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Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Ruer dans les défenses de D2 pour clôturer en beauté, voilà le dernier objectif de Michaël Goossens, l’ex-enfant terrible du Standard.

Michaël Goossens (31 ans) nous a fixé rendez-vous dans une taverne baptisée L’Interrogation. Tout un symbole. On peut en effet se poser un tas de questions sur l’ex-enfant terrible du foot liégeois qui vient de se lier pour deux saisons à Eupen, le club de D2 entraîné par Marc Grosjean. Sa carrière en D1 est-elle définitivement derrière lui ? N’est-il pas trop jeune pour faire ce pas en arrière ? N’a-t-il pas démontré, la saison dernière avec St-Trond, qu’il était au bout du rouleau ? A-t-il tiré le maximum de son talent ? Etc.

 » Beaucoup de joueurs signeraient à deux mains pour faire le parcours que j’ai réussi « , tranche-t-il.  » Je suis content et fier de ce que j’ai fait « . Seraing, Standard, Genoa, Schalke, Standard, Graz, St-Trond et 14 caps (1 but) chez les Diables Rouges : c’est ça, la carte de visite de Mika au plus haut niveau.

La D1, c’est donc fini ?

Michaël Goossens : Qui sait ? Je ferai le point dans un an. Si je casse la baraque avec Eupen, pourquoi un club du top ne viendrait-il pas me rechercher ? Mais je ne m’expatrierai plus. Penser à l’argent, c’est fini. J’ai d’autres priorités, familiales : ma fille aînée va entrer à l’école primaire, ma femme a trouvé du boulot et je ne décollerai plus de ma région. J’ai assez bourlingué. Je ne regrette rien de mes voyages mais il était temps que je rentre. J’ai été pro pendant 15 ans, j’ai vécu des trucs chouettes en Belgique, en Italie, en Allemagne et en Autriche, mais il y a un temps pour tout.

Au cours des dernières semaines, n’avez-vous pas carrément craint de vous retrouver sans club et de devoir arrêter le foot ?

Peur ? Oui et non. J’étais sûr que je retrouverais quelque chose, mais je ne savais pas quoi. J’aurais pu faire une dernière très bonne opération financière. Eric Depireux m’avait trouvé un excellent contrat en Allemagne, à Trèves. En D3, mais j’aurais pu y gagner très bien ma vie. Deux ou trois fois mieux qu’à Eupen. Et mon salaire aurait encore été doublé dans un an si Trèves était remonté en D2. Mais il fallait que je déménage et j’ai donc refusé.

Eric Depireux ? Vous étiez quand même dans l’écurie de Didier Frenay ?

C’est de l’histoire ancienne. Je n’ai pas envie d’en dire plus.

 » St-Trond a été ma plus grosse désillusion  »

Eupen, c’est la D2 mais pas un gros calibre !

Ce club a joué le tour final il n’y a pas si longtemps et il a signé un beau deuxième tour la saison dernière. Le discours des dirigeants et de Grosjean m’a beaucoup plu. Il y a beaucoup d’ambition ici : un nouveau centre d’entraînement, une nouvelle tribune, de nouveaux vestiaires, etc. Et les joueurs d’Eupen ne sont enfin plus obligés de venir à l’entraînement avec leurs propres tenues (il rigole). C’est un détail mais cela prouve que ce club est occupé à se structurer, à se mettre aux normes des bonnes équipes de D2. Si je n’avais pas décelé d’ambition, j’aurais vite arrêté de discuter.

Il y aura une grosse pression sur vos épaules, non ?

Je sais qu’on va m’attendre au tournant, que je serai le premier joueur critiqué si les résultats ne suivent pas. C’est logique. Mais je suis prêt. Je suis conscient que mon avenir se conjugue avec de gros combats physiques : pas de problème.

Où en êtes-vous ? On vous a vu traîner la patte et des kilos en trop pendant toute la saison dernière avec St-Trond !

