Just MARRIED

La paire Oli et Xav à l’épreuve dans le jardin anglais.

Ce n’est plus un secret pour personne : Wimbledon a débuté sans Justine Henin ni Kim Clijsters, plongeant par là même le public belge dans un désarroi auquel nous n’étions plus habitués depuis trois ans. L’espace de leur parcours en simple, la majeure partie de l’attention se sera donc portée sur les seuls garçons, Xavier Malisse et Olivier Rochus en tête, ce qui n’est pas pour leur déplaire même s’ils aiment le répéter : le tennis leur procure avant tout un plaisir égoïste.

Mais il est un domaine, ignoré jusqu’il y a peu des plus passionnés du sport à la raquette : le double. Suite à la victoire du tandem Malisse-Rochus à Roland Garros, l’étonnement s’est mué en curiosité. Que feront les deux compères sur le gazon sacré De l’ All England Club ? That’s the question !

Une question à laquelle il est très difficile de répondre. Mais il est une chose absolument sûre : le revêtement autrement plus rapide que la terre battue parisienne ne sera pas des plus simples à gérer pour deux joueurs qui manquent des plus élémentaires automatismes dans le jeu à quatre.

Capitaine de Coupe Davis, Steven Martens connaît bien ceux qu’il appelle familièrement Xav et Oli. Il ne cache pas que leur tâche sera plus ardue qu’à l’ombre de la Tour Eiffel.

 » Leur exploit a été rendu possible parce qu’il est intervenu sur terre battue « , dit-il ainsi sans détour.  » La lenteur de la surface leur a permis de gommer certaines de leurs imperfections « .

Pourtant, et Martens le sait bien, tant Malisse que le cadet des Rochus possèdent des atouts dans leur jeu qui leur permettent, si pas de répéter leur exploit, au moins de poursuivre pendant quelques matches supplémentaires la magie entrevue à Paris.

 » Les points forts d’Olivier sont le retour de service, une arme très importante à Wimbledon, et le jeu de fond de court, beaucoup moins vital sur herbe puisqu’il est quasiment inexistant. Quant à Xavier, son arme maîtresse est le service qui, sur le tapis vert, peut faire des dégâts. Autre point non négligeable : vu qu’ils n’adoptent jamais l’attitude des parfaits joueurs de double, ils ont réussi à déstabiliser tous leurs adversaires « .

Alors pourquoi pas rêver encore un peu ? Même si, c’est vrai, l’effet de surprise jouera beaucoup moins. Car c’est en détenteurs du trophée parisien que les Belges ont posé leurs semelles dans le temple du tennis. Leur performance est désormais connue de tous et ils ont eu le temps de prendre conscience que leur exploit est bien réel et qu’il aura pour conséquence que les spectateurs anglais, très friands du double, viendront les regarder comme des bêtes curieuses.

Le scénario parisien revisité

Côté joueurs, ils sont nombreux à présent à vouloir leur montrer comment on joue réellement en double, d’autant que le gazon oblige à abréger les échanges et à monter rapidement au filet, un domaine où Malisse et Rochus, même s’ils sont extrêmement doués, ne se sentent guère à l’aise.

 » Jouer davantage à la volée en simple ? », s’interrogea Olivier Rochus dans la foulée de son titre parisien.  » Peut-être, mais en simple, on est beaucoup plus exposé aux passings de l’adversaire.  » Pas facile, on le voit, de vaincre ses peurs…

Car c’est sans doute là la plus grosse équation qu’ils vont devoir résoudre à Wimbledon. Tant Malisse que Rochus sont des joueurs qui privilégient le jeu en fond de court. S’il peut être rangé dans la catégorie des attaquants, le Courtraisien le doit essentiellement à ses grands coups droits qu’il balance de derrière sa ligne de fond. Les rares fois où il s’aventure au filet, c’est toujours pour terminer un point facile. Quant à l’Auvelaisien, ce n’est pas exagéré d’écrire qu’il ne monte au filet que pour… serrer la main de son rival une fois le match achevé alors qu’il sait, lui aussi, ce que volleyer veut dire.

