JT et Panthère rouge

Deuxième demi-finale : le capitaine défenseur des Blues John Terry face à Djibril Cissé, l’attaquant des Reds : what a programme !

En novembre, les supporters de Chelsea ont appris l’heureuse nouvelle : John Terry (24 ans) a prolongé son contrat de cinq saisons. Pour lui arracher la signature qui le liait à Stamford Bridge jusqu’en été 2009, The Blues ont augmenté son salaire hebdomadaire, le portant de 75 à 120.000 euros.

Il est le défenseur le mieux payé de la Premier League avec Sol Campbell (Arsenal) et Rio Ferdinand (Manchester United). Le manager José Mourinho est ravi du dévouement de Terry à Chelsea :  » A l’heure actuelle, il n’y a plus guère de loyauté entre clubs et joueurs. Terry est un battant, sa présence stimule les autres footballeurs. L’offre que lui a faite le club démontre à quel point il compte. Il vaut chaque cent de son salaire « .

Chelsea réalise une campagne particulièrement brillante. Il a gagné la Coupe de la Ligue, fonce vers le titre anglais et est en demi-finales de la Ligue des Champions. Terry, qui est affilié à Chelsea depuis l’âge de 14 ans, a une part importante dans ce succès. Il domine les airs et anticipe brillamment. Il marque régulièrement son but, en championnat comme en Ligue des Champions. International à 14 reprises, il n’est pas un virtuose et n’est pas rapide non plus mais sa vista et son engagement compensent ces lacunes.

 » Je n’en croyais pas mes yeux lorsque je l’ai vu à l’£uvre pour la première fois « , commente Claudio Ranieri, limogé de Chelsea à la fin de la saison passée et mis à la porte de Valence, vainqueur de la Coupe de l’UEFA, il y a quelques mois.  » Il remportait tous les duels aériens et avait l’aura d’un leader né « .

Terry, capitaine depuis le départ de Marcel Desailly, est un des rares éléments du noyau à provenir de l’école des jeunes de Chelsea, ce qui le rend extrêmement populaire aux yeux des supporters, qui se retrouvent en ce jeune issu de la working class londonienne. Le chouchou du public en est à sa sixième saison à Stamford Bridge. Jamais encore Chelsea n’avait trôné en tête de la Premier League avec un tel panache.  » Nous savourons chaque minute passée en tête et même la pression que nous vaut notre position « , affirme Terry.  » Quand Monsieur Abramovich est arrivé, personne ne savait ce qui allait se passer mais nous sommes au niveau de Manchester United et d’Arsenal. Chelsea a un jeune groupe mais suffisamment d’expérience. Parfois, huit internationaux doivent prendre place dans la tribune « …

A table avec Cantona

John Terry, surnommé JT par les supporters et ses intimes, a grandi à Barking, un coin perdu de l’Est londonien. Junior, il a joué pour Senrab, un club du dimanche. Le défenseur, que son entourage décrit comme un garçon timide et gentil, évolua avec un groupe de footballeurs qui allaient émerger au niveau professionnel, comme Ledley King (Tottenham Hotspur), Paul Konchesky (Charlton Athletic) et LloydSamuel (Aston Villa). Paul (25) ans, le frère de John, est également professionnel, à Yeovil, pensionnaire de D4 anglaise, où il est médian. La carrière de John a pris sa première forme à l’école de jeunes de West Ham United, où il a passé quatre ans, avant de passer à Chelsea. Adolescent, il était un médian un peu raide mais possédait déjà la vista et l’engagement qui le distinguent encore maintenant.  » Il savait ce qu’il faisait, estimait bien les situations de jeu et jouait déjà impitoyablement « , selon son ancien entraîneur de jeunes, GrahamRix.

En 2005, on ne peut plus imaginer Chelsea sans Terry. Pourtant, une belle carrière l’attendait à Manchester United. SirAlex Ferguson a vraiment tout fait pour attirer le défenseur à Old Trafford. En outre, la famille Terry est une fervente adepte de United. Le 26 février 1994, Manchester United affronte West Ham United en déplacement à Upton Park. Ferguson connaît déjà les qualités du jeune homme et l’invite à déjeuner avec les joueurs de l’équipe Première, avant la rencontre.  » J’étais à table, en compagnie de Paul Ince et d’ Eric Cantona, avec un toast et un plat de haricots devant moi… mais je n’ai rien pu avaler « , se souvient Terry.

