Jumeaux basketteurs

Matthias Stockmans
Matthias Stockmans Matthias Stockmans is redacteur van Sport/Voetbalmagazine.

Tous deux ont grandi à Blankenberghe, ont émigré aux Etats-Unis et sont maintenant de bons joueurs de D1, internationaux qui plus est.

Tom et Wim sont de véritables jumeaux, fruits de Jean-Luc Van de Keere, lui-même ancien bon joueur de basket. Il a notamment défendu les couleurs d’Avanti Bruges et d’Ostende. Il est ensuite devenu le premier entraîneur de ses fils à Berchmans Blankenberghe, l’équipe où Jean-Luc a achevé sa carrière, avant que ses fils n’y entament la leur.

A 17 ans, Tom et Wim étaient titulaires de l’équipe fanion de Blankenberghe (D2). A 19 ans, ils ont réalisé leur premier rêve: jouer aux Etats-Unis. Après un intermède de deux ans, ils sont revenus en Belgique. Deux ans plus tard encore, Wim est le pilier d’Estaimpuis, la révélation du championnat, et Tom est le 6e homme de Wevelgem. La carrière parallèle de deux frères au caractère identique.

Estaimpuis tourne très bien alors que Wevelgem marque le coup, après un superbe départ…

Wim: A Estaimpuis, nous n’étions soumis à aucune pression au début de la saison. C’est un atout de poids. L’approche décontractée de l’entraîneur, Werner Rotsaert, nous convient bien.

Tom: Nous avons gagné la Coupe du Roi et peut-être avons-nous quelque peu gambergé. Il ne faut pas non plus oublier que nous nous sommes toujours inclinés au terme de matches très serrés.

Vous vous êtes affrontés il y a quelques semaines. Estaimpuis a gagné 92-93. Ce match constituait-il un événement particulier pour vous?

Wim: Ce n’était pas notre premier affrontement. L’an dernier, j’ai joué contre Wevelgem avec Ostende. Mais cette fois, nous avons vraiment joué tous les deux. Bizarrement, notre duel de l’an passé a davantage attiré l’attention.

Tom: Je trouvais ça spécial, chouette, mais je n’ai pas modifié ma préparation du match pour la cause.

Wim: Sinon, on se met soi-même sous pression.

Tom: Avant, on n’en a guère parlé à la maison. D’ailleurs, en général nous ne discutons guère de nos matches. Après-coup, nous y sommes quand même revenus. Chacun espère que l’autre jouera un bon match mais sans être trop brillant, pour pouvoir gagner.

Echangez-vous souvent des conseils?

Tom: Davantage que dans le passé, quand nous jouions ensemble à Blankenberghe. A l’époque, nous étions sur le même terrain et nous avions déjà assez d’occasions de parler.

Wim: C’est logique, car nous réalisons maintenant des expériences différentes. Par exemple, nous échangeons des conseils sur la meilleure façon de défendre face à certains joueurs. Jamais nous ne nous critiquons.

Le sommet belge, c’est toujours Ostende

Tom a percé l’année dernière alors que Wim s’est rongé les sangs sur le banc d’Ostende. Cette année, c’est le contraire: Wim est de nouveau au premier plan. Ce pas en arrière était-il nécessaire pour votre carrière, Wim?

Wim: Oui. Ostende ne constituait pas un choix très malin. C’est évidemment facile à dire quand tout est fini. Un sportif essaie d’atteindre le sommet et en Belgique, c’est toujours Ostende. Il serait évidemment plus facile de lire l’avenir. J’y ai quand même beaucoup appris et j’ai participé à de belles aventures: la Coupe, le titre, la Coupe d’Europe… Même si j’ai rarement joué, je considère avoir ma part dans ces sacres. Pendant un an, j’ai beaucoup travaillé à l’entraînement. Ensuite, j’ai eu la possibilité de rejoindre Mons ou Estaimpuis mais j’estimais avoir davantage de chances de jouer ici. Je suis plus heureux sur le plan sportif.

Tom: Malheureusement, deux Américains occupent mes positions de prédilection, l’aile et la distribution. Il n’est pas évident d’évincer Sneed et Harris. L’entraîneur de Wim lui octroie beaucoup de libertés offensives alors que Rajko Toroman m’emploie plutôt comme pur tireur. En fait, je ne peux tirer que des trois points. Une telle distribution des tâches est restrictive.

