JUGÉ EN TREIZE MINUTES !

Alors que ses supporters planifiaient leur voyage pour lui rendre visite à Thessalonique, l’élégant gaucher (30 ans) a rejoint le Cercle Bruges. Pour enfin découvrir un championnat qu’il n’a fait qu’effleurer.

« Maarten nous avait dit d’aller le rejoindre en Grèce au printemps, quand il y ferait un peu plus chaud « , dit Martin Coone, un des responsables du club de supporters de Maarten Martens.  » Il fallait le temps de tout organiser car ce n’était pas la porte à côté. Et puis, il ne jouait pas beaucoup.  »

Désormais, plus besoin d’aller aussi loin puisque Maarten jouera à Bruges, pas très loin de son village de Bassevelde.  » Nous avons regardé le calendrier : nous allons voir le match contre Anderlecht, ce dimanche, car beaucoup d’entre nous sont supporters du Sporting.  »

Pour Maarten aussi, ce sera une rencontre particulière. Il a porté le maillot mauve pendant plus de dix ans aux côtés d’Olivier Deschacht et de Besnik Hasi. Il a également côtoyé Silvio Proto dans les équipes nationales d’âge.

L’erreur grecque

Martens, dernier survivant de la grande équipe de l’AZ dirigée par Dick Scheringa, a joué un an en Grèce. C’est Huub Stevens qui, en janvier de l’année dernière, l’a amené au PAOK Salonique. Comme il arrivait en fin de contrat aux Pays-Bas, il pouvait réaliser une bonne affaire. A l’AZ, il avait encore un ancien contrat mais après la faillite de la banque DSB, en 2009, le club s’était montré moins généreux avec ceux qui (re)signaient. Il aurait pu rester, mais plus aux mêmes conditions. Huub Stevens, qui le connaissait, lui a offert une bouée de sauvetage.

Ça n’a cependant été une réussite pour personne. Martens s’est rapidement blessé et début mars, Stevens a été limogé.

 » A ce moment-là, j’ai dit à mes collègues de la rédaction que Martens allait souffrir « , dit Yoeri van den Busken, journaliste à Voetbal International.  » Stevens, qui le connaissait bien, était remplacé par un Grec. Qu’allait devenir Maarten ?  »

Pour Pascal Renier, qui travaille comme recruteur pour une agence de joueurs internationale, le PAOK est un club très spécial.  » Son jeu est basé sur le physique, l’engagement, la passion. On m’a dit que Maarten ne s’y était jamais intégré, même quand il a eu sa chance. En plus, il était souvent blessé.  »

La saison dernière, il n’a été sélectionné que six fois en quinze matches, dont quatre comme titulaire. Cette saison, il a été repris 21 fois sur les 26 matches livrés par le PAOK, toutes compétitions confondues, mais il n’a été titularisé lors d’aucun des huit matches de Coupe d’Europe et n’a entamé que deux matches de championnat. En décembre, il a même complètement disparu de la circulation.

Le Cercle a-t-il transféré un joueur fragile ? Van den Busken affirme qu’à l’AZ aussi, sur la fin, on commençait à dire cela.  » C’est un garçon très gentil. Il ne parlait pas beaucoup aux journalistes et était toujours modeste mais dans le vestiaire, c’était un leader. Evidemment, il avait connu la grande période d’AZ et avait donc du galon. Ses qualités footballistiques n’ont jamais été remises en question. C’est un joueur fantastique qui peut jouer à gauche ou en dix, sa meilleure place. Mais tant Gertjan Verbeek que Dick Advocaat estimaient qu’ils pouvaient difficilement construire leur équipe autour de lui, parce qu’ils ne savaient pas s’ils pourraient compter sur lui toute une saison.  » Du coup, Verbeek l’alignait à gauche.

Pas facile de quitter Anderlecht

Son talent ne fait aucun doute. Martens est un styliste. A l’époque, à Anderlecht, on l’avait surnommé le nouveau Rensenbrink. Il y avait pratiquement toujours joué à gauche jusqu’à ce qu’un entraîneur d’équipe d’âge l’essaye en dix. Mais en Espoirs et lors de sa première saison au RKC, on l’a à nouveau positionné extérieur gauche ou médian gauche. C’est Adri Koster qui a refait de lui un dix au RKC. Ça se passait si bien que l’AZ est venu le chercher et qu’en 2009, le club d’Alkmaar a été champion pour la deuxième fois de son histoire. Martens y jouait aux côtés de Dembélé, Swerts et Pocognoli dans une équipe entraînée par Louis van Gaal.

