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Le Bruxellois est l’une des pièces maîtresses du conquérant Germinal Beerschot version 2009. Portrait d’un international qui a le vent en poupe.

Saison 2007-2008, Genk mène la vie dure à Anderlecht jusqu’à l’avant-dernière journée. Le Racing fait alors figure de modèle avec ses Belges, ses jeunes, et son foot percutant. Près de deux ans plus tard, l’exemplarité limbourgeoise est devenue obsolète. Entre vrai/faux départ du coach, querelles internes, et résultats en baisse, il y règne une ambiance plutôt kafkaïenne. Faris Haroun profite-t-il aujourd’hui du bon de sortie forcé délivré par les dirigeants de Genk ? Non, si l’on jette un £il sur le classement actuel des Anversois ; oui, si on analyse son temps de jeu : 100 % de présence, hormis une suspension (le 21 février contre Gand) et deux absences en début de saison pour cause de Jeux olympiques.

Les JO, on y vient. Grâce au passage furtif de Marouane Fellaini, Haroun a pu étaler l’étendue de ses qualités. Une compétition vécue comme un bol d’air après une dernière campagne limbourgeoise délicate sous Hugo Broos et Ronny Van Geneugden :  » Les Jeux, c’est jusqu’à présent le plus beau moment de ma carrière « , assure le numéro 9 du Beerschot.  » On jouait dans des stades de 60.000, 70.000 places. On arrivait au match sous escorte policière. La grandeur de l’événement était perceptible. Et puis, on formait un super groupe, capable de s’autogérer.  » Pas question de bisbille chez nos Olympiques, mais de maturité  » sportive  » plutôt précoce.

 » On sent que Faris est un bosseur et qu’il sait hiérarchiser les priorités qu’implique son métier « , précise Jean-François Remy, coach adjoint des Espoirs.  » Et humainement, il est très agréable à vivre. On voit qu’il a reçu une bonne éducation basée sur des valeurs familiales modernes.  » Une description bien éloignée de l’étiquette de râleur collée durant la période genkoise :  » enfant gâté s’entraînant en dilettante et se reposant sur un salaire important « .

Haroun :  » Quand certains dirigeants limbourgeois ont annoncé ce que je gagnais dans la presse, ça a été le début de la fin. Quelque chose s’est cassée. Et pourtant, je n’étais pas le plus gros contrat du noyau. J’avais celui d’un titulaire qui évolue dans un club du top, rien de plus. Quand j’ai signé au Germinal Beerschot, la direction et moi-même nous sommes jurés de ne pas répéter cette erreur et donc de ne pas citer de chiffres. Même si je ne cache pas que le club a consenti un bel effort pour m’attirer. Mais si j’avais été aussi vénal que certains l’affirment, j’aurais signé à Bucarest où l’on me proposait des sommes bien supérieures aux normes belges… « 

Malheureusement, le choix de la métropole anversoise se transforma d’abord en fiasco. Avant-dernière place après 12 journées, Harm Van Veldhoven cédant sa place à Aimé Anthuenis, un Germinal en plein dans la mouise et Haroun qui surnage au beau milieu.  » La balle a rarement tourné en notre faveur en début de saison. Tout n’était pas noir comme on l’a dit, même si les résultats n’étaient clairement pas au rendez-vous. Khalilou Fadiga, sans club depuis cet hiver, a par exemple reçu son lot de critiques, injustifiées d’après moi. On attendait peut-être trop d’ El Fenomeno, d’autant qu’il s’est blessé au mauvais moment, après un bon match face à Anderlecht…  »

Vient alors Anthuenis, mais surtout, peu après, un mercato de mi-saison réalisé avec brio : Bart Goor, Ivan Leko, autant de trentenaires revanchards devenus des coups dans le mille.  » Ces deux éléments ont apporté leur expérience et leur joie de jouer « , précise Haroun.  » Le groupe a commencé à enchaîner les succès et tout le monde a repris confiance en ses moyens. N’oublions pas non plus l’important retour de Daniel Cruz, longtemps blessé, qui a apporté sa touche technique et sa vision du jeu. Quant à Antheunis, il a su mettre en place une équipe où les joueurs sont disposés en fonction de leurs qualités. C’est ça la grande force de notre coach.  »

 » Je me sens libéré « 

Dans ce Germinal Beerschot revigoré par des trentenaires et rapidement détaché de la lutte pour le maintien, box to box Haroun prend son pied. En témoignent ses sept buts inscrits jusqu’ici, alors qu’on soulignait régulièrement ses manquements à la conclusion.  » Cette saison, je me sens libéré « , poursuit Haroun.  » L’accumulation de matches m’a fait le plus grand bien. A Genk, je faisais le trajet banc-onze de base trop souvent. Et puis, je sens qu’on me donne davantage de responsabilités, comme le fait de tirer les penalties par exemple. Notre jeu est aussi plus axial qu’à Genk, où l’on passait souvent par les côtés et où l’on misait sur les centres. Ici, je peux exploiter au mieux mes qualités d’infiltration, de courses.  » Milieu moderne, à la fois à la récupération et en zone de conclusion, Haroun frappe les esprits en galopant sans cesse.