Pour des joueurs de votre taille, vous êtes très polyvalents et vous avez un bon tir à distance. L’avez-vous sciemment travaillé?

Wim: Non, pas vraiment.

Tom: J’ai le sentiment de perdre cette polyvalence, justement parce que les entraîneurs me confinent dans un rôle.

Wim: J’avais ce sentiment aux Etats-Unis aussi. Tout ce qu’on y attendait de moi, c’était des tirs de l’extérieur. Rotsaert me permet d’exploiter mes capacités.

Tom: J’ai en effet l’impression de me spécialiser sur les trois points, bien que ça n’ait jamais été mon intention.

Avant, ils ont dû étudier

Quelle formation avez-vous eue?

Wim: Notre père nous a apporté la base du basket. Ensuite, nous avons joué à Blankenberghe, où notre père entraînait les benjamins. Nous sommes passés par toutes les catégories d’âge avant d’atterrir en équipe fanion.

Pourquoi n’avez-vous jamais préféré l’école ostendaise, l’Ajax du basket? Ce n’était pas très loin.

Tom: Mais était-ce vraiment mieux? Nous avons reçu une bonne formation à Blankenberghe et nous avons pu effectuer nos débuts en D2 à 17 ans, ce qui nous a permis d’acquérir de l’expérience. C’est plus utile que de gagner tous ses matches avec vingt points de différence, non?

Wim: En plus, l’école ostendaise venait de démarrer et n’avait donc pas encore de réputation. Nos parents attachaient beaucoup d’importance aux études. Nous pouvions combiner sport et études à Blankenberghe. Maintenant, Tom et moi sommes en possession d’un diplôme d’interprétariat.

Vous a-t-on élevé dans le basket?

Wim: Non, pas du tout. Nos parents ne nous ont rien imposé. Nous avons tâté de tas d’autres hobbies. Judo, natation, et même des leçons de piano. Mais nous avons mordu au basket de nous-mêmes.

Tom: Nous aimons notre sport, sinon, nous n’aurions pas émergé. Nous ne comprenions pas que notre père avait lui-même été basketteur professionnel. Nous ne l’avons jamais vu jouer. Nous avons davantage suivi les matches et les entraînements de Blankenberghe quand il en est devenu entraîneur-adjoint. Nous nous exercions à l’anneau pendant que l’équipe fanion s’entraînait.

Wim: L’idée est venue progressivement. Je veux faire ça aussi! Nous ne nous sommes jamais sentis dans l’obligation d’embrasser une carrière en basket.

Ils ne terminaient jamais un un-contre-un!

Jouiez-vous souvent un contre un?

Wim et Tom se regardent: Avant, oui.

Wim: Nous avons cessé il y a environ quatre ans, car ça finissait toujours par une dispute.

Tom: Au point que nous n’avons jamais pu achever une partie. C’était très dur. Vous savez comment ça va. On se battait pour chaque point, on le contestait… Maintenant, nous entamons de temps en temps un match mais il faut dire que nous nous sommes calmés avec l’âge.

Wim: Nous sommes plus adultes. Avant, nous étions très émotionnels, nous n’acceptions pas de perdre. Nous avions souvent des discussions avec l’arbitre ou avec des équipiers. L’entraîneur nous a fait comprendre que nous gaspillions notre énergie. En s’énervant, on perd la moitié de ses capacités sur un terrain.

Vous ne vous êtes jamais disputés avec l’entraîneur?

Wim: Non. On ne conteste jamais un entraîneur. C’est profondément ancré en nous.

Comparez vos entraîneurs actuels.

Wim: Werner Rotsaert nous dit avant chaque match: -Amusez vous.

Tom: N’importe quel joueur irait au feu pour un entraîneur pareil. Toroman est son contraire. Il contrôle tout. C’est une obsession. Si quelque chose ne lui plaît pas, on l’entend. Il vous teste pendant les premiers mois puis vous vole dans les plumes. Toroman veut apprécier votre réaction et votre résistance mentale.

Ils doivent beaucoup s’entraîner

En 1998, vous avez émigré aux Etats-Unis, à la Fairleigh Dickinson University. Etait-ce un rêve ou une étape logique de votre carrière?

