Tout ce qu’on ne savait pas sur la popularité du gardien du Standard dans son pays.  » Depuis la victoire en finale de la Coupe d’Asie 2011, les Japonais le surnomment Kami : Dieu.  »

« Le sportif japonais le plus populaire est un joueur de base-ball qui joue avec les New York Yankees : Ichiro Suzuki. Logique, c’est le sport numéro 1. Derrière lui, il y a quelques internationaux de l’équipe de foot, et Eiji Kawashima en fait partie  » : des mots de Mami Takebe, journaliste pour le quotidien sportif The Hochi Shimbun, tiré à un million d’exemplaires. Elle est basée à Paris et assiste aux matches du Standard. Kawashima ferme une des meilleures défenses du championnat et le Japon a presque son billet en poche pour la Coupe du Monde. En qualifications, il n’a pris que quatre buts en six matches. La cote de popularité de Kawashima n’a jamais été aussi énorme. Analyse d’un phénomène.

Streaming pirate pour les matches du Standard

La mode des yeux bridés sur les pupitres de presse et le long des terrains dans nos stades est apparue après l’arrivée d’Eiji Kawashima au Lierse. Depuis qu’il est au Standard, le nombre de journalistes et photographes japonais a fortement augmenté.  » Il y en a entre cinq et dix lors de nos matches à domicile « , explique Olivier Smeets, le responsable de la communication des Rouches.  » En déplacement, ça tourne généralement entre deux et cinq personnes.  » Certains résident en Belgique, comme Mariko Matsue, qui travaille pour KyodoNews et coordonne les activités des médias japonais qui s’intéressent à Kawashima.  » Je reçois les demandes et je les fais suivre : presse écrite, Internet, télé, shootings photos.  » A l’occasion, elle fait aussi fonction d’interprète. Elle est en contact chaque semaine avec le club, collecte les petites nouvelles sur les trois joueurs japonais et les relaie vers son pays. Et elle est en relation régulière avec les agents japonais de Kawashima. D’autres journalistes japonais que l’on voit à Sclessin résident à Rotterdam, à La Haye ou à Malaga.

Mariko Matsue signale que tous les matches du Standard sont abordés, brièvement ou dans le détail, par de nombreux journaux japonais, qu’il s’agisse de quotidiens et magazines sportifs, ou de journaux d’information générale.  » Là-bas, les fans de foot regrettent que les images du championnat de Belgique ne soient pas disponibles. Ils peuvent suivre les matches anglais, allemands, espagnols et italiens, mais pas les rencontres belges. Alors, ils s’organisent en cherchant des sites de streaming pirates.  »

Jusqu’à 15.000 visiteurs uniques / semaine

Comme le Lierse autrefois, le Standard traduit en japonais une partie de son site officiel. Ces infos sont consultées par 5.000 à 15.000 visiteurs uniques par semaine.  » Cela peut paraître peu à partir du moment où le Japon compte plus de 120 millions d’habitants et quand on compare aux visites sur notre site en Français, avec des pointes à 250.000 par semaine « , dit Olivier Smeets.  » Mais le Japon est un pays toujours assez fermé médiatiquement. Le plus dur est de faire connaître notre site là-bas. Pour y arriver, nous essayons de développer un partenariat avec la société qui gère le management et la communication de Kawashima.  »

L’intérêt des médias japonais pour le Standard a encore progressé suite à l’arrivée de Kensuke Nagai et Yuji Ono. Trois joueurs de ce pays dans un même club européen, c’est du jamais vu. Plusieurs médias sont venus faire des reportages à Liège, ont visité le stade et l’Académie, ont obtenu des interviews avec Roland Duchâtelet et Jean-François de Sart. Olivier Smeets :  » Ils posent les mêmes questions que les médias belges, se demandent si ces transferts ont d’abord une explication sportive ou financière. On leur répond que le Standard ne les aurait pas pris s’ils étaient mauvais et que le président est déjà suffisamment bien implanté au Japon, que ce ne sont pas deux joueurs qui vont vraiment augmenter son chiffre d’affaires là-bas.  »

Man Utd, Inter, Schalke,… Standard

 » Quand Luis Manuel Seijas est allé jouer un match amical au Japon avec le Venezuela, l’année passée, il était scié de voir autant de posters de Kawashima dans les rues « , se souvient Mami Takebe.  » Il l’a comparé à Dieu. Et il n’a pas tout à fait tort puisque depuis la victoire du Japon à la Coupe d’Asie 2011, où Kawashima avait réussi des prestations exceptionnelles, les Japonais le surnomment Kami : Dieu ! Dans ce pays, un gardien de but est considéré comme une divinité protectrice. Kawashima est encore un cas à part parce que c’est un beau gosse, il a beaucoup de charme et il est souriant… dès qu’il n’est pas sur un terrain de foot. On parle maintenant de Kami saves : les sauvetages divins, ceux de Kawa-shima.  »

 » C’est comme ça « , confirme Mariko Matsue.  » Notre équipe nationale a des joueurs dans des clubs qui sont connus dans le monde entier : Yuto Nagatomo à l’Inter, Keisuke Honda au CSKA Moscou, Shinji Kagawa à Manchester United, Gotoku Sakai à Stuttgart, MakotoHasebe à Wolfsburg, Atsuto Uchida à Schalke 04, il y en a d’autres encore en Bundesliga. A côté de toutes ces équipes, le Standard est un cran en dessous. Mais le physique et la personnalité de Kawashima lui permettent d’être aussi populaires que tous ceux-là. Au Japon, même les filles qui ne s’intéressent pas au foot s’intéressent à lui !  »

