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 » KARA ET MOI, ON EST COMME DES FRÈRES ! « 

Anderlecht a attendu une percée dans le dossier Nicolas Lombaerts jusqu’à la fin du mercato estival mais il a finalement transféré Uros Spajic. L’achat de dernière minute d’Herman Van Holsbeeck a balayé tous les doutes à partir de janvier.

Uros Spajic n’avait que vingt ans, l’été 2013, quand il a quitté l’Étoile Rouge de Belgrade pour Toulouse. Son CV ne faisait état que de quelques derbies contre le Partizan mais dès sa première saison dans l’Hexagone, il a tenu bon face à des ténors tels qu’Ibrahimovic, Falcao et Lacazette. Ibrahimovic est le seul des trois à avoir marqué contre lui. Cette saison-là, pour rappel, le Suédois allait inscrire quatre buts contre Anderlecht sur la scène européenne avec le PSG.

Récemment, Spajic a confié qu’il avait dû rassembler tout son courage pour demander son maillot au Suédois. Il n’avait pas encore opéré le déclic du football serbe, en plein désarroi économique, à la Ligue 1 bling-bling.  » Le pouvoir d’achat des clubs serbes est très faible « , explique-t-il.  » La seule manière de gagner de l’argent est de vendre des joueurs. Le modèle économique de l’Étoile Rouge est simple : elle protège ses enfants et essaie de les vendre pour une grosse somme quand ils sont formés.

Je ne sais pas comment le club s’y prend mais il fournit de bons footballeurs saison après saison. Je fais partie des privilégiés qui ont effectué toutes leurs classes en son sein avant d’intégrer l’équipe première. Je n’y ai pas joué assez longtemps selon moi. J’ai été un titulaire incontesté pendant six mois seulement avant d’être transféré.  »

Aleksandar Jankovic, l’actuel entraîneur du Standard, est le premier à t’avoir donné ta chance.

UROS SPAJIC : J’avais 90 minutes de jeu en D1 dans les jambes mais il m’a quand même titularisé dans le derby contre le Partizan. Nous nous sommes imposés 3-2 dans ce qui était considéré comme le choc le plus passionnant des dernières années. J’étais opposé à un certain Aleksandar Mitrovic. Un chouette type mais il était complètement dingue, à l’époque. Je l’ai revu lors du dernier match de la Serbie et il semble calmé. Son amie et son fils n’y sont sans doute pas pour rien ! (Rires) Pour en revenir à Jankovic, je lui dois partiellement mon transfert à Anderlecht. La direction lui a demandé des informations à mon sujet et ça a certainement favorisé le transfert.

S’il avait déjà été l’entraîneur du Standard, il aurait peut-être trompé Anderlecht.

SPAJIC : Et je ne lui en aurais pas voulu. Mais Jankovic n’est pas comme ça. Si je devais le décrire en quelques mots ? Un bon entraîneur et un homme terriblement honnête. J’espère qu’il réussira ses PO2.

Tu as un autre lien avec les Rouches : à Belgrade, tu as aussi travaillé sous la direction de Ricardo Sa Pinto, un ancien joueur du Standard.

SPAJIC : Le courant passait bien aussi. Il a dit à plusieurs journalistes que le club devait tout faire pour me conserver, que la direction devait même en faire une priorité. Je ne sais pas dans quelle mesure il le pensait vraiment mais il a démissionné quand j’ai été vendu à Toulouse. Ce transfert résume bien l’état du football serbe : le président Dragan Dzajic voulait d’abord cinq millions. À payer en une fois. Puis l’UEFA l’a menacé de sanctions car le club lui devait encore 1,8 million. Dzajic avait donc un besoin urgent de fonds et il a conclu le deal avec Toulouse en un temps-record. Les Français n’ont pas dû payer plus de deux millions pour moi.

TOULOUSE, POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE

Comment expliques-tu qu’après un bon début à Toulouse, durant lequel tu as tout joué, tu as disparu de la surface ?

