« Kim peut encore progresser »

Le point sur le présent et l’avenir de la Limbourgeoise.

A 31 ans, Karl Maes est un coach heureux. Cela fait en effet six années qu’il s’occupe tennistiquement de Kim Clijsters, la sixième joueuse du monde. Enseignant issu du Centre d’entraînement de la VTV, la ligue flamande de la fédération, Karl Maes travaille maintenant à temps plein aux côtés de la Limbourgeoise.

Il a intégré le cercle qui entoure la joueuse et réussi à trouver sa place entre le très présent papa Léo et le très populaire Lleyton Hewitt. A la veille du départ vers les Etats-Unis où il restera pendant plus de sept semaines, il fait le bilan d’une demi-saison pleine d’exploits et, aussi, d’enseignements.

Parlez-nous un peu de l’évolution de Kim depuis le début de l’année. Que s’est-il réellement passé pour qu’elle passe aussi vite du statut de grand espoir à celui de Top 10 mondial?

Karl Maes : Je crois qu’elle a eu un très bon départ à l’occasion du tournoi de Hobart qui constituait une excellente préparation pour l’Australian Open. Et à Melbourne, même si la défaite face à Lindsay Davenport était décevante, Kim a très bien géré le fait d’être tête de série, ce qui était une nouveauté pour elle. Elle a gagné ses trois premiers tours très facilement et, malgré la défaite face à l’Américaine, elle s’est rendu compte qu’elle avait déjà le niveau pour être dans le Top 20 ou le Top 10. C’est à ce moment qu’elle a assimilé le fait qu’elle faisait partie des 10 ou 15 meilleures joueuses du monde. Les mois suivants n’ont finalement apporté que la confirmation de cet état de fait. A Scottsdale et, surtout, à Indian Wells, elle a encore connu un autre déclic, principalement lorsqu’elle a battu Martina Hingis en demi-finale. Pour une carrière, battre la numéro 1 mondiale et être proche de la victoire face à Serena Williams en finale constituent des événements importants qui ouvrent encore davantage les yeux. Qui apportent des preuves tangibles du niveau de jeu.

« Les résultats sont arrivés très vite »

Dans votre planning, vous prévoyiez d’aussi bons résultats aussi rapidement?

Non, pas aussi vite. C’est même difficile d’affirmer que l’on était certain que sa joueuse atteindrait un tel niveau. Il y a tellement de choses qui peuvent arriver qu’il est très dangereux d’élaborer un calendrier précis. Le fait qu’elle soit montée aussi vite constitue une grande surprise pour elle, pour moi et, je pense, pour toute la Belgique.

Cette rapidité de progression risque de poser un problème à moyen ou long terme?

Kim a franchi quelques caps dans sa carrière, même quand elle avait moins de 14 ans, qui me faisaient penser qu’elle jouait un peu au-dessus de son niveau réel. Pourtant, elle a toujours très bien négocié ces étapes. Je pense donc qu’elle devrait être capable de gérer celle-ci et qu’elle pourra continuer à progresser ou, à tout le moins, à répéter ses performances.

Y a-t-il des événements qui lui font perdre la tête?

Non, franchement, non. Là, je pense qu’elle est la même joueuse qu’il y a quelques années. Son environnement familial aide énormément et fait tout ce qu’il faut pour qu’elle reste calme.

Vous ne pouvez cependant nier qu’elle est la cible de beaucoup de sollicitations.

Sans aucun doute et c’est pour cette raison que nous devons apprendre à gérer les demandes diverses qui émanent des médias, des sponsors et du public. Je suis bien conscient que Kim n’est pas la joueuse la plus disponible pour la presse mais nous devons absolument être capables de dire non et de faire le tri dans les propositions. Au niveau qui est le sien, tout le monde veut avoir accès à Kim. Qu’il s’agisse de reporters ou de gens du grand public, de nombreuses personnes veulent se l’approprier, ce qui n’est évidemment pas possible. Nous n’avons pas d’autre choix que de la protéger. Mais, dans des circonstances normales, je peux vous garantir qu’elle est demeurée la même fille, la même joueuse qu’il y a quelques saisons.

« Elle râle de ne plus pouvoir faire du vélo avec Lleyton »

Tout ce qui se passe autour du tennis l’énerve?

