JOURNAL MONDIAL

Lundi 3 juillet Le crash brésilien

Le Brésil retourne au pays. A la sortie de l’hôtel, une centaine de fans déçus insultent les joueurs. Un seul homme avait mis le doigt sur un excès d’optimisme avant la Coupe du Monde : l’ex-international Socrates estimait que le jeu auriverde s’éloignait de la culture brésilienne et il ne trouvait aucune trace de génialité dans la Seleçao. Des propos qui lui ont valu un lynchage médiatique. A présent, son rapport est accablant. Le Brésil rassemble des vedettes rassasiées, un groupe de solistes et de touristes, menés par un entraîneur stratège mais qui est incapable de mener cet ensemble d’icônes par crainte des conflits. Carlos Alberto Parreira aimerait conserver son poste mais le peuple fera office de procureur.

Mardi 4 juillet Les larmes allemandes

Cela fait 32 ans que l’Allemagne est devenue championne du monde pour la première fois. Après une rencontre mémorable contre la Hongrie, les joueurs de l’époque avaient reçu 1.250 euros et une télévision. Aujourd’hui, la qualification pour les demi-finales a rapporté 100.000 euros à chaque joueur. En 1974, les joueurs parcouraient 4 km par match, en 2006 ils en avalent 12. C’est le jour le plus chaud pour l’Allemagne et les troupes médiatiques sont fatiguées. Des journalistes japonais dorment dans la salle de presse de Dortmund. La ville se prépare à une expérience historique, la circulation autour du stade est chaotique, les drapeaux rouge, noir et or flottent plus que jamais, on est à la limite de l’indigestion. C’est l’allégresse mais les buts de Fabio Grosso et Alessandro Del Piero auront l’effet inverse. Après l’un des meilleurs matches du Mondial, les joueurs de la Mannschaft pleurent comme des gamins, leur coach Jürgen Klinsmann les console et leur demande d’aller saluer le public. Le rêve est fini. Il aura duré 26