les autres années. Ce qui n’était pas évident car, depuis 2015, la Flandrienne est sous contrat avec la grande formation britannique Wiggle-High5.  » Jolien s’est fracturé une côte début janvier (elle a chuté à la Coupe du monde à Hong Kong, ndlr) et n’a plus couru jusqu’aux championnats du monde sur piste, début mars à Londres « , dit Koen Beeckman.  » Cela s’est vu à ses résultats : elle manquait de fond dans les épreuves les plus longues (scratch, course par élimination, course aux points), celles où elle brille traditionnellement.

Elle a retrouvé progressivement la condition en participant à plusieurs petites courses par étapes et en alternant avec des séances spécifiques sur piste (à haute fréquence de pédalage et sur grand braquet), ainsi qu’en augmentant la puissance et la corestability pour travailler ses points faibles (la poursuite, le tour de piste et le 500 mètres). De plus, en mai, Jolien a passé trois fois cinq jours dans la chambre de haute altitude du centre Bakala de Louvain. A la maison, elle dormait dans une tente pressurisée prêtée par la fédération et installée dans son jardin (près des poules et des chèvres, dit D’hoore, ndlr). »

 » Avec l’aide de la diététicienne Stéphanie Scheirlinck, Jolien a également suivi grâce à une application un régime strict adapté à la consommation de calories des entraînements ou de la course du jour. En fonction de cela, elle mangeait plus ou moins de blancs d’oeufs ou d’hydrates de carbone : chaque gramme était compté. Elle a ainsi perdu 5 % de masse graisseuse sans perdre de poids, ce qui signifie qu’elle a augmenté sa masse musculaire. Et cela s’est vu car ses capacités maximales mesurées sur cinq secondes pendant des efforts de 30 secondes, une minute et cinq minutes a augmenté de plus de 10 %. Au plus haut niveau, c’est énorme.  »

MATÉRIEL PERFORMANT

Elle a également accordé beaucoup d’importance au matériel.  » Jolien a subi plus de 20 tests dans le nouveau tunnel à vent de Flander’s Bike Valley à Paal « , dit Beeckman.  » Cela lui a permis de trouver la meilleure combinaison casque/équipement/position. Ridley a également fabriqué de nouveaux vélos spécifiques pour la poursuite et le tour de piste. Du matériel de grande qualité et super aérodynamique comme les roues, la combinaison, les chaussettes, le casque et les chaussures de Jolien. Cet ensemble représente un gain d’une seconde par kilomètre, sans compter que Jolien se fatigue moins.  »

Toutes ces améliorations se sont vues aux championnats du monde de Londres mais plus encore à Rio où, en poursuite (3 km), D’hoore a battu son record personnel (au niveau de la mer) de plus de six secondes, décrochant la troisième place. Sur 500 mètres, malgré un mauvais départ, elle a terminé quatrième et a également amélioré son record personnel au niveau de la mer. Seul le tour de piste fut moins bon, avec une septième place à la clef.

D’hoore a compensé par deux deuxièmes places au scratch (une épreuve de 10 km) et à la course par élimination (chaque fois derrière l’inaccessible Trott) ainsi qu’une troisième place à la course aux points – bien mieux qu’aux championnats du monde à Londres.  » C’est dû au fait qu’elle a plus de fond et d’endurance mais également aux nombreuses analyses vidéo des concurrentes « , dit Beeckman.  » Jolien était préparée à tous les scénarios et elle a chaque fois choisi la bonne tactique, même lorsqu’elle était sur les rotules, comme lors des vingt derniers tours de la course aux points. A ce moment-là, c’est sa volonté qui a fait la différence car cette fille est une véritable acharnée.  »

SEULE AU MONDE

Contrairement aux années précédentes, où elle se mettait parfois trop de pression, la cycliste de Schelderode est apparue étonnamment détendue à Rio, ne laissant place aux émotions qu’après coup.  » Comme à Londres 2012 – une expérience cruciale dont elle a tiré les enseignements à Rio -, Jolien s’est isolée du monde : pas de gsm, pas d’ordinateur portable, pas de réseaux sociaux et très peu de contacts avec ses parents.  » Elle se détendait en lisant « , dit Beeckman.  » La fédération avait loué un appartement tout près du vélodrome – le village olympique étant assez éloigné – et Jolien s’y relaxait sur le temps de midi, entre deux épreuves. Elle est ainsi restée concentrée et calme pendant deux jours.  »

Un aspect très important pour quelqu’un qui s’est préparé de façon aussi fanatique que D’hoore et a tout sacrifié pour un objectif, y compris sa vie sociale.  » Si Jolien devait prendre un avion à dix heures, elle se levait à six heures pour pouvoir s’entraîner avant « , dit Beeckman.  » Ce n’était pas un problème pour elle car, la plupart du temps, elle se couchait entre 21 h et 22 h. Elle suivait également son régime de façon scrupuleuse. Le soir de sa médaille, elle a mangé des frites pour la première fois depuis novembre 2015… Et croyez-moi : après des mois de vie et d’entraînement spécifiques, elles avaient une saveur particulière.  »

PAR JONAS CRETEUR ENVOYÉ SPÉCIAL À RIO – PHOTO BELGAIMAGE

 » Quand Jolien était sur les rotules, c’est sa volonté qui a fait la différence. Cette fille est une véritable acharnée.  » – KOEN BEECKMAN

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