On ne peut pas dire que cela l’énerve. Ce n’est sans doute pas le bon mot. Mais cela la gêne de ne plus pouvoir rouler en vélo avec Lleyton sans qu’on l’arrête dans la rue. Elle n’aime pas non plus le fait de ne pouvoir aller faire ses courses de manière discrète. Mais cela, ce sont les désavantages d’être une star et elle doit vivre avec cela.

Vous avez la sensation qu’elle est aujourd’hui connue de la plus grande majorité des Belges?

Oui, vraiment oui. Cela va même plus loin puisque même quand elle n’est pas là, on en entend parler. D’elle et de Justine. Toutes les deux sont désormais des stars. Alors qu’avant, seuls les connaisseurs ou les amateurs de tennis pouvaient les reconnaître, aujourd’hui, même les personnes qui ne s’intéressent pas à ce sport savent qui elles sont. Ce sont des vedettes. Manifestement, la presse a fait son boulot lorsque nous étions à Paris ou à Londres.

Pour vous, cette réussite de Kim constitue également un changement important, tant au niveau financier que de la notoriété. Comment le coach réagit-il face à ce succès?

Tout ce qui se passe avec Kim se répercute de manière moins forte pour le coach. Il y a certes une reconnaissance évidente de la part du milieu et je ressens une grande satisfaction. Mais je reste distant de tout ce battage. Il est indispensable que je me montre un peu plus éloigné qu’elle du centre d’intérêt car Kim a besoin d’avoir dans son entourage des gens qui ne se grisent pas du succès. C’est super ce qui se passe mais il ne faut pas trop se laisser prendre par le rêve. Cela dit, je sens très fort que tout le monde sait que je m’occupe de Kim et je perçois cela de manière assez importante lorsque je suis en Belgique. Globalement, toutefois, cela ne change rien pour moi.

« Globalement, sa technique est stabilisée »

Quelle est votre relation avec Kim en dehors du terrain?

Cela fait six ans que je travaille avec elle à temps plein ou quasiment. Tout au long de notre collaboration, j’ai voulu l’éduquer de telle manière qu’elle soit indépendante en toutes circonstances. Cela veut dire que, d’année en année, je m’occupe de moins de choses. Plus elle vieillit, et moins je l’assiste dans certaines tâches quotidiennes. Il faut qu’elle ait de moins en moins besoin de moi en dehors du terrain.

Vous pouvez nous donner un exemple?

Quand elle avait 12 ans, nous étions à Draguignan avec d’autres joueuses de son âge. Chaque jour, j’organisais un petit concours qui consistait à donner des points aux joueurs qui avaient le mieux rangé leur chambre. Il est évident que je ne fais plus ce genre de truc aujourd’hui. Quand elle avait 14 ou 16 ans, je prenais tous mes repas avec Kim. Nous étions tout le temps ensemble. Maintenant, elle peut aller dîner avec son copain ou quelqu’un d’autre alors que moi je reste à l’hôtel ou je vais dans un autre restaurant. Autrement dit, on se lâche un petit peu.

Et sur le terrain?

Il y a également une évolution. On se connaît tellement bien que l’on n’a plus besoin de beaucoup parler pour se comprendre. La plus grande part du travail est faite. Aujourd’hui, je dois me concentrer sur des petits détails ou sur des petits problèmes qui reviennent régulièrement. Globalement, sa technique est stabilisée.

Quelles sont les plus grandes qualités de Kim en dehors du terrain?

Elles sont un peu les mêmes que sur le terrain. Elle est terriblement volontaire. Si elle veut obtenir quelque chose, elle fera tout pour et, si elle ne l’obtient pas, elle peut se montrer très déçue. Elle est très combattive. Elle combine cela avec une spontanéité naturelle. Elle peut se montrer très relax avec tout le monde.

« Le tennis n’est pas tout pour elle »

Elle donne parfois l’impression de ne pas se rendre compte de ce qui se passe, non?