Il a même l’opportunité de s’entraîner une semaine à l’essai avec une équipe de jeunes des Mancunians. Le club vient chercher Terry à Barking tous les jours. Il effectue la navette avec un autre Anglais également à l’essai : David Beckham… Mais Terry refuse de s’affilier à United. D’une part, il n’a guère envie de quitter Londres, de l’autre, il semble avoir un penchant plus prononcé pour Chelsea, plutôt moyen à l’époque. Terry :  » Quand je leur ai fait part de ma décision, mon père et mon grand-père n’étaient pas ravis. Tout mon entourage trouvait que je devais signer à United, un club qui était champion presque chaque année. J’ai assisté à des matches, j’ai posé pour une photo avec Ryan Giggs et Cantona, mais des tas de petits détails m’ont donné le sentiment que j’étais vraiment le bienvenu à Chelsea « .

Méticuleux

Le défenseur effectue sa première apparition en équipe fanion de Chelsea à 17 ans. Anglais de pure souche, il se retrouve dans une équipe de vedettes étrangères, telles que Gianfranco Zola, Gustavo Poyet et Tore Andre Flo. Terry affirme avoir profité du soutien de l’ancien duo central Desailly û Frank Leb£uf.  » Ils ont joué la finale du Mondial 1998 avec la France ! Marcel avait la classe absolue. Lors de mes premiers entraînements avec le noyau, j’ai assailli Marcel et Frank de questions. Ils ont dû penser : -Quel drôle de coco, du calme ! Ils m’ont appris tant de choses… Que je devais surveiller le ballon et non l’adversaire, que je devais observer le jeu le plus possible et réfléchir à ma position dans la défense « .

Desailly a joué six ans avec Terry.  » Je pense qu’il va devenir le Tony Adams ou le Paolo Maldini de Chelsea « , explique le recordman français, qui a mis fin à sa carrière après l’EURO 2004.  » Il peut vraiment devenir la figure de proue, le visage du club. Chelsea ne cesse d’enrôler des étrangers mais a besoin d’un garçon comme Terry. Il connaît la culture du club et les supporters peuvent s’identifier à lui « .

En équipe nationale, Terry doit se contenter d’un rôle de réserviste pour l’instant… mais il est en train d’atteindre un niveau supérieur. Il prend son métier de défenseur très au sérieux. Il se prépare consciencieusement à chaque rencontre.  » La veille d’un match, je visionne toujours mon adversaire direct sur vidéo. Cherche-t-il le défenseur ou le fuit-il ? Je procède de la sorte avec tous les attaquants, de Thierry Henry à Emile Heskey et Ruud van Nistelrooy. Ce dernier est d’ailleurs incroyablement fort. Quand il est dans un bon jour, il faut le tenir le plus loin possible du but. Chaque fois qu’on pense pouvoir lui prendre le ballon, il parvient à faire écran de son corps « .

Un vilain coco

Terry est devenu incontournable mais a fait la Une des tabloïdes à plusieurs reprises. Ainsi, le défenseur et ses coéquipiers Frank Lampard et Eidur Gudjohnsen ont-ils écopé d’une amende salée pour s’être comportés de manière incorrecte à l’égard de touristes américains peu après l’attentat du 11 septembre. En janvier 2002, il a été arrêté suite à un incident dans une boîte de nuit, incident dans lequel son coéquipier Jody Morris était également impliqué. Terry a notamment malmené un sorteur. Il a failli être emprisonné. La FA l’a suspendu des matches internationaux jusqu’au mois d’août de cette année-là… alors qu’il était capitaine des -21 ans !

 » C’est le pire creux de ma carrière. Je suis tombé bien bas quand la FA m’a suspendu. J’étais capitaine des -21 ans et nous étions à l’avant-veille d’un grand tournoi, qui constituait une merveilleuse occasion de tester mes limites. Mais cette affaire m’a endurci. En trois ans, j’ai beaucoup mûri. Je me suis juré de me concentrer encore davantage sur le football « .

