Kaunas, here we come !

La réussite des Lions fait saliver les Diables. La clef du succès ? Cinq ans de travail, de persévérance et de sacrifices pour arriver à la construction d’un véritable bloc !

17 ans qu’ils attendaient cela : une qualification pour un Championnat d’Europe. Entre l’EURO 1993 à Berlin et la qualification, fraîchement conquise, pour l’EURO 2011 qui se disputera en Lituanie, un homme sert de fil conducteur : JacquesStas. Il était joueur à Berlin et il est depuis cinq ans l’assistant-coach des Belgian Lions. Plus qu’un assistant-coach, en fait, puisqu’il a activement participé à la mise en place de la structure actuelle.

 » On était en 2005 « , se souvient celui qui est aujourd’hui le manager sportif des Spirou de Charleroi.  » Je venais d’arrêter ma carrière. Jacques Ledure, qui avait pris le pari de redonner vie à une équipe nationale tombée en désuétude, se retrouvait démuni et confronté au départ du coach Giovanni Bozzi. Je lui ai suggéré le nom d’ Eddy Casteels. J’avais eu l’occasion de travailler avec lui à l’époque où je jouais à Malines. Il s’occupait surtout des ailiers et des meneurs, alors que Lucien Van Kersschaever se chargeait des pivots. Au-delà d’être bilingue, Eddy est un entraîneur compétent, méticuleux et surtout passionné par son métier, prêt à aller au bout des choses. Et il y en avait, du boulot ! Les Lions n’avaient pas de budget, car l’essentiel de l’argent disponible allait vers l’équipe féminine, que l’on croyait capable de décrocher un billet pour les Jeux olympiques avec la présence d’ Ann Wauters. L’équipe masculine, elle, n’était nulle part. On ne jouait pas pour une qualification à un Championnat d’Europe : on était astreint à un repêchage pour éviter une relégation en Division C ! Les joueurs boudaient : la plupart ne voulaient pas venir, et ceux qui le souhaitaient en étaient empêchés par leur club, à l’image d’ Axel Hervelle que le Real Madrid ne voulait pas libérer pour un simple repêchage. On a parfois dû puiser en D2 pour compléter le groupe : JulienPirlot, Stéphane Moris, XavierCollette, FrançoisLhoest et un tout jeune SamVanRossom qui évoluait encore à De Pinte. J’en oublie peut-être. Pas question de critiquer ces joueurs, car tous ceux qui ont été appelés nous ont rendu service. Dans ces conditions ingrates, l’essentiel a été fait : on n’a pas été relégué. C’était un premier pas. A partir de là, on a pu construire. On s’est d’abord dit qu’avec une préparation telle qu’on avait l’habitude d’en faire jusque-là, on n’y arriverait jamais. Il fallait proposer un extra. Grâce à Casteels, qui était en relation avec le manager général des Mavericks via NBAwithoutborders, on a pu organiser un stage à Dallas. Cela a agi comme un aimant auprès des joueurs, qui ont tous été attirés par cette perspective et n’ont plus snobé l’invitation. A commencer par Didier Mbenga, qui était déjà sur place. Certains nous ont critiqué : -Est-il indispensable de partir aux Etats-Unis pour se préparer ? Dans l’absolu, non. Mais aujourd’hui, j’ose affirmer que c’est à Dallas qu’on a érigé les fondations. Comme team building, il n’y avait pas mieux. S’entraîner dans une salle de NBA, voir Dirk Nowitzki s’exercer au tir avant de monter soi-même sur le terrain : aucun joueur belge ne voulait manquer cela !  »

Enfin, des vacances en juillet !

Mais la construction de l’édifice n’était par terminée pour autant.  » Au fil des campagnes, on a éliminé certains joueurs qui ne se joignaient pas au groupe avec l’état d’esprit adéquat. L’un d’eux fut Guy Muya. J’en parle d’autant plus aisément qu’aujourd’hui, il est revenu avec un tout autre état d’esprit. Sa transformation est radicale : actuellement, c’est un exemple. Il a compris que, si l’équipe gagne désormais, c’est parce que chacun accepte son rôle et ne joue plus sa carte personnelle.  »

Le premier à montrer l’exemple, ce fut d’emblée Hervelle.  » Il veut toujours progresser, travaille sans arrêt et se sent mal lorsqu’il estime ne pas avoir apporté à l’équipe ce qu’elle attendait de lui. D’emblée, il a incarné le leader naturel du projet qu’on voulait lancer. « 

