Katanga Business

Les liens et affaires ne manquent pas entre le meilleur club africain du moment et notre pays.

Le Tout Puissant Mazembe est entré dans l’Histoire récemment en devenant le tout premier club africain à accéder à la finale du Mondial des Clubs. Même s’il a été battu sèchement par l’Inter Milan (3-0), le mérite du club-phare de Lubumbashi est grand d’avoir abouti là où d’autres ténors du continent, style l’Al-Ahly ou le Zamalek du Caire (respectivement six et cinq fois vainqueurs de la Ligue des Champions d’Afrique) ou l’Espérance Sportive de Tunis (gagnant de toutes les compétitions africaines) se sont toujours cassé les dents.

Lauréat de la Ligue des Champions d’Afrique tant en 2009 (face aux Nigérians du FC Heartland, 2-1 en déplacement et 1-0 à domicile) qu’en 2010 (devant l’Espérance Tunis, 5-0 à Lubumbashi et 1-1 dans la capitale tunisienne) le TPM semble bien parti pour asseoir sa domination pendant quelques années, comme il l’avait déjà fait à la fin des sixties, quand il répondait encore au nom de Tout Puissant Englebert. Détail amusant : aussi bien en ces temps reculés qu’aujourd’hui, on relève des liens entre ce club et la Belgique.

Fondé par des moines bénédictins

A l’image de ce que le père scheutiste Raphaël de la Kéthulle de Ryhove avait fait, dès 1919, pour l’essor du football à l’Institut Saint-Joseph de Léopoldville (future Kinshasa), le moine bénédictin Grégoire Coussement s’y lance à Elisabethville (future Lubumbashi). A la tête de l’Institut Saint-Boniface, il met sur pied une équipe pour des élèves dont le seul passe-temps est le scoutisme. En guise de reconnaissance pour le patron de la troupe, elle est baptisée FC Saint-Georges et s’affilie d’emblée à la FRASI, la Fédération Royale des Associations Sportives Indigènes où elle termine son premier exercice, en 1939, à la troisième place derrière le Léopold et le Prince-Charles, deux clubs qui ont pris par la suite les appellations de FC Vijana Katuba et Lubumbashi Sports.

Cinq ans plus tard, les membres fondateurs décident de troquer le nom de FC Saint-Georges contre celui de FC Saint-Paul.

De FC Englebert à Tout Puissant

Suite à l’incorporation de certains éléments étrangers à l’Institut Saint-Boniface, les missionnaires abandonnent la gestion de l’équipe, rebaptisée FC Englebert, du nom du parraineur de l’équipe. Oscar Englebert, ex-négociant en produits caoutchoutés (tétines et imperméables), crée en 1897 une usine de pneumatiques à Liège entre le quai Mativa et la rue Natalis. En 1931, elle devient la Société du Pneu Englebert et emploie 3.000 ouvriers. Dès ce moment, elle fait son apparition en compétition automobile avec les courses de voitures de sport et de tourisme. Deux décennies plus tard, la firme fait partie des meilleures marques de pneumatiques, équipant notamment les monoplaces des écuries Ferrari, Lancia et Maserati.

Au total, elle prend part à 61 GP de Formule 1 de 1950 à 1958, remportant 8 succès avec la Scuderia Ferrari. Elle se retire toutefois de la compétition suite au décès de Stuart Lewis-Evans au GP du Maroc en 1958. Entre-temps, Englebert lance une publication, dénommée Englebert Magazine, illustrée par des graphistes ou affichistes de renom comme Géo Ham ou Marcel-Louis Baugniet. Il associe aussi son nom à l’équipe devenue le porte-drapeau du ballon rond à Lubumbashi. Une phalange devenue à ce point invincible, au fil des ans, qu’on y ajoute le qualificatif de Tout Puissant.

Englebert devient Mazembe

Après l’indépendance du Congo, le 30 juin 1960, le Tout Puissant Englebert connaît ses premières heures de gloire à l’échelon continental. Auteur d’un triplé en 1966 (championnat national, Coupe du Congo et Coupe du Katanga), le club se produit pour la première fois en Coupe d’Afrique des Clubs Champions et l’emporte contre les Ghanéens d’Ashanti Kotoko. Couronné champion une deuxième fois d’affilée, il récidive au plus haut niveau continental en battant les Togolais de l’Etoile Filante de Lomé.

En 1969 et 1970, le TP Englebert est encore présent à deux reprises en finale de la même épreuve mais doit s’avouer vaincu devant les Egyptiens d’Ismaïlia et les joueurs d’Ashanti Kotoko, qui prennent leur revanche pour la défaite concédée trois ans plus tôt. Il s’ensuit une longue traversée du désert avec comme seul véritable haut fait une victoire en Coupe d’Afrique des Vainqueurs de Coupes en 1980 face aux Ivoiriens de l’Africa Sports Abidjan. Dans l’intervalle, le club, sous l’emprise de la zaïrisation voulue par le chef de l’Etat, Mobutu Sese Seko a dû changer son nom d’Englebert en Mazembe, qui signifie  » les corbeaux  » en kiswahili.