Petit black à la vitesse supersonique

 » S’il habitait au Brésil et si les équipes de France jouaient en jaune, Djibril Cissé serait déjà l’égal de Ronaldo et il pèserait des millions de dollars  » : Raymond Domenech, le futur entraîneur de l’équipe de France A, voit très clair quand il dirige Cissé en sélection des -20. Djib est un diamant brut qui fréquente le Club France depuis l’âge de 15 ans. Membre d’une famille de gars du foot (son père joua en D2 française et fut capitaine de l’équipe nationale ivoirienne, deux de ses frères sont pros, il y a aussi un agent de joueurs dans la tribu), Djibril Cissé est né en France (12 août 1981) de parents ivoiriens. C’est une famille heureuse de sept enfants, jusqu’à la séparation des parents.

Son père retourne en Afrique, ce qui oblige la mère à faire bouillir péniblement la marmite dans un quartier défavorisé de la région d’Arles (Bouches-du-Rhône). Djibril fait fureur avec les gamins du club de sa ville et est vite transféré à Nîmes. Avant le grand saut vers le centre de formation d’Auxerre, où son aventure va vraiment commencer. Guy Roux est sous le charme de  » ce petit black à la vitesse supersonique « .

Des footballeurs d’origine africaine qui percent en France et se retrouvent chez les Bleus, ça court les rues. Mais ils ne se ressemblent pas tous. La preuve par Cissé, un personnage qui a décidé de sortir de la norme. Sa couleur de cheveux ? Variable, en fonction de ses humeurs. Blancs un jour, rouges le lendemain. Ses fringues ? Osés, souvent à la limite. Notez que ce look anti-conventionnel s’est plus d’une fois retourné contre lui. Il admet :  » Dès que ça marche moins bien pour moi, j’en prends plein la g– parce que j’ai le look du coupable idéal « . Cette image, le joueur de Liverpool l’entretient jalousement. Il est sous contrat avec une agence de mannequins qui gère son paraître : ses relations avec la presse people, ses apparitions à la télévision, ses contrats publicitaires, la promotion de son site Internet,… Cissé, c’est aussi un c£ur : il est parrain d’une association qui collecte des fonds pour des enfants malades  » parce que ça permet de couper un peu avec le monde des footballeurs, un univers de privilégiés ; ça remet les pieds sur terre, ça fait du bien « .

Blackburn-Liverpool, 30 octobre 2004

Avec Auxerre, qui l’éduque et le forme jusqu’à la D1, Djibril Cissé (1m83, 78 kg) fait vite flèche de tout bois. Premier match en mars 1999 et meilleur buteur du championnat français au terme de la saison 1999-2000 û il remettra le couvert en 2003-2004. Cissé marque de la tête ou du pied droit ; pratiquement jamais du gauche. Il est la star du club bourguignon mais ne cache pas qu’il ne pense qu’à deux équipes : Marseille et Liverpool. A peine installé en Ligue 1, il clame qu’il portera un jour les maillots de ces deux clubs û l’avant de Liverpool maintient toujours aujourd’hui qu’il se retrouvera tôt ou tard au Vélodrome. Quand Gérard Houllier tente une première approche au nom des Reds, GuyRoux est ferme : Cissé reste à Auxerre. Ce n’est que partie remise. Durant l’été 2004, les Anglais reviennent avec une offre qui ne se refuse pas : 20 millions d’euros (et un contrat de 5 ans) pour remplacer Michael Owen. Cissé a bien mérité cette nouvelle étape dans son aventure : 128 matches et 70 buts en Ligue 1, 14 matches et 12 buts en Coupe de France, 8 matches et 4 buts en Coupe de la Ligue, 13 matches et 3 buts en Coupe d’Europe. Mais aussi une place dans le noyau de l’équipe de France, avec son tout premier match contre les Belges, à Paris, quelques jours avant l’envol pour la Coupe du Monde 2002. Aujourd’hui, son compteur renseigne 19 rencontres et 4 buts avec les Bleus et c’est avec Rafael Benitez qu’il est condamné à travailler.

Tout rose, donc, le parcours de celui que les Anglais surnomment la panthère rouge ? Que nenni… Cissé connaît le parfum de la gloire, mais aussi les odeurs et les sensations si caractéristiques des cabinets médicaux et des salles d’opération. Une cheville et un pied ont déjà bien trinqué. Mais il y a pire encore : le 30 octobre 2004, Jay McEveley, le défenseur de Blackburn, rate son intervention sur le félin français et le verdict est horrible, double fracture tibia-péroné. Le toubib des Reds est unanime : Cissé ne rejouera plus avant l’été 2005. Au mieux, car certains remettent même en doute la poursuite de sa carrière au plus haut niveau. Cissé, lui, affronte ces pronostics avec philosophie : il veut retrouver les terrains de Premier League avant la fin de la saison. Le miracle a lieu début avril : quelques heures avant de monter dans l’avion pour Turin, où Liverpool doit se produire contre la Juventus en quarts de finale de la Ligue des Champions, Benitez signale à Cissé qu’il fait partie du noyau. Et il va même le lancer dans la bagarre pour la fin de la rencontre, alors que le Français n’a toujours pas repris du service en équipe Réserve.

