« Keeper, rôle pourri »

Rencontre avec Fabulous Fab. Celui dont le crâne embrassé par Laurent Blanc durant la Coupe du monde 98 est légendaire.

Vous voici dans le paddock d’un circuit automobile… sans avoir tourné le dos au ballon rond !

Fabien Barthez : Effectivement, je figure dans l’organigramme mis en place par Raymond Domenech pour encadrer l’équipe de France. Raymond sait qu’on se comprend mieux entre gardiens et je conseille Steve Mandanda et Hugo Lloris, les jeunes gardiens de but de l’OM et de Lyon.

Vous montez sur le terrain durant les entraînements ou les stages ?

Non, ou alors exceptionnellement quand il faut travailler un détail très précis que j’explique par des gestes. Mais Steve et Hugo n’ont plus besoin de moi pour progresser sur le plan technique. Ils appartiennent au top français et iront très loin. Et puis, ils sont entraînés directement par Bruno Martini et Franck Raviot. J’essaie de leur transmettre une partie du bagage que j’ai accumulé au contact de gars du calibre de Jean Tigana, Alex Ferguson, Laurent Blanc, Didier Deschamps et autres Zinédine Zidane. J’essaie de leur faire profiter de mon vécu afin qu’ils ressortent plus forts des coups durs. Le foot est une école de vie : il reproduit les joies et les peines qui jalonnent l’existence. Quand vous gagnez un grand match, vous planez et avez le sentiment d’être inaccessible. Mais au lendemain d’une défaite ou quand une blessure vous rejette sur la touche au profit d’un gars que vous estimez moins bon, vous êtes envahi par une série de sentiments contradictoires qui ne sont pas évidents à gérer. Il faut pouvoir rebondir et c’est facile à dire mais pas toujours à réussir.

Vos protégés écoutent-ils les conseils ?

Si tel n’était pas le cas, j’arrêterais immédiatement. J’ai toujours fonctionné au feeling : le courant doit passer avec les gens, sans quoi je change de cap. J’attends de ces jeunes qu’ils soient réceptifs mais aussi respectueux des anciens. Je ne leur demande pas de vouer aux aînés une admiration béate et vaine mais je n’accepterais pas qu’ils les considèrent avec dédain.

A leur âge, comment était Fabien Barthez ?

Je travaillais avec des stars du coaching comme Tigana, Jean-Luc Ettori ou Ferguson. Ça te permet de mesurer pleinement le sens des mots compétence et passion. Bien sûr que j’écoutais ce qu’on me disait…

Et entraîneur, vous n’êtes pas intéressé ?

Pas du tout ! Je manque de patience pour réussir dans cette voie. Et je le répète, ma mission chez les Bleus n’a rien à voir avec celle d’un entraîneur, elle se situe sur un autre plan.

Le foot vous passionne-t-il toujours ?

Attendez, je n’ai arrêté qu’en 2006, je ne suis pas un vétéran ! Je n’ai pas le sentiment que mon sport a beaucoup évolué depuis que j’ai raccroché. On me parle régulièrement des sommes mises sur la table par les grands clubs, mais l’argent a toujours joué un rôle majeur.

Vous jouez toujours pour le plaisir ?

Bien entendu, avec mes copains. Mais j’évolue dans le champ, à l’attaque le plus souvent. J’ai un avantage : je sais comment réagissent les gardiens…

Précisément, ne faut-il pas être un peu masochiste pour être celui qu’on surnomme le dernier rempart ?

Le keeper, comme disent les Anglais, est un footballeur anormal puisqu’il a des gants, joue avec les mains et n’a personne derrière lui. C’est un rôle pourri ! Tous les gardiens du monde connaissent ces grands moments de solitude et d’injustice : s’ils sauvent dix balles impossibles mais laissent passer la onzième, on leur dit juste -Dommage, grand. Quand un attaquant loupe dix occasions énormes avant de mettre la onzième au fond, il a toutes les chances d’être considéré comme un héros. Cela dit, c’est jouissif de rentrer au vestiaire en ayant le sentiment d’avoir seul fait obstacle à onze types qui ont tout essayé pour vous prendre en défaut.

Restez-vous en contact avec vos anciens équipiers, ceux qui ont écrit avec vous la légende des Bleus ?

