Kenneth brille !

Footophage ou cinéphage, il faut avoir vu Looking for Eric. Même si le cinéma ne vous botte guère, vous apprécierez d’y découvrir une histoire de foot, et d’y retrouver un ex-footballeur qui marqua les esprits par sa grande gueule autant que par ses buts,… Eric Cantona est un cas à part ! Du point de vue du foot, qui aurait pu croire qu’un footballeur français qui se plantait en France malgré son talent (à Marseille, Raymond Goethals ne lui fit pas de cadeau..) deviendrait ensuite en Angleterre, à Manchester United via Leeds, l’unique icône du ballon rond non native des Iles ? !

Et d’un point de vue plus people, qui aurait pu croire qu’un footballeur à l’ego un rien démesuré, qui défrayait la chronique en balançant ses vannes râleuses (voire ses studs) dans la tronche de ses opposants, se recyclerait en véritable acteur de cinoche ? Car Cantona l’est devenu en une douzaine d’années et une dizaine de films (sans compter quelques pubs mémorables où s’entremêlent cabotinage et autodérision). Il suffit d’avoir vu L’outremangeur (2003) ou Papillon noir (2008) pour se convaincre d’une sacrée présence de Canto à l’écran, valant bien celle qu’il manifesta dans les grands rectangles…

Par ailleurs, si vous avez des potes cinéphiles que le football irrite ou indiffère, ils se surprendront à y découvrir un humanisme par la grâce d’un réalisateur dont ils maîtrisent le palmarès comme nous celui de Guy Thys : dans Looking for Eric, Kenneth Loach, qui n’en était pas à son coup d’essai en foot puisqu’il avait déjà réalisé My name is Joe (1997), a brillamment (… d’où mon titre idiot ; que les plus jeunes s’informent auprès de leurs aînés) popularisé deux facettes positives de ce sport douteux que nous aimons tant.

Primo et comme dans toute son £uvre, Loach parvient à un cinéma à la fois social et populaire, à la fois bourré d’humour et empathique vis-à-vis des paumés : le but de Loach est de susciter la solidarité via ses films, et il nous fait l’honneur de dire dans celui-ci que le foot, et même plus précisément le supporterisme, peut s’avérer vecteur performant de fraternité.

Secundo, en faisant dialoguer un postier déprimé et son idole (qui surgit dans sa petite chambre, tel un ange,… surtout quand le postier a fumé un p’tit joint !), Loach met en scène la valeur d’exemple qui peut relier l’adulé à l’adulateur : une relation qui ne s’arrête pas à l’émerveillement motivant que ressent le gosse pour sa star, mais qui peut perdurer à l’âge adulte, et peut aider à sortir de la merde lorsqu’on s’y retrouve plongé…

Je n’en dis pas plus sur l’intrigue, y’a rien de plus bête que raconter un film pour susciter l’envie de le voir… surtout qu’ici, le final vaut le déplacement ! Et j’en profite alors pour vous refiler trois autres chouettes films sur fond de foot :

Une famille brésilienne, de Walter Salles, vient de sortir. A Sao Paulo, quatre demi-frères des favelas (dont la mère est supportrice des Corinthians !) tentent de s’en sortir dans la vie, et l’un d’eux le tente par le biais du foot. Salles (à qui l’on doit le magnifique Carnets de voyage qui narrait la jeunesse de Che Guevara) a su garder en mémoire toutes les saveurs footeuses de son enfance à Rio ; et la manière dont il filme la conduite de balle sur terrain vague, caméra collée au corps du porteur, est intéressante.

Sorti en 2006, L’année où mes parents sont partis en vacances se passe aussi au Brésil mais en 1970, quand le Mundial bat son plein en même temps que se durcit la dictature. Cette chronique sociale de Cao Hamburger nous raconte l’histoire de Mauro, 12 ans, laissé seul par ses parents qui doivent fuir le régime : recueilli par la communauté juive de Sao Paulo, le gamin navigue entre tristesse de l’absence et engouement pour les exploits de Pelé, Gerson ou Tostao

El camino de San Diego (2004) est un road-movie de Carlos Sorin, frangin du footballeur argentin qui vient d’arrêter sa carrière. Un jeune bûcheron quitte sa campagne pour effectuer un pèlerinage vers Diego Maradona qu’on annonce gravement malade, pour offrir à son idole une racine sculptée le représentant ! Illustrant la ferveur populaire qu’a pu susciter El Pibe, c’est l’histoire touchante d’un c£ur simple, d’un « supporter » tellement pacifique que le mot en devient incongru…

par bernard jeunejean

« Loach nous fait l’honneur de dire que le foot peut s’avérer vecteur performant de fraternité. »

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