 » Morientes ? Pas peur !  »

Cissé a gagné son premier pari anglais. La prochaine étape : continuer le rêve avec Liverpool. Et la suivante : retrouver du plaisir en équipe de France. Car, s’il est un habitué du noyau tricolore, l’attaquant a connu bien plus de désillusions que de joies intenses avec les Bleus. Le Mondial 2002 calamiteux, il y était. L’EURO 2004 à peine meilleur, il n’y était même pas ! Et cette absence lui reste en travers de la gorge. En octobre 2003, il avait pris une carte rouge stupide en Espoirs : un coup de genou à un adversaire portugais. Les Français perdirent tous leurs moyens suite à cette exclusion et furent éliminés de la course aux Jeux d’Athènes. Suspendu pour quatre matches, il ne partit pas au Portugal mais il a toujours assumé son coup de folie :  » Il ne fallait vraiment pas avoir grand-chose dans le cigare pour faire ce que j’ai fait en Espoirs. Pas de jugeote « . Et il ajoute :  » Avec le recul, je me dis que ma suspension pour l’EURO fut encore bien plus pénible que ma fracture tibia péroné. Aujourd’hui, je sais que je vais rejouer à un haut niveau. En revanche, je ne sais pas si j’aurai encore l’occasion de faire un Championnat d’Europe « .

Cissé est conscient que sa grande aventure anglaise doit seulement commencer. Son adaptation dans la vie s’est faite sans problèmes ( » C’est très excentrique ici et ça me plaît. Ils sont un peu fous… comme moi. Je peux m’habiller comme je veux, ça ne dérange personne « ). Il lui reste à trouver définitivement ses marques sur le terrain. Il est confiant :  » Avant ma blessure, j’avais participé à presque tous les matches. J’avais marqué dès ma première rencontre de championnat, puis lors du premier match de Ligue des Champions. Ce n’était certes pas parfait, mais c’était satisfaisant « . Il devra aussi composer avec la concurrence d’un attaquant transféré au mercato spécifiquement pour combler le vide provoqué par sa blessure : Fernando Morientes. Le Français se contente de dire que ce transfert n’est qu’une illustration des ambitions internationales de Liverpool.  » Quand vous engagez un joueur pareil en hiver, ça veut bien dire que vous voulez aller très loin. Morientes ne m’effraie pas. La concurrence est faite pour avancer et, sans elle, je ne serais peut-être pas redevenu aussi vite opérationnel. Si on a des craintes, si on veut conserver tranquillement sa place au chaud, ce n’est pas la peine de venir dans un club comme Liverpool. Lorsque la barre s’élève, ça vous oblige à sauter plus haut ! Aujourd’hui, je n’ai plus peur de rien ni de personne. Ce n’est pas de l’arrogance ou de la suffisance. C’est mon âme de guerrier qui parle « .

Il lui reste à devenir aussi populaire aux Iles qu’en France, où un sondage l’a désigné sixième joueur le plus indispensable pour les Bleus. Derrière Thierry Henry, PatrickVieira, Grégory Coupet, David Trezeguet et Ludovic Giuly.  » Que du gros « , rigole Cissé.  » Ça me fait plaisir, surtout que je ne jouais pas quand ce sondage a été réalisé. Les gens ne m’ont pas oublié : c’est sympa. Mais je suis sûr d’une chose : en ce moment, le duo Henry-Trezeguet est indéboulonnable « .

Vincent Okker, Pierre Danvoye

 » Terry peut devenir LE PAOLO MALDINI DE CHELSEA  » (Marcel Desailly)

 » Je ne suis pas arrogant : J’AI UNE âME DE GUERRIER  » (Djibril Cissé)

 » J’ai le LOOK DU COUPABLE IDÉAL  » (Djibril Cissé)

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