Je crois qu’elle s’en rend compte mais elle sait aussi que ce qui se passe sur le terrain n’est pas le plus important. Elle aime être sur le court, elle essaye de gagner et déteste perdre mais une fois que le match est terminé, c’est tout. Elle est évidemment plus déçue de perdre une finale qu’un premier tour mais, après le tennis, c’est fini. Deux heures après une défaite ou une victoire, elle peut jouer avec mes enfants, aller au cinéma ou faire des choses normales pour une jeune femme de 18 ans. Cette faculté d’oublier le milieu très rapidement est primordial car cela permet de conserver l’équilibre. Les joueuses qui vivent 24 heures sur 24 pour leur sport sont en danger permanent de rupture. Ce qui n’est pas le cas de Kim.

Son plus grand défaut en dehors du terrain?

De nouveau, c’est comme sur le terrain. A savoir qu’elle est terriblement impatiente. Si elle joue à un jeu de société, et qu’elle sent qu’elle ne parviendra pas à réaliser ce qu’elle veut, elle est capable, comme elle le fait encore parfois au cours d’un match, de vouloir aller trop vite et, donc, de perdre plus vite qu’elle ne l’aurait dû. Dans certaines conversations, on retrouve également cette impatience car elle veut que l’on aille le plus vite possible au but. En fait, elle peut perdre par sa faute deux jeux blancs d’affilée dans un match ou dans sa vie privée. Mais on y travaille et je pense qu’elle s’améliore.

Quel est le rôle joué par Lei, par Lleyton et par vous-même? Vous organisez des discussions au cours desquelles vous planifiez la semaine de Kim?

On a des conversations mais il ne faut pas exagérer. Ce n’est pas à ce moment-là que nous élaborons le schéma de Kim. Il est clair que Lei joue un rôle capital au niveau mental. En tant qu’ancien sportif, il sait exactement comment il faut réagir face à la presse et au public. Lleyton lui apporte l’expérience d’un joueur de haut niveau et le réconfort d’une personne qu’elle aime. Ce sont deux jeunes champions qui partagent leur expérience et qui peuvent s’évader du milieu lorsqu’ils disputent le même tournoi. Quant à moi, je suis censé m’occuper en priorité du travail sur le terrain et de la préparation tactique et mentale des rencontres. Chacun d’entre nous sait exactement quelle est sa place et, comme nous nous entendons très bien, cela ne pose aucun problème.

« Les autres joueuses savent que je ne suis pas disponible »

Vous avez beaucoup de propositions d’autres joueuses?

Non, on ne peut pas dire cela. J’en ai mais pas énormément car les joueuses du circuit savent très bien que je ne suis pas disponible.

Vous avez beaucoup travaillé avec les jeunes et, maintenant, vous êtes responsable de l’une des meilleures joueuses du monde, cela vous satisfait pleinement ou y a-t-il un aspect de votre travail qui vous manque?

Je suis parfaitement heureux dans ma position mais il est vrai qu’aujourd’hui, je n’ai plus la possibilité d’expérimenter des exercices. Quand on travaille avec des jeunes, on se permet de tester des méthodes, ce que l’on ne peut évidemment pas faire avec une joueuse du top. Comme je l’ai déjà dit, je connais Kim à la perfection et je ne dois donc plus beaucoup innover. Je n’ai que 31 ans, ce qui est assez jeune pour un coach d’une joueuse du Top 10 et j’ai parfois la sensation que cela me ferait du bien de m’occuper à nouveaux de jeunes joueurs. Mais je répète que je suis très heureux ou je suis. Comment ne pas l’être, d’ailleurs?

Vous pensez que Kim peut atteindre la première place mondiale?

Cette année, certainement pas. Même si elle gagnait tous les tournois qu’elle disputera jusqu’en décembre, elle ne parviendrait pas à rattraper les quatre premières mondiales. Il y a un véritable fossé. Or, pour être numéro 1 mondiale, il faut non seulement être capable de battre les top 5 mais il faut pouvoir les battre régulièrement. Ce qui n’est pas encore le cas de Kim.

Et plus tard, la première place est envisageable?

Oui, elle est envisageable. Quand on analyse la progression de Kim, on ne peut certainement pas dire le contraire. Mais, ce n’est pas parce que cette place est envisageable qu’elle va y parvenir. Il ne faut pas perdre de vue que, si les quatre premières joueuses sont terriblement fortes, il y a aussi d’autres compétitrices, comme Mauresmo, Seles, Dokic ou… Henin qui visent le sommet également. Les places seront chères mais Kim a certainement le potentiel pour y arriver.

Bernard Ashed

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