KAGE DEPART

Un départ par la porte de derrière à Charleroi, des débuts rapides et réussis à Gand, une jeunesse mouvementée, le néo-Buffalo revient sur sa drôle de trajectoire.

La vie d’Hervé Kagé n’a jamais été un long fleuve tranquille. Zellik, Anderlecht, Waalwijk (Pays-Bas), l’Union Saint-Gilloise, Charleroi et même un séjour de six mois en Israël, un retour à Charleroi en juin 2011 avant de signer cet hiver pour Gand. Hors des terrains aussi, la trajectoire a toujours semblé un peu mouvementée. Avec, comme point d’orgue, une détention de 34 jours à la prison de Namur débutée en avril dernier qui avait fait les gros titres des journaux. Aujourd’hui, le joueur et l’homme semblent sur la même longueur d’onde et plus reposés.

Victor Fernandez t’a titularisé dès ton arrivé. Pensais-tu te retrouver aussi rapidement dans le onze de base ?

Non, j’étais étonné. D’autant que les dirigeants avaient programmé mon transfert en vue de renforcer l’équipe la saison prochaine. Je ne jouais plus depuis décembre, je ne pensais pas être aussi rapidement titulaire. En arrivant à Gand, j’ai eu droit à une semaine individuelle intensive. J’ai ensuite accumulé les minutes de jeu progressivement. 50 lors du premier match, 60 au second, etc… Et puis, je n’avais pas perdu mon foot. Le coach aime apparemment bien mon style de jeu…

Comment as-tu rattrapé ton retard de condition ?

Suite à ma fin de parcours compliquée à Charleroi, je m’entraînais quotidiennement chez un préparateur physique personnel. J’y allais tous les matins et le soir je jouais au mini-foot. Ça m’a permis de garder la forme. Et je faisais encore davantage attention à ce que je mangeais.

Pourquoi as-tu fait le choix de signer à Gand ?

J’étais en fin de contrat, la direction carolo se doutait que je n’allais pas prolonger. Après quatre ans à Charleroi, où j’ai connu des bons et des moins bons moments, je voulais partir. J’avais terminé meilleur joueur en D2. Il était temps de passer un cap. Et Gand me permettait de le faire. Je pense que cette signature n’a rien d’étonnant.

Comment as-tu vécu ta mise à l’écart progressive du groupe à Charleroi ?

J’étais évidemment frustré. Mais l’équipe joue mieux sans moi paraît-il.

Ça a été le motif avancé ?

Non mais on me l’a fait comprendre. Du jour au lendemain, j’ai été mis sur le côté à l’entraînement, je n’étais même plus le second choix à certains postes. J’étais devenu une sorte de joker. Moralement, j’étais très touché, je ne le cache pas. Si le coach ou la direction m’avait donné une bonne raison à mon éviction, j’aurais compris. Mais là…

Une éviction surprenante d’autant qu’en D2, tu faisais figure de leader….

Oui j’étais un leader, en D1 aussi. Mais je me suis écrasé pour le bien de l’équipe d’autant que Rossini, Kaya et Milicevic faisaient du très bon boulot devant. Je ne me prends pas pour un autre, personne n’est indispensable.

N’as-tu jamais envisagé de prolonger ton contrat à Charleroi pour régler cette situation ?

Abbas Bayat m’a répété qu’il allait trouver une solution. En début de saison, à ma sortie de prison, j’ai été le voir pour discuter d’un éventuel prolongement de contrat. Quand Mehdi a repris le club, il était trop tard, mes idées étaient ailleurs.

Charleroi, un club compliqué ?

Non, je dirais un club particulier, géré à…sa façon. Jamais, je ne dirai quelque chose de négatif sur ce club. Je pense même que le potentiel de ce club est énorme.

Dépression d’un mois

Ton histoire à Charleroi prend fin début décembre quand tu remets un certificat médical pour cause de dépression. Quel a été l’élément déclencheur ?