Or, quand on est avant tout des joueurs de simple, il est très difficile de changer ses automatismes et de les adapter pour le double. Lorsqu’ils évoluent côte à côte, Malisse et Rochus jouent uniquement au feeling. Leur excellente entente sur le court combinée à leur envie de s’amuser, tout autant que d’amuser la galerie, complète un cocktail qui a eu des effets enivrants à Roland Garros.

 » Les gens doivent comprendre qu’à Roland Garros, leur exploit a été rendu possible parce que tous les éléments se sont parfaitement emboîtés « , explique Philippe Dehaes, le coach de Malisse.  » Olivier a été rapidement éliminé en simple, les filles (Clijsters et Henin) n’étaient plus là et l’intérêt médiatique pour le double s’en est trouvé renforcé, la finale féminine qui précédait celle du double a été nulle, ce qui a eu pour conséquence que beaucoup de monde est resté dans les gradins pour assister à un duel franco-belge qui plus est. Bref, tous ces éléments ont fait que les gens en Belgique se sont focalisés de façon presque anormale sur le double. Mais dans l’esprit de Xavier et d’Olivier, le double ne constituera jamais une priorité dans leur carrière. Cela restera toujours une cerise sur le gâteau « .

Même son de cloche du côté de Julien Hoferlin, l’entraîneur de Rochus :  » Oli et Xav ne gagneront plus jamais un tournoi du Grand Chelem. Ils ont réussi un truc incroyable à Paris parce qu’ils ont su exploiter au maximum leur amitié et leur solidarité sur le terrain ainsi que leurs qualités qui sont le retour de service et le passing-shot. Une bonne étoile a veillé sur eux jusqu’à la fin de la compétition. Ils n’ont pas eu de la chance. Ils ont eu une chance énorme  » !

Et leur service-volée ?

Concernant Wimbledon et son gazon rapide, tant Dehaes qu’Hoferlin considèrent la tâche qui attend les deux comparses autrement plus ardue.

 » Oui parce que sur gazon, ils vont devoir retourner des balles qui arrivent très bas vu que le rebond est pratiquement inexistant sur herbe « , explique Hoferlin.  » Effectuer un passing sur une balle basse est autrement plus difficile que sur terre battue où, grâce à la hauteur des balles, on peut frapper très fort dans la balle. Comme en plus les adversaires vont jouer systématiquement le service-volée, ils vont se rendre compte à quel point la notion de mur prend toute son ampleur sur cette surface.  »

Le coach liégeois estime d’ailleurs que le service-volée est incontournable à Wimbledon :  » On n’a pas d’autre choix que celui de s’emparer le plus vite possible du filet. Raccourcir les échanges doit être une règle d’or « .

Dehaes se veut, quant à lui, plus optimiste sur l’adaptation des Belges au gazon :  » Parce qu’il est plus rapide que la terre battue, le gazon est plus adapté à Xavier qui n’aime pas les longs échanges. D’autant qu’avec son service qui est fort slicé, il parviendra à sortir son adversaire du court encore beaucoup plus facilement que sur terre. Il sera, je pense, très difficile de le breaker. Quant à Olivier, sa petite taille (165 centimètres) est un avantage. Grâce à sa mobilité et à son centre de gravité qui est bas, il peut mieux gérer des balles qui le sont également. Par contre, son service ne l’avantagera pas « .

Une ombre plane toutefois. Elle a trait au physique de Malisse. Déjà blessé au dos à Paris, le Flandrien n’a toujours pas récupéré. Il souffre encore de douleurs qui pourraient l’obliger à minimiser ses efforts à Wimbledon.

 » Xavier souffre d’un problème de vertèbres qui compressent trop un disque, ce qui le fait sortir de sa position habituelle « , tente d’expliquer Philippe Dehaes.  » Il en résulte un manque de mobilité du bassin. A Nottingham, Xavier a été obligé de ne pas jouer le double et Olivier a fait équipe avec GillesElseneer. Dès son élimination en simple, nous sommes partis pour Londres afin qu’il s’y fasse soigner. Mais le temps presse. Je ne sais pas ce que cela donnera mais une chose est sûre : nous ne prendrons aucun risque inconsidéré « .