Site perso intime

Sur son site (uniquement en japonais), Eiji Kawashima donne tous les deux ou trois jours des nouvelles sportives et de sa vie quotidienne. Il poste avant et après les matches du Standard et de l’équipe nationale. Il publie par exemple des photos de ses rencontres avec d’autres joueurs japonais qui sont en Europe. Il se rend de temps en temps à Düsseldorf pour y retrouver des compatriotes de Bundesliga, ils vont manger ensemble au village japonais. Il fait des comptes rendus de visites d’amis à Liège. Et il donne les liens permettant de visionner ses apparitions à des émissions de télévision. Ses fans peuvent lui envoyer des questions, il y répond personnellement. Son site totalise près d’un demi-million de visites par mois.

Ambition Act

Eiji Kawashima est client d’un bureau japonais basé à Tokyo qui gère sa communication et ses contrats publicitaires : Ambition Act. Cette agence s’occupe aussi de marathoniens, de cyclistes et de joueurs de futsal notamment. Point de vue pubs, il est très actif, dans des domaines très différents. Il vante les sacs de luxe de la marque Samantha Thavasa, les articles Puma, des lentilles de contact, un spray nasal. Il est aussi ambassadeur pour Japan Airlines et Rosetta Stone, un logiciel d’apprentissage de langues destiné à des sportifs et des coaches. Plus de 100 personnalités japonaises utilisent ce programme : footballeurs, nageurs, volleyeurs,…

Les langues, c’est une des passions du gardien du Standard. Il parle couramment anglais et italien, ce qui lui permet de traduire pour ses coéquipiers de l’équipe nationale les consignes du coach Alberto Zaccheroni. Il se débrouille un peu en néerlandais et maintenant en français. Il s’est aussi mis à l’espagnol, et tout récemment au portugais.  » Il le fait certainement en vue de la Coupe du Monde au Brésil « , dit Mami Takebe. Son multilinguisme a facilité son adaptation à la Belgique. Les deux autres Japonais du Standard baragouinent à peine quelques mots d’anglais et dès qu’ils arrivent à l’académie, ils doivent être accompagnés par un interprète qui ne les lâche pas, qui assiste à tous les entraînements, parfois même sur le terrain.

Kawashima Tour

Le Kawashima Tour est organisé chaque année par Ambition Act : des fans japonais de Kawashima viennent visiter la Belgique et rencontrer leur idole. La troisième édition a eu lieu cette saison. Près de 50 personnes y participent, se rendent dans nos villes les plus touristiques et poussent éventuellement jusqu’à Amsterdam. Cette année, elles ont vu Sclessin et l’Académie, ont assisté à un match du Standard puis ont mangé avec le gardien. L’achat d’un maillot est la dernière étape, presque inévitable, avant le retour au Japon.

 » La première fois que le Kawashima Tour a eu lieu, il était au Lierse, j’ai vu des scènes incroyables « , se souvient Stefan Van Heester, l’agent qui a contribué à le faire venir chez nous.  » Je l’ai accompagné après le match dans un restaurant d’Anvers, les 30 participants nous y attendaient : 29 femmes, mariées pour la plupart, et un enfant. Ils ont applaudi à tout rompre dès que Kawashima est entré dans la salle. Ces admiratrices avaient fait un concours dans l’avion pour déterminer lesquelles pourraient s’asseoir tout près de lui. Elles avaient apporté des dizaines de sacs de cadeaux, achetés au Japon et en Belgique : des vêtements, des parfums et d’autres choses. J’ai aussi en mémoire une rencontre avec des hommes d’affaires japonais de très haut niveau installés en Belgique, des CEO de grandes entreprises. Ils ont rencontré Kawashima avec des étoiles plein les yeux puis ont fait des photos avec lui, comme le plus simple des supporters. En fait, j’avais compris sa popularité dès son arrivée au Lierse. Il y avait quatre ou cinq équipes de télévision japonaises et une dizaine de journalistes à Zaventem. Et lors de la signature de son contrat, une vingtaine de médias de son pays étaient présents.  »

FIFA Master

Depuis une douzaine d’années, la FIFA propose une formation de Master à des anciens sportifs de haut niveau. Les cours sont donnés en Suisse, en Italie et en Angleterre. Ce Master offre des débouchés dans le monde du sport. Tsuneyasu Miyamoto, capitaine du Japon aux Coupes du Monde 2002 et 2006, suit actuellement la session.  » J’imagine bien Kawashima le faire plus tard « , lance Mariko Matsue.  » Il a le profil. Ses parents auraient voulu qu’il aille à l’université mais il a préféré tout miser sur le football. Il pourrait se rattraper plus tard via la FIFA. D’autres joueurs de la sélection actuelle pourraient le faire aussi car on considère que c’est une génération d’intellectuels.  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS : IMAGEGLOBE

 » Quand Seijas est allé jouer Japon-Venezuela, il était scié de voir autant de posters de Kawashima dans les rues.  »

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