Après avoir été écarté pour le match à Zulte Waregem, j’étais au plus bas. Que ce soit au foot ou chez moi à la maison, je ne me sentais pas bien. Je ne faisais que penser à mon avenir. J’ai beau avoir confiance en mes qualités, la situation m’angoissait. J’ai besoin d’être dans le coup, mais c’était tout le contraire. Cette expérience m’a permis de comprendre comment le milieu du foot fonctionnait. Des connaissances m’ont alors présenté un psychologue. Avec lui, j’ai énormément discuté, ce qui m’a fait énormément de bien. Et j’ai eu droit à un certificat d’un mois pour dépression.

Charleroi ne semblait pourtant pas croire dans cette version…

Oui, jusqu’à ce que je m’entretienne avec Mehdi Bayat et lui explique la situation. Avec Mehdi, j’ai d’ailleurs gardé de très bons rapports. Finalement, tout le monde est content dans cette histoire. Gand a pu m’avoir dès janvier et Charleroi a touché environ 300.000 euros, ce qui est pas mal pour quelqu’un en fin de contrat qui s’en va en janvier.

Tu as le sentiment que Gand est une vraie étape en avant ?

Bien sûr. C’est d’abord une meilleure équipe, on ne va pas se mentir. Et puis il y a un projet important autour de cette équipe avec le tout nouveau stade prévu pour l’été. Financièrement, c’est aussi un pas en avant… A 23 ans, il était temps…

Tu penses avoir un peu traîné en route ?

Oui même si je n’aurais pas pu partir plus tôt pour un club comme Gand. Je n’étais pas prêt, je manquais de maturité. Sur et en-dehors des terrains, j’étais encore un enfant. Je n’avais pas les mêmes objectifs qu’aujourd’hui quand je montais sur la pelouse. La saison passée, j’ai modifié ma façon de vivre.

Y a-t-il eu un déclic ?

Je dirais mon court séjour en Israël où je suis resté six mois (ndlr, entre janvier 2011 et juin 2011). A mon retour je me suis dit : –tu reviens d’Israël, d’Israël ! Cette prise de conscience a été un électrochoc.

Comment arrives-tu là-bas ?

J’ai été mis hors de l’équipe à l’arrivée du coach hongrois, Csaba Laszlo. Un agent israélien qui travaillait avec Charleroi me propose alors de me relancer au Beitar Jérusalem. Je me suis dit pourquoi pas. Et au départ, je n’avais pas à me plaindre. J’avais un bel appartement au coeur de la capitale. C’était un bon club au sein d’un championnat assez technique. Et même si c’est un pays avec des paysages magnifiques où je retournerai sûrement en vacances, je n’avais pas envie de moisir là-bas. A mon retour à Charleroi, le club avait basculé en D2 et le coach Jos Daerden ne semblait pas croire en moi. Mais je me suis accroché. Je me suis concentré uniquement sur le foot. Le bilan, on le ferait en fin de saison. Je n’ai pas été tout de suite conscient que je devais être un exemple pour mon fils que j’ai eu à vingt ans. Je me suis rendu compte qu’il fallait que je l’assume et que laisser tomber le foot après avoir sacrifié une partie de ma jeunesse pour ce sport serait trop idiot.

As-tu vécu le fait de ne pas avoir été prolongé à Anderlecht comme un échec ?

Non, je n’en avais rien à foutre. C’était une période compliquée. J’avais connu le RKC Waalwijk avant de revenir une première fois à Anderlecht puis d’être à nouveau prêté à l’Union. A cette période, j’ai pensé arrêter le foot. C’est Johan Walem qui m’a remis en selle chez les Espoirs. Il m’a garanti qu’il allait me faire progresser Au début, pourtant, il ne me faisait pas jouer. Je ne comprenais pas, je le prenais pour un fou : il était tout le temps derrière moi mais il ne m’alignait jamais. Au fur et à mesure, j’ai compris où il venait m’emmener…

As-tu encore des contacts avec lui ?