SPAJIC : Une blessure au pied qui a eu des conséquences catastrophiques. J’ai eu des hauts et des bas. Il m’était impossible de retrouver ma régularité. Pourtant, cette période a constitué un bon apprentissage.

Tu t’es laissé convaincre de revenir trop tôt après cette blessure ?

SPAJIC : Je ne peux pas tout raconter sinon les gens vont penser que je cherche des excuses mais ce que j’ai vécu à Toulouse… Je ne pouvais pas tomber plus bas.

Certains journalistes français disent que la saison passée, les Serbes – Pavel Ninkov, Aleksandar Pesic, Dusan Veskovac et toi – ont tout gâché.

SPAJIC : On a tendance à chercher des boucs émissaires quand les résultats sont décevants. Les joueurs serbes en ont payé le tribut alors qu’ils ne sont pas moins professionnels que les autres. À partir de mars et de l’embauche du nouvel entraîneur, Pascal Dupraz, nous n’avons presque plus joué. En été, après une bonne préparation, Dupraz a d’ailleurs revu son opinion à mon sujet : je n’étais soudain plus obligé de partir.

Ce même Dupraz qui ne te connaissait pas et qui avait joué ton destin à pile ou face, à son arrivée…

SPAJIC : Il fallait qu’il intervienne… Malgré tout, je le trouve compétent. Il a réussi à sauver le club de la relégation. À son arrivée, Toulouse agonisait. À dix matches de la fin, nous avions dix points de retard sur le premier non relégable. Dupraz a relancé l’équipe et nous avons assuré notre maintien sur le terrain d’Angers, lors de la dernière journée. Dupraz a gagné ce match à l’instinct. Il a fait monter Yann Bodiger en lui demandant de se charger des phases arrêtées. Et devinez qui a marqué le but de la victoire sur coup franc ? Ce joueur n’avait encore jamais botté de coup franc de sa vie. Au coup de sifflet final, nous avions l’impression d’avoir gagné la Ligue des Champions. J’en ai eu la chair de poule. Ça reste le plus grand moment de ma carrière.

EN JET PRIVÉ À BRUXELLES GRÂCE À OBRADOVIC

Que te dit le nom de Nicolas Lombaerts ?

SPAJIC : Ce n’est pas le défenseur du Zenit qui rejoint Ostende en été ? J’ai entendu son nom pour la première fois après la clôture des transferts estivaux. Si je ne me trompe pas, il a donné peu après une interview sur son transfert raté à Anderlecht.

Anderlecht voulait un défenseur central gaucher. Finalement, il s’est tourné vers toi le dernier jour des transferts. Comment as-tu vécu cette journée ?

SPAJIC : J’avais l’intention de me tourner vers l’Allemagne ou l’Espagne mais pendant le lunch, mon manager m’a téléphoné. Il m’a demandé de patienter avant de prendre une décision car Anderlecht s’était manifesté. Peu après 13 heures, Herman Van Holsbeeck m’a appelé et nous sommes rapidement tombés d’accord. Ensuite, j’ai demandé au vice-président de Toulouse de ne pas être trop exigeant dans les négociations avec Anderlecht. Dix minutes plus tard, je recevais le coup de fil de la délivrance : à 15 heures, un jet privé allait me conduire à Bruxelles. Je suis rentré en vitesse chez moi pour préparer quelques affaires. Avant d’avoir réalisé ce qu’il se passait, j’étais dans l’avion pour Bruxelles.

Tu as pensé à quoi pendant le vol ?

SPAJIC : Je ne suis pas du genre à me tracasser. Je savais qu’Anderlecht n’était certainement pas inférieur à Toulouse. Pour le reste, je me suis fié à ce qu’Ivan Obradovic m’avait raconté sur le club au téléphone. Parfois, il vaut mieux se lancer les yeux fermés dans une nouvelle aventure. Le fait qu’Anderlecht cherchait en réalité un défenseur gaucher n’était donc pas important.