Un président fan d’Anderlecht

A l’exception de deux sacres nationaux remportés en 1976 et 1987, le TP Mazembe doit composer, durant un quart de siècle (1970 à 95) avec la suprématie des grands clubs de la capitale, Kinshasa : l’AS Vita Club, le CS Imana, l’AS Bilima et le Daring Club Motema Pembe. En 1996, le TPM nomme un tout nouveau président : Moïse Katumbi Chapwe, MKC pour les intimes.

Fils d’un commerçant juif italien originaire de l’île grecque de Rhodes, l’homme, devenu gouverneur de la province du Katanga en 2007, est richissime, ayant fait fortune dans le commerce du poisson avec la Gécamines (Générale des Carrières et des Mines) de même qu’avec sa propre société minière, la Mining Company Katanga (MCK, mêmes initiales que ses nom et prénoms).

Sous sa direction, le Tout Puissant Mazembe reprend progressivement du poil de la bête, au point de renouer avec le titre dès l’an 2000. Mais l’homme veut que son club retrouve son lustre d’antan à l’échelle du continent. Vu la concurrence sévère, au plus haut niveau, des clubs égyptiens (Al-Ahly et le Zamalek du Caire) et tunisiens (Espérance Sportive de Tunis et Etoile du Sahel), il n’hésite pas à délier lui aussi les cordons de la bourse pour garder les meilleurs. Avec un salaire mensuel oscillant entre 4.000 et 25.000 euros par mois, ses joueurs comptent parmi les mieux rémunérés d’Afrique. MKC en a touché lui-même les dividendes avec deux succès d’affilée en Ligue des Champions en 2009 et 2010. Si ses modèles en matière de clubs sont ceux du nord du continent africain, MKC est supporter d’Anderlecht de longue date.

Disposant d’un pied-à-terre à Uccle, il suit à la trace les performances des Mauve et Blanc et est marié avec une Belge d’origine burundaise, Carine Nahayo, responsable des 100 %, le groupe de 100 musiciens et fans employés par le TPM pour mettre de l’ambiance lors des matches à domicile.

Les Mauves prioritaires pour les transferts

En 2006, à l’occasion de la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) en Egypte, où la RD Congo est éliminée au stade des quarts, deux joueurs appartenant au Tout Puissant Mazembe tapent dans l’£il des scouts d’Anderlecht : les attaquants Trésor Mputu et Dieumerci Mbokani. L’épreuve passée, le duo est convié à un test à Anderlecht. Blessé, le premier ne peut pas vraiment être jugé. Par contre, le deuxième fait l’affaire. Avec les conséquences que l’on sait : jugé insuffisant et, surtout, ingérable par l’entraîneur de l’époque, Frankie Vercauteren, Dieu est transféré au Standard où il est à la base des sacres remportés en 2008 et 2009.

Moïse Katumbi Chapwe n’apprécie guère le sort réservé à son poulain au Parc Astrid. Il s’ensuit une brouille, et une entrevue s’avère nécessaire avec le secrétaire-général des Mauves, Philippe Collin, pour régler le différend. Après avoir perdu Mbokani, le Sporting redoute en vérité que le Standard ne lui joue un nouveau tour pendable en engageant Mputu. Mais le président du TPM a besoin de son joueur-vedette pour conquérir la Ligue des Champions et ne le laissera pas partir. Mieux même : dans le futur, il avise les Bruxellois qu’ils seront prioritaires au cas où ils seraient intéressés par un élément du TPM.

Un équipementier à Dilbeek

Quiconque désire se procurer une tenue du Tout Puissant Mazembe en Belgique peut le faire à Dilbeek, chez Planet Sport, fournisseur du club depuis 2001.  » A l’époque, Moïse Katumbi Chapwe avait fait des achats chez moi  » observe Fabio Baglio, le proprio du magasin et importateur de la marque Errea en Belgique.

 » Comme il avait eu un souci avec sa carte de crédit, je m’étais montré bon prince en lui fournissant la marchandise malgré tout. Depuis, il m’a revalu tout au centuple en faisant de moi son équipementier attitré et, surtout, en me proposant de gérer les intérêts de ses joueurs les plus en vue. C’est ainsi que je suis devenu le manager de Mbokani, notamment. Ce qui me frappe tout particulièrement au TPM, c’est le renouvellement incessant de son potentiel offensif. D’abord avec Dieu et Mputu et, à présent, avec Alain Kaluyituka Dioko, auteur de 9 buts sur l’ensemble de la campagne africaine du club en 2009 et Patou Kabangu Mulota, qui a inscrit 14 buts toutes compétitions confondues cette année. Ces garçons n’étaient pas encore titulaires à part entière quand, lors d’un stage en Belgique, le TPM livra une rencontre amicale face à Charleroi, battu 3-2. Notre pays fait manifestement du bien aux Corbeaux puisque c’est ici également qu’ils se préparèrent avant d’affronter avec succès l’Espérance Tunis en finale de la dernière édition de la Ligue des Champions d’Afrique.  »

PAR BRUNO GOVERS

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