On se voit ou on s’entend… Nous partageons le sentiment d’avoir vécu quelque chose d’exceptionnel et d’appartenir à une génération qui a marqué l’histoire du sport français.

Pensez-vous encore à cette finale de la Coupe du Monde 1998 ?

Tous les jours ! Et j’y penserai toujours. J’aime gagner, et gagner une Coupe du Monde reste ce qu’il y a de plus beau pour un footballeur.

 » Je suis devenu un homme libre « 

Quelles sont aujourd’hui vos priorités ?

Ma famille, mes deux enfants Leni et Aldo, mes parents. Je vis en fonction d’eux et c’est pour eux que j’ai choisi de m’installer en région toulousaine, loin de l’agitation de Paris, Marseille ou Lyon. J’ai été élevé à la campagne et j’estime logique d’y revenir pour mener cette existence finalement très normale auprès des miens.

La célébrité ne vous manque pas ?

J’en ai eu ma dose et là, je suis un homme libre. Cela vaut tous les succès du monde.

Pourtant, votre nom demeure un atout dans le nouveau défi que vous vous êtes lancé, la course automobile…

C’est un atout et un handicap. S’appeler Fabien Barthez ouvre des portes et intéresse des gens, que ce soit des sponsors ou… des responsables de partis politiques qui m’ont proposé de me lancer à leurs côtés, ce que j’ai refusé. Mais ce nom me met une pression supplémentaire car je me trouve sous le feu des projecteurs bien plus que je ne le voudrais alors que j’ai tout à prouver comme n’importe quel néophyte.

Comment vous est venu ce goût du sport automobile ?

J’ai toujours été intéressé par la vitesse et surtout intrigué par la course. Je voulais voir comment ça se passait vraiment dans l’habitacle d’une auto. Et pour les avoir observés dans les séquences de caméras embarquées, j’étais comme fasciné par les pilotes dont l’habileté et le courage me semblaient inaccessibles.

De là à prendre le volant…

A la fin de ma carrière de joueur en 2006, j’ai croisé Jérôme Policand, un pilote professionnel basé comme moi en région toulousaine. Nous étions directement sur la même longueur d’ondes et il est devenu mon mentor. La saison 2008 a été placée sous le signe de l’apprentissage : j’ai acheté une monoplace de Formule Renault qui reste basée au circuit de Nogaro dans le Gers et que j’utilise régulièrement pour m’entraîner. Puis, toujours sous la houlette de Jérôme, je me suis lancé dans le bain en participant à des épreuves de Porsche Carrera, Spider 207, Caterham ; j’ai même pris le volant d’une grosse Dodge Viper à deux reprises.

Et on vous a retrouvé à Dijon-Prenois dans le cadre d’un meeting belge !

J’ai été invité par Pierre-Yves Corthals qui dispute votre championnat des voitures de tourisme sur une SEAT qu’il partage avec un équipier différent à chaque course. Il veut faire cause commune avec des gens n’ayant pas acquis leur notoriété grâce à la compétition automobile et il a pensé à moi à l’occasion du déplacement du peloton belge en France. J’ai tiré honorablement mon épingle du jeu en terminant notamment sur le podium de la catégorie lors de la seconde manche.

Qui est votre modèle dans l’automobile ?

Je dirai Luc Alphand. Il a atteint le top niveau dans son sport, le ski alpin, puis s’est lancé à fond dans une autre voie où il connaît une belle réussite. En plus, il cumule avec succès les rôles de pilote et de team-manager ; or, porter une double casquette n’a rien d’évident.

Vous rêvez d’une nouvelle carrière ?

Je ne me vois pas pilote pro. J’essaie de multiplier les expériences en restant à ma place ; je peux ainsi accumuler le bagage indispensable pour progresser. Mon objectif est de répondre aux attentes et de me faire plaisir. Pour la suite, on verra, même si comme tout sportif, je rêve de gagner. Mais par-dessus tout, je veux privilégier les relations humaines : ne me demandez pas de défendre les couleurs d’un team dont j’estimerais l’ambiance désagréable ou d’épauler un gars que je trouve antipathique, ce sera non.

par éric faure

« Je ne veux pas courir pour un team désagréable ou avec un gars antipathique « 

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