Wim: Pour un jeune, le monde du basket américain paraît inaccessible. Nous avons participé au Nike Summercamp de Pittsburgh, un tournoi auquel assistent beaucoup de scouts des collèges. J’ai gagné le free-throw contest et Tom a été champion des trois points. Nous nous sommes retrouvés à Fairleigh…

Tom: Je n’y ai guère joué mais malgré tout, j’y ai beaucoup appris. En Belgique, nous n’avions que deux entraînements par semaine. Comme nous allions toujours à l’école, il était difficile de nous entraîner en-dehors du cadre du club. Là, nous n’avions que trois heures de cours par jour. Le reste du temps était consacré au basket. Nous disposions de toutes les facilités voulues. A n’importe quel moment de la journée, nous avions accès à la salle de basket ou de fitness. En plus, deux fois par semaine, chaque joueur avait des entraînements individuels.

Wim: Ce sont les efforts que vous consentez en-dehors des entraînements qui vous font progresser. Aux Etats-Unis, nous en avions le temps. Un autre monde s’est ouvert à nous. Car pour un Européen, les études ne sont pas très difficiles, là-bas.

Comment avez-vous vécu ce passage au basket américain?

Wim: Techniquement et tactiquement, les Européens ne sont certainement pas inférieurs. Les Américains sont plus forts physiquement et moralement. C’est la principale différence. Leur vitesse d’exécution est nettement supérieure. Nous n’avions pas l’habitude d’affronter des joueurs de notre taille sur les ailes.

Vous avez les mêmes qualités. Avez-vous également les mêmes faiblesses?

Wim: Au fond, oui. Nous manquons de vitesse latérale et d’explosivité. Nous travaillons ces points ensemble.

Tom: Pendant l’entresaison, nous avons été courir ensemble et nous avons suivi le programme d’un kinésithérapeute de Blankenberghe. Nous allons aussi au fitness ensemble. Mais nous n’avons pas un gabarit imposant. Il est donc logique que nous ayions les mêmes qualités et que nous préférions les ailes.

Vous êtes concurrents, en fait?

Wim: Oui. Nous devions suivre chacun notre chemin pour réussir. Un jeune Belge éprouve déjà assez de difficultés à s’imposer en Belgique. Si, en plus, nous nous étions fait de la concurrence…

Tom: Nous avons réalisé, aux Etats-Unis, que nous jouions ensemble pour la dernière fois. En plus, Wim était titulaire à Fairleigh alors que je ne jouais pas du tout. On s’intéressait donc beaucoup plus à lui. Il pouvait rejoindre Ostende, moi, j’étais déjà heureux de signer à Wevelgem.

Ils sortaient à New York

Vous n’avez pas été jaloux?

Tom: Non, pas du tout. Au contraire, j’étais heureux qu’il s’impose aux Etats-Unis. Ne pas jouer et être seul eût été bien pire. Je me suis quand même bien amusé. Wim a simplement saisi sa chance.

Wim: J’ai reçu une chance, pas Tom. Je ne sais pas pourquoi.

Tom: Nous étions dans une équipe formidable, avec six étrangers. Des internationaux du Nigeria, de Côte d’Ivoire, d’Islande. Nous sortions ensemble à New York. Ce n’était donc pas si mal. On nous accordait beaucoup d’attention. En rue, les gens nous abordaient et demandaient pour quelle équipe de basket nous jouions. En Belgique, les gens nous jettent un coup d’oeil mais n’osent rien demander.

Etre sans cesse présentés comme les jumeaux basketteurs ne vous gêne pas?

Tom: Non. C’est ainsi. J’espère simplement que cet intérêt ne vient pas seulement du fait que nous sommes de vrais jumeaux mais que notre basket est convaincant.

Wim: La plupart des gens ne savent même pas qui est qui. Je pense qu’être jumeaux constitue un avantage. Etre le petit frère, comme Paul Bayer, doit être plus difficile à vivre. Paul a vraiment un complexe. Nous, nous nous stimulons mutuellement. Grâce à la présence de Tom, il y a toujours compétition. Si Tom va au fitness, je ne peux pas rester dans mon fauteuil, par exemple.

Tom: C’est un fait, on nous pose sans cesse les mêmes questions-clichés. Mais je peux l’assurer: jamais nous n’avons échangé nos copines à leur insu! ( ils rient)

Wim: Aux Etats-Unis, nous en avons parfois profité. Quand l’un de nous voulait fainéanter, l’autre allait au cours et signait à sa place. Mais sinon, nous sommes très corrects…

Matthias Stockmans

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