Deux autres détails doivent être ici évoqués. Au contraire de Roland Garros, les matches de double à Wimbledon se disputent au meilleur des cinq sets. Une surcharge de travail est donc inévitable et même si on ne sert qu’une fois sur quatre, l’organisme est davantage sollicité. Deuxièmement, le signing (le fait de s’inscrire à la compétition) intervient trois semaines avant le tournoi et il n’est pas modifiable. En clair, si Malisse devait déclarer forfait, Olivier Rochus ne pourrait pas se trouver un remplaçant de dernière minute et la paire belge serait purement et simplement rayée du tableau et remplacée par un duo qui se trouve sur une liste d’attente.

Un changement de carrière

Concernant l’intérêt qu’a suscité leur victoire parisienne, les deux joueurs en ont bien sûr pris conscience. Leur exploit restera à jamais un temps fort dans leur carrière.

 » Leur perception du double a changé « , dit Dehaes.  » Ils le prennent à présent comme une grande fête du tennis qui leur permet, de surcroît, d’évacuer la pression qui pèse sur eux en simple. Sur le plan de leurs caractères respectifs, Roland Garros les a encore plus rapprochés. Dans les jours qui ont suivi leur succès, Xavier et Olivier ont beaucoup reparlé de leur incroyable parcours. Ils évoquaient certaines situations de jeu qui les avaient marqués ou se racontaient sans cesse l’une ou l’autre anecdote. Il leur arrivait même d’entonner les chansons qu’ils ont chantées le soir de leur victoire dans un bar parisien ! Paris les a unis à jamais « .

Hoferlin possède de son côté une vision plus terre à terre des circonstances.  » Leur victoire n’a pas changé grand-chose dans leur manière de fonctionner « , exprime-t-il ainsi.  » Ils continueront à gérer leur carrière comme joueurs de simple avant tout. C’est seulement leur statut qui a évolué. Grâce à leur trophée, ils sont assurés d’être classés têtes de série en Grand Chelem et d’entrer dans les tableaux des Masters Series. Et, cerise sur le gâteau, ils sont même assurés de participer au Masters de fin d’année à Houston  » !

Ainsi donc, après Tom Vanhoudt il y a quelques années (mais il formait une paire avec un joueur étranger), Malisse et Rochus s’en iront, à la mi-novembre, défendre leurs chances dans la plus prestigieuse des compétitions du double. En plein Texas, ils côtoieront ce qui se fait de mieux dans la discipline, à commencer par les frères Bryan, Mike et Bob, n°1 mondiaux.

 » Le Masters invite les sept premières paires mondiales plus une équipe qui ne fait pas partie de ce gratin (la paire belge est classée neuvième actuellement) mais qui a remporté un tournoi du Grand Chelem « , explique à ce sujet Hoferlin.  » Aussi incroyable que cela paraisse, Xavier et Olivier, qui n’avaient jamais joué ensemble avant le début de cette année û NDLA : ils s’alignèrent pour la première fois à l’Open d’Australie où ils durent déclarer forfait au deuxième tour, Olivier étant victime d’une périostite aux tibias û se retrouveront à Houston ! Vont-ils y aller ? Et comment ! Je ne dois pas vous rappeler que le Masters décerne un joli paquet d’argent. Ce sera la plus belle façon de terminer l’année en beauté « .

D’ici là, Malisse et Rochus pourraient s’aligner aux Jeux Olympiques d’Athènes en simple et en double (décision pendant la quinzaine londonienne).

 » Mais après Wimbledon, ils ne s’aligneront pas côte à côte pendant cinq semaines « , enchaîne Dehaes.  » L’US Open sera la prochaine échéance du circuit ATP pour les voir à nouveau rassemblés. D’ici là, Xavier aura pleinement récupéré ses capacités physiques. De plus, il adore New York et son ciment. C’est un tournoi dans lequel il joue bien depuis quelques années et comme il veut vraiment refaire son apparition dans les meilleurs joueurs mondiaux en simple, il sera très motivé « .

D’ici là, le public belge devra prendre son mal en patience. Et espérer que le dos de Malisse ne lui joue pas de vilains tours à Wimbledon. Mais comme rêver ne fait de tort à personne…

Florient Etienne

 » Sur le plan caractériel, Roland Garros les a ENCORE PLUS RAPPROCHÉS « 

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