JULIA STEPANOVA

Julia Stepanova (28 ans), la spécialiste russe du 800 mètres qui a accusé dans un documentaire allemand le système sportif russe de recourir systématiquement au dopage et d’étouffer les scandales, va encore plus loin dans les colonnes du Frankfurter Allgemeine Zeitung.  » L’IAAF et l’agence mondiale antidopage ne font rien pour le moment.  »

Pourquoi avoir collaboré au documentaire allemand ?

Julia Stepanova : Mon époux, Vitali Stepanov, ancien contrôleur de l’agence russe antidopage, et moi voulions dire la vérité sur le sport russe. Et la vérité, la voici : si vous voulez devenir sportif de haut niveau, vous êtes obligé de vous doper, parce qu’on vous répète :  » Tous les grands athlètes le font.  » En Russie, il y a les règles et la pratique au quotidien. Ce sont deux choses complètement différentes. On m’a injecté de l’EPO pour améliorer mon endurance, des stéroïdes pour accroître ma puissance et encore une série d’autres substances.

Aucun athlète russe ne s’est posé de questions ?

Les dirigeants et les entraîneurs nous expliquaient que les stéroïdes étaient plus puissants dans les années ’80 et qu’ils n’avaient pourtant pas souffert d’effets secondaires ou qu’ils avaient mis au monde des enfants en bonne santé. Mon entraîneur de Koursk, Vladimir Mochnev, était un spécialiste des haies du temps de l’Union Soviétique et il me disait :  » Regarde-moi. J’ai eu recours aux stéroïdes et je suis en parfaite santé…  »

Pourquoi vous êtes-vous laissé convaincre de vous doper ?

Aux championnats de Russie pour juniores, j’avais quinze secondes de retard sur les meilleures en 800 mètres. Mon entraîneur m’a dit :  » Le talent seul ne suffit pas pour réussir. Tu as besoin d’autre chose.  » C’est une guerre des nerfs mais quand on est jeune, on ne le comprend pas. On veut figurer parmi les meilleures, pas terminer avec 50 mètres de retard. C’est comme ça qu’ils attirent les athlètes dans leurs filets. Tout le monde est au courant : les membres de la commission du sport, de la commission médicale, les entraîneurs…

Pourquoi encourage-t-on les athlètes à se doper ?

Ils sont plus performants et de bons chronos sont plus intéressants commercialement, y compris pour la fédération internationale. L’IAAF et l’AMA, l’agence mondiale antidopage, ont vu le documentaire mais n’ont encore rien entrepris. Nous leur avons envoyé encore plus de séquences. Des entretiens accablants avec l’entraîneur principal, Alexei Melnikov, avec le responsable de la commission médicale, Sergei Portugalov, et avec la championne olympique Maria Savinova, qui a reconnu avoir consommé de l’Oxandrolon, un stéroïde anabolisant. Parfois, j’ai l’impression d’être James Bond !

Vous sentez-vous toujours en sécurité ?

Oui, depuis que nous avons fui la Russie, bien que je ne sache pas ce que l’avenir nous réserve. Moi aussi, j’ai commis des erreurs mais je devais dénoncer le système. Les sportifs ont le droit de rester sains.

PAR MICHAEL REINSCH

 » J’ai parfois l’impression d’être James Bond. « 

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