J’avais signé à St-Trond en septembre et je n’avais donc pas participé à la préparation alors que j’étais revenu d’Autriche avec cinq bons kilos en trop. Je l’ai payé pendant tout le championnat. J’aurais pu gommer progressivement mon retard si nous avions travaillé sérieusement, mais à partir du moment où on vire Marc Wilmots et son préparateur physique, Mario Innaurato, pour confier l’entraînement physique à un kiné sans aucune expérience, il ne faut plus s’étonner de rien. Enfin bon, c’est de l’histoire ancienne : j’ai bien travaillé pendant les vacances, je reviens bien dans le coup et je me sens déjà en bonne forme. Bien mieux qu’il y a un an.

St-Trond, c’était une erreur d’aiguillage ?

Signer là-bas, ce fut surtout la plus grosse désillusion de ma carrière !

Expliquez-vous.

J’en reviens à notre travail physique avec le kiné du club. Un gars de bonne volonté, compétent dans son métier mais qui ignorait tout de la façon dont on doit amener des footballeurs à leur top physique. Ses entraînements, c’était à mourir de rire. N’importe quoi. Il nous faisait faire des intervalles… sans temps de récupération. Par exemple une série de 15 sprints de 10 mètres, en devant repartir à fond dès qu’on en avait terminé un. Je ne vous dis pas à quel point les joueurs étaient dans le rouge.

Est-ce uniquement à cause de cela que vous n’avez pas cassé la baraque dans cette équipe ? Un seul petit but sur l’ensemble de la saison, c’est vraiment très peu !

Le fait que je n’aie pas participé à la préparation, que je me sois blessé au mollet en novembre puis au genou en janvier rendait ma situation fort compliquée. Et vous savez comment on soigne les joueurs là-bas ? On met un peu de glace, on frictionne, on fait des ultrasons, on donne quelques anti-inflammatoires et c’est réglé (il rigole). Et il y a eu le C4 de Marc… Dès qu’il a été renvoyé, le vestiaire a été coupé en deux : les Flamands d’un côté, les francophones et les joueurs amenés par Wilmots de l’autre qui devaient partir. Tamas Hajnal n’a pas été conservé alors qu’il avait été un des meilleurs. On a voulu faire un sale coup à Mathieu Beda, gagner de l’argent sur son dos mais il a heureusement retourné la situation à son avantage et est parti au Standard. Et on n’a pas voulu me garder. Ce ne sont que quelques exemples. Il fallait que le club retrouve d’urgence sa coloration purement flamande. Vous savez, c’est une région d’extrémistes. Cela se ressentait fort dans le vestiaire dès le début de saison. Après notre victoire contre Mouscron en février, Het Belang van Limburg a titré que St-Trond avait gagné avec une majorité de Belges dans l’équipe. C’était révélateur, une pique aux joueurs étrangers. Même les Belges non flamands en prenaient plein la g–. J’étais encore relativement épargné parce que j’avais un nom, mais un gars comme Christofer Baratto en a entendu des vertes et des pas mûres. On ne le ratait pas dès qu’il faisait une petite erreur. Quand je pense qu’il a encore un an de contrat là-bas, le pauvre ! Wilmots parvenait encore à canaliser plus ou moins ces excès, mais dès qu’il est parti, ça a complètement explosé.

 » 400 euros par mois et l’essence à mes frais : je n’ai rien gagné  »

Comment jugez-vous le bilan de Wilmots ?