Tu savais que tu étais impliqué dans un deal avec Dodi Lukebakio ?

SPAJIC : Pas au début. J’ai rencontré Lukebakio à l’aéroport à mon atterrissage, alors qu’il était en partance. Mon manager m’a dit :  » Tu vas à Anderlecht et lui à Toulouse.  » Lukebakio m’a interrogé sur le club et la ville. Je lui ai expliqué en quelques phrases que Toulouse était un club stable, doté d’un président fidèle et que la météo était agréable.

LA MÊME TENSION À ANDERLECHT QU’À L’ÉTOILE ROUGE

Ton sort dépendait partiellement de Lukebakio. Tu as craint que la transaction ne capote ?

SPAJIC : Je voyais l’heure tourner et je ne pensais qu’à une chose : vite signer. Les négociations sur mon salaire n’ont donc pas duré longtemps. Je savais plus ou moins ce que je pouvais gagner et il ne restait plus qu’à régler quelques détails.

Qu’est-ce qui t’a décidé à accepter une location à Anderlecht alors que tu pouvais jouer en Allemagne ou en Espagne ?

SPAJIC : Le fait qu’Anderlecht lutte chaque saison pour les prix. L’Étoile Rouge m’avait drillé dès le plus jeune âge, pour que j’acquière la mentalité d’un battant et j’avais quelque peu perdu cette rage de vaincre à Toulouse. C’est un beau club stable mais ses ambitions sont limitées. Je retrouve à Anderlecht des choses auxquelles j’étais habitué à Belgrade : la tension entourant un grand match, la pression du titre, la lutte pour un trophée… C’est plus de stress mais j’ai retrouvé le sourire en montant sur le terrain.

En PO1, les attaquants qui vont être confrontés à Kara et à toi ne vont pas avoir la vie facile. Vous faites peur à vos adversaires.

SPAJIC : Un défenseur doit être imposant et dégager une certaine impression, non ? Je dois dire qu’en peu de temps, Kara et moi nous sommes trouvés. On est comme des frères. On se parle beaucoup et chacun anticipe les mouvements de l’autre. Quand je m’engage dans un duel, je suis sûr à 100 % qu’il couvre ma zone et vice-versa.

Il y a quelques semaines, tu as déclaré vouloir rester à Anderlecht. La direction t’a entendu, puisque tu as resigné jusqu’en 2021.

SPAJIC : Les interviews servent donc parfois à quelque chose… (Rires) On en discutait depuis un moment et je suis heureux d’avoir pu signer un contrat de longue durée. Je pense vraiment qu’Anderlecht constitue une bonne étape dans ma carrière.

RESPECT AU PRÉSIDENT DE TOULOUSE

Tu as également remercié la direction de Toulouse, par le biais des réseaux sociaux.

SPAJIC : Olivier Sadran, le président de Toulouse, aurait pu demander cinq millions, puisque j’ai réintégré l’équipe nationale et que je suis performant en Europa League, mais il est resté correct. Chapeau. Ça mérite le respect. Sadran n’a pas voulu m’ennuyer et je lui en suis reconnaissant. Au fil des années, on a développé une relation de confiance, basée sur un respect mutuel. Même quand ça allait moins bien pour moi, Sadran a continué à me soutenir publiquement.

Toulouse a perdu de l’argent en étant aussi conciliant ?

SPAJIC : Je crois que Toulouse a réalisé un break-even avec mon transfert. Si vous ajoutez le montant de la location à celui du transfert qu’Anderlecht va payer, vous arrivez à une opération blanche. Toulouse voulait seulement récupérer l’argent qu’il avait investi en moi.

PAR ALAIN ELIASY – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Je dois partiellement mon transfert à Anderlecht à Aleksandar Jankovic.  » – UROS SPAJIC

 » Il vaut parfois mieux se lancer les yeux fermés dans une nouvelle aventure.  » – UROS SPAJIC

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