Martens a dit un jour que Koster et Van Gaal étaient les deux entraîneurs qui avaient le plus compté pour lui. Parce que, à l’âge de 22 ans, ils lui avaient appris à chercher des solutions offensives.  » Au RKC, Erwin Koeman me répétait sans cesse que je devais aller au duel et protéger le ballon « , dit Martens en parlant de cette époque.  » Mais ce n’était pas mon truc. Quand Koster est arrivé, il m’a dit : joue au foot ! C’était déjà mieux mais Van Gaal, lui, m’a dit que je devais utiliser ma technique pour éviter les duels. J’avais 22 ans, il m’a mis sur le droit chemin pour le reste de ma carrière.  »

A cette époque, Jan Mulder a dit qu’il ne comprenait pas comment Anderlecht avait pu laisser filer un tel talent. Et Herman Van Holsbeeck a reconnu plus tard que le club avait commis une erreur mais qu’il en avait tiré les leçons. En 2004, lorsqu’il avait prêté Martens au RKC, Anderlecht avait fixé une option d’achat à un prix beaucoup trop bas. Le club bruxellois estimait que Martens, qui n’avait joué que 13 minutes contre Westerlo et avait été repris pour un match de Champions League face au Bayern, était encore un peu trop léger pour l’équipe première. Le RKC leva l’option et, un an plus tard, il vendait Martens à l’AZ. Anderlecht a retenu la leçon et n’inclut plus jamais d’option d’achat dans les contrats de location.

Patrick Martens, le père du joueur, s’est parfois montré très dur à l’égard d’Anderlecht.  » Van Holsbeeck a dit un jour que Maarten avait reçu sa chance pendant 13 minutes et qu’il ne l’avait pas saisie. Aux Pays-Bas, on a trois ou quatre matches pour montrer quelque chose. Ici, on ne donne du crédit qu’aux étrangers de seconde zone.  »

Maarten, lui, n’a jamais égratigné Anderlecht. Son palmarès l’y aurait pourtant autorisé. Il admet cependant qu’il avait éprouvé des difficultés à faire son deuil.  » La décision la plus difficile que j’ai prise au cours de ma carrière, c’est celle de couper les ponts avec le Sporting « , dit-il. Les choses auraient peut-être pris une autre tournure si, immédiatement après le match face au Bayern, il n’avait pas été écarté des terrains pendant un mois en raison d’une fracture de la main.  » Vercauteren voulait que je reste mais à Anderlecht, c’est la direction qui tranche. Il fallait rétrécir le noyau et j’étais le seul pour qui on avait fait une offre.  »

Martens est un homme chaleureux. Au moment de quitter l’AZ, il a fait le tour du personnel pour dire au revoir. Il est aussi très calme.  » Les clubs préfèrent peut-être un enfant terrible qui est suspendu tous les X matches mais moi, je ne peux pas jouer un rôle.  » Il ne se laisse pas facilement démonter.  » Après un match exceptionnel, il disait juste : ça va « , raconta un jour son père.  » Et après un mauvais match, il ne sombrait jamais non plus.  » Sa revanche sur Anderlecht, il la prit autrement. En 2011-2012, le Sporting tombe dans le même groupe que l’AZ en Coupe d’Europe. Les Hollandais s’imposent chez eux (1-0) et à Bruxelles (0-1) avec un but de Martens. Anderlecht est éliminé et l’AZ qualifié. Il se hisse même en quarts de finale et Martens inscrit encore un but contre Valence avant de se blesser à la cheville et aux ischios.

Pas assez costaud

Sa carrière est faite de hauts et de bas. Elle a bien commencé puisqu’il était le capitaine de l’équipe belge qui a atteint les demi-finales des Jeux olympiques 2008 et qui comptait tout de même de sacrés caractères avec des gars comme Vermaelen, Vertonghen ou Kompany. Ces Jeux tombaient un peu tôt pour lui car il avait manqué pratiquement toute une saison en raison d’une déchirure des ligaments croisés mais Jean-François de Sart avait besoin de lui.  » Il était notre capitaine, un joueur très talentueux, très bien éduqué (il avait terminé ses humanités en Latin-Langues modernes) et un véritable meneur de jeu. Le genre de joueurs qui, malheureusement pour lui, a tendance à disparaître.  » Martens ne voulait pas décevoir De Sart mais, selon son père, il ne jouait qu’à 60 % de ses capacités.

Au Cercle, l’occasion lui est donnée de relancer sa carrière. En Belgique, on ne le connaît que si on l’a vu jouer à la télévision hollandaise. Aux Jeux, il n’était pas au mieux de sa forme et en équipe nationale, il n’a pratiquement pas joué. Il a effectué ses débuts le 7 février 2007 face à la République tchèque (0-1) et est apparu pour la dernière fois en mars 2010 face à la Croatie. C’était sous la direction de Dick Advocaat, qui était aussi en même temps son entraîneur à l’AZ. Martens n’a pas eu beaucoup de chance en équipe nationale : 9 matches, 6 défaites et une seule victoire.

Avec son passage en Grèce, c’est le seul point noir d’une très belle carrière. Un point noir qui n’est pas dû à son talent mais à son corps et à la concurrence dans l’entrejeu des Diables Rouges où il s’est heurté à des gars qui, non seulement, savaient jouer mais avaient également une constitution plus solide que la sienne.?

PAR PETER T’KINT – PHOTOS: BELGAIMAGE

 » A 22 ans, Van Gaal m’a mis sur le droit chemin pour le reste de ma carrière  »

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