J’en ai marre d’entendre et de lire qu’il a échoué à St-Trond. Il avait signé pour concrétiser un projet à long terme. Mais on l’a tué après quelques mois : c’est honteux. Dès le mois de septembre, on lui a mis une pression infernale et il s’est fait bouffer petit à petit. Guy Mangelschots n’était plus dans le staff : ce fut le gros problème dès le départ. Je rappelle seulement que St-Trond n’était pas plus mal classé au moment du limogeage de Wilmots qu’en fin de championnat. Comment aurait-il pu en être autrement ? Après son départ, on est tombé dans l’amateurisme le plus total. Abdoulaye Diawara a failli mourir d’une méningite en fin de saison, il s’est retrouvé dans le coma. Mais le club ne l’avait pas mis en ordre de mutuelle et l’hôpital a exigé qu’il paye tous les frais : plus de 10.000 euros. Alors qu’il était à St-Trond depuis près d’un an et qu’on avait donc eu tout le temps de remplir les formalités d’assurance soins de santé pour lui. Il y a 15 jours, j’ai aussi reçu une mise en demeure pour une facture d’hôpital (340 euros) dont je n’avais jamais entendu parler, suite au traitement d’une blessure qui remontait au mois de novembre. C’est ça, le professionnalisme à St-Trond. Moi, je dis : -Mais c’est quoi pour un bordel ? Et je vous garde ma meilleure anecdote pour la fin…

Lâchez-vous…

Avant un match, le patron du club, Roland Duchâtelet, est descendu dans le vestiaire. Il nous a demandé de tout donner pendant… 120 minutes. Mais non, ce n’était même pas un match de Coupe. Enfin bon, il comptait sans doute la troisième mi-temps… Nous avons dû faire un effort pour ne pas tous lui rire au nez. Duchâtelet a eu le mérite de mettre de l’argent dans le club, il a fait une bonne affaire en appelant Wilmots car cela lui a permis d’attirer pas mal de sponsors, mais pour le reste…

Il avait quand même été question que vous prolongiez votre contrat, non ?

J’avais pris rendez-vous avec la direction pour discuter, pour savoir ce qu’on était prêt à me proposer. Mais, la veille de ce rendez-vous, des supporters m’ont appris que la presse annonçait que je devais partir. J’ai voulu en savoir plus et on me l’a confirmé… alors qu’on avait mis une nouvelle voiture à ma disposition une semaine plus tôt. Allez comprendre. Est-ce que je dois le regretter ? Sans doute pas. Je n’ai pour ainsi dire pas gagné un euro la saison dernière : j’avais un contrat non-amateur de 400 euros bruts par mois, plus les primes. Et des primes, il n’y en a pas eu beaucoup ! Je n’y avais même pas droit quand j’étais blessé. Comme je me tapais 120 km par jour et que l’essence était à mes frais, il ne me reste pas grand-chose. Je crois même que je n’ai pas gagné un seul euro la saison dernière.

Qui a pris la décision de ne pas vous conserver ? Herman Vermeulen ou la direction ?

Je n’en sais rien et je ne veux pas le savoir.

L’heure de votre bilan final approche…

J’aurais sans doute pu faire mieux de ma carrière, mais j’aurais pu faire moins bien aussi. Mon plus gros regret est de ne pas avoir été champion avec le Standard. Je suis aussi passé très près de trois tournois avec les Diables : je me suis blessé à l’épaule juste avant l’EURO 2000, Georges Leekens a préféré prendre les Mpenza au Mondial 98 et Robert Waseige m’a écarté au tout dernier moment pour la Coupe du Monde 2002. C’est la vie. Waseige avait raison parce que je n’avais pas beaucoup joué cette saison-là, mais quand je vois ce que les attaquants belges ont fait en France (Mbo et Emile, Luc Nilis et Luis Oliveira), je me dis que Leekens s’est planté. Moi, je sortais d’une toute grosse saison avec Schalke : la quatrième place en championnat, les quarts de finale en Coupe d’Europe, etc.

Vous ne serez finalement jamais devenu le nouveau Van Basten…

Encore cette histoire ? J’avais 17 ans et Roger Henrotay avait dit à un journaliste : -Goossens me fait un peu penser au style Van Basten. C’est devenu : -Le Standard tient un nouveau Van Basten. C’était quand même fort différent. Il m’arrive encore d’en parler et d’en rigoler avec Henrotay.

Pierre Danvoye

 » ON NE VA PAS ME RATER si Eupen déçoit  »

 » SAINT-TROND EST UNE RÉGION D’EXTRÉMISTES FLAMANDS : ça se ressentait dans le vestiaire « 

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