 » Faris a un énorme volume de course « , avance Mario Innaurato, préparateur physique des Olympiques.  » D’une part, grâce à ses prédispositions naturelles, mais aussi par le boulot qu’il accomplit aux entraînements. Dans les tests d’endurance, il faisait partie des meilleurs du noyau olympique alors qu’il a intégré le groupe avec un retard de préparation. Et il est relativement peu blessé, ce qui témoigne immanquablement d’une bonne hygiène de vie.  »

 » Durant l’été, on est allé chez un diététicien pour savoir si au vu de son rapport taille/poids, il pouvait prendre du muscle « , nous explique Axel Smeets (ex-Standard ou Lierse), conseiller sportif d’Haroun.  » Etant donné qu’il n’y avait aucune contre-indication, il s’est entraîné plusieurs semaines avec un préparateur physique individuel, qui lui a permis de gagner trois à quatre kilos de muscle. Ce travail paye puisqu’il arrive, cette saison, à multiplier les changements de rythme.  »

Surnommé Pat Vieira aux entraînements

Aujourd’hui, la cote du Bruxellois ne cesse de grimper.  » Il progresse au fil des semaines « , nous confirme Anthuenis. A 23 ans, il est toutefois le seul du noyau des Diables à ne pas jouer à l’étranger, ni dans un club du top 4 en Belgique. Cette exception peut être vécue à la fois comme une fierté ou provoquer un sentiment de jalousie envers des gars du même âge vivant d’autres enjeux :  » Voir mes potes AnthonyVandenBorre, Vincent Kompany ( NDLR, avec qui il a grandi) Marouane Fellaini ou Moussa Dembélé s’éclater et réussir à l’étranger ne me rabaisse pas, que du contraire : ça me motive à rejoindre un jour un grand championnat. Et puis, toutes ces réussites ne peuvent que faire du bien au football belge dans son ensemble.  »

 » Il ne doit surtout pas se formaliser de ne pas encore évoluer à l’étranger « , assure Jean-François Remy.  » Le fait qu’il soit titulaire chaque semaine est une très bonne chose. Il va continuer à se développer, gagner en rigueur, tout en n’étant pas victime de l’extrême exigence du haut niveau. Aux JO, on a pu voir son efficacité. Aussi bien techniquement, par ses prises de balle peu spectaculaires, mais efficaces, que dans cette faculté à être quatre fois en zone de conclusion et dix fois à la récupération sur un seul match. Aux entraînements, je l’appelais Pat en référence à PatrickVieira. Comme lui, il a trop de qualités techniques pour n’être qu’un médian défensif, mais n’est pas non plus un véritable milieu offensif. Qu’il ne s’inquiète pas, il possède le potentiel pour évoluer à un très haut niveau dans le futur.  »

Mis à part le couac collectif période Van Veldhoven, Faris connaît une saison faste, entamée aux JO. Seuls les cris ( » Haroun Jeanette  » pour les plus gentils) lancés du parcage visiteur lors de Germinal Beerschot-Genk sont venus la perturber.  » Qu’est-ce que vous voulez que je réponde à ça ? Mes ex-supporters m’en voulaient peut-être d’être parti ? Ils ont une image tronquée de moi depuis que les choses se sont dégradées avec la précédente direction. Après avoir inscrit le penalty du 3-1, je suis allé en réponse exprimer ma joie devant eux. Mais aucun de mes gestes n’a été insultant… ce qui n’était pas réciproque. « 

Avec Muhammad Ali ou Nelson Mandela comme modèles, il est vrai, il y avait de quoi voir venir :  » J’ai fortement été imprégné par ces personnages. Ali me fascine par sa façon de se battre dans la vie après avoir essuyé les coups. J’essaye d’y penser quand ça va moins bien, ça me booste. Je ne me plonge pas souvent dans les bouquins, mais j’aime lire les biographies de grands personnages historiques qui font évoluer les choses.  » A son échelle, Faris tente de le faire au travers de FriendlyFoot :  » C’est une ASBL qui vient en aide aux enfants défavorisés du Tchad dont mon père est originaire, de la République Démocratique du Congo et de Belgique. Mon père en est le vice-président et de mon côté, j’essaye de participer à des stages de foot. J’en ferai un l’été prochain avec Moussa Dembélé. Je crois que c’est la moindre des choses, vu notre statut de privilégié.  »

par thomas bricmont – photo: belga

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