Oui il arrive que l’on s’appelle. Je suis persuadé qu’il va devenir un très grand coach. Il a été un très bon joueur mais il a aussi cette faculté à transmettre son savoir.

Quel âge as-tu quand tu penses arrêter le foot ?

19 ans et demi. C’est il n’ y pas si longtemps finalement. Aujourd’hui, je suis fier de ce qui m’arrive. Je le dois à ma mère et à mon frère aîné qui ont été très importants pour moi alors que je leur en ai fait voir de toutes les couleurs.

A 16 ans, quand je suis parti à Waalwijk, j’ai arrêté l’école. Je n’avais donc pas beaucoup d’autres solutions que de réussir dans le foot.

Passage en prison

Ton passage par la case prison cet été n’aurait-il pas pu mettre un terme à ta carrière pro ?

J’ai été arrêté pour quelque chose qui remonte à longtemps, à ma période où j’étais dans le doute, au moment où je reviens d’Israël et où les deux derniers mois, je n’avais pas touché de salaire. J’avais un enfant, un appartement à payer… J’ai finalement trouvé un arrangement avec Charleroi pour avoir une avance qui serait retenue sur mes prochaines paies.

Avant cet arrangement, j’ai été mêlé à une affaire de faux et usage de faux pour l’achat de matériel informatique. Je me suis fait avoir car je ne savais pas exactement ce qui se tramait. J’étais complice sans l’être réellement. Quand la police est venue me réveiller à cinq heures du matin pour m’emmener directement en prison, je ne comprenais rien. J’en suis sorti 34 jours plus tard.

Que retiens-tu de cet enfermement ?

Ce n’était pas la joie mais cela s’est très bien passé. Avec les autres détenus, je n’ai eu aucun problème. Derrière les barreaux, j’ai beaucoup joué au foot, j’ai fait de la muscu, il fallait que je garde la forme.

Tu penses alors que ta carrière est foutue ?

Non. Et Abbas Bayat m’a rapidement rassuré. Il s’est montré compréhensif. Je lui ai expliqué ce qu’il s’est passé de a à z. J’ai été le trouver, alors qu’il n’a jamais cherché à savoir ce qui s’était passé. Aujourd’hui, je pense qu’il connaît mieux l’affaire dans les détails que les policiers. Avec Abbas, on est resté en contact. Quand j’ai connu mes soucis sur la fin à Charleroi, il m’a fait part de son soutien. C’est quelqu’un que je respecte.

Hormis Gand, d’autres clubs belges étaient intéressés par tes services.

Oui, deux clubs belges voulaient absolument m’attirer. Gand n’est entré dans la danse que par après. Mais mon passage en prison les a refroidis. J’ai recontacté les dirigeants de ces clubs à ma sortie mais ils m’ont répondu que pour l’image de leur club, ma signature était impossible. Quand je me suis mis à jouer en début de saison, ils ont à nouveau frappé à la porte. Mais il était trop tard.

Comment as-tu réagis à tous les articles de presse qui te décrivaient comme un voyou ?

Ça me faisait évidemment pas plaisir. Mon frère me rapportait ce qui était écrit sur moi dans les journaux ou sur les forums. Ce matraquage m’a donné une motivation supplémentaire et je pense que cela a joué dans mon bon début de championnat. J’avais la rage de prouver que je n’étais pas seulement celui qui avait commis une erreur dans le passé.

Tu t’es expliqué devant les dirigeants de Gand ?

Non. En m’engageant, c’était un joueur de foot qu’il voulait. Peut-être que Michel Louwagie a fait ses propres recherches sur le côté. Et il a sûrement pu se rendre compte que je suis quelqu’un de vivable dans un vestiaire, pas le fouteur de merde que certains imaginent.

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS: IMAGEGLOBE/ KETELS

 » Charleroi a un potentiel énorme.  »

 » J’ai pensé arrêter le foot. C’est Johan Walem qui m’a remis en selle.  »

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