Là où les basketteurs ont aussi montré la voie, c’est dans la préparation et les sacrifices que celle-ci comprend. Casteels et Stas ont rapidement compris que, pour avoir une équipe performante, il ne suffisait pas de sélectionner les meilleurs joueurs et se dire : puisqu’ils jouent dans de grands clubs étrangers, cela doit forcément fonctionner lorsqu’on les aligne ensemble.  » Pour enfin connaître le succès, il fallait créer un état d’esprit différent « , poursuit Jacques.  » A certains joueurs confirmés au niveau international, se sont ajoutés des éléments de l’ombre, qui ne font pas de bruit mais se mettent au service du groupe, à l’image de Roel Moors ou Jef Van der Jonckheyd. Depuis cinq ans, les stages estivaux exigent des sacrifices familiaux non négligeables. Cette année, par exemple, les joueurs étaient sur la brèche depuis le 5 juillet. Ils ont disputé 11 matches amicaux avant d’entamer la campagne officielle de huit matches en août. La qualification pour l’EURO 2011, au-delà de la joie qu’elle procure, aura un autre avantage : l’an prochain, on pourra commencer la préparation à la fin juillet, et plus au début du mois ! Après cinq ans, cela fait du bien…  »

Des moments de découragement, forcément, il y en a eu.  » Lorsqu’on consent des sacrifices et qu’il n’y a pas de récompense au bout, la déception est là. Mais on a toujours remis l’ouvrage sur le métier. Des résultats, encore épisodiques au début, nous ont laissé entrevoir que c’était possible. Il y a quatre ans, on a battu la Russie à Louvain, même si l’on a galvaudé la qualification dans d’autres matches. L’an passé, on a battu la France de TonyParker à Anvers, avant de s’incliner plus largement à Pau. Il fallait donc donner de la continuité à ces exploits. Le public s’est pris au jeu. Jadis, il fallait lancer des invitations pour remplir une demi-salle. Aujourd’hui, on affiche sold out et tout le monde vient avec son drapeau. Les clubs commencent aussi à comprendre que le rayonnement de l’équipe nationale peut rejaillir sur eux. Charleroi a, par exemple, laissé ChristopheBeghin à la disposition des Lions parce qu’il a compris que, sans lui, la qualification nous échapperait.  »

Une pyramide encore à construire

Les joueurs internationaux sont aujourd’hui tellement soudés qu’ils ont pris l’initiative, lors d’un stage en 2009, de lancer l’association ProBe visant à promouvoir les joueurs belges dans un championnat de plus en plus américanisé. Au niveau du staff également, la complicité est de mise. Au point que Casteels et son assistant habitent désormais à 50 mètres l’un de l’autre.  » Cela remonte à l’époque où Eddy est devenu coach de Charleroi « , explique Stas.  » Il est tombé sous le charme de ma maison et m’a dit : – Situlavends, jel’achète ! Comme j’étais en train de faire construire juste en face, la transaction s’est conclue…  »

Le rôle de Casteels et Stas ne se limite pas à coacher l’équipe.  » On a plein d’idées, mais pas toujours faciles à réaliser. On aurait bien aimé créer une pyramide, avec à la base les U16, puis un peu plus haut les U20, pour aboutir à l’équipe A au sommet. Cela a toujours été refusé : le basket de jeunes relève du sport amateur, qui est régionalisé. C’était donc aux ailes linguistiques, l’AWBB et la VBL, à s’en occuper. Faute de pouvoir descendre plus bas, on a donc créé l’équipe nationale A’, autrement dit les U23 dont les joueurs sont déjà professionnels. Cela a permis d’avoir une équipe satellite qui joue les mêmes systèmes que l’équipe A et dans laquelle on pourrait puiser sans que les joueurs ne soient perdus lorsqu’ils arrivaient chez nous. MaximeDezeeuw et DomienLoubry sont passés par là. Muya, lui aussi, a joué en A’ avant d’entamer la préparation avec l’équipe A. C’est vers cette continuité que l’on veut tendre.  »

Tout cela n’est pas régi par la fédération, mais par le BNT (Belgium National Team).  » Le manager Jacques Ledure accepte un droit de regard sur son travail, mais ne veut pas de belle-mère. Il s’occupe de réunir les fonds nécessaires, et à partir de là, exige de pouvoir mettre ses propres idées en pratique. Son mandat est reconduit tous les deux ans. « 

Les responsables du BNT aimeraient que les clubs accordent plus de crédit à leurs joueurs belges au lieu d’effectuer un recrutement essentiellement américain, mais c’est sans doute un v£u pieu. Même si, pas à pas, on avance : cette saison, il faudra cinq joueurs belges au lieu de quatre sur la feuille de match. Et puis, on lance la ligue de développement : une compétition pour les 16-20 ans qui se déroulera en lever de rideau des matches de D1.

par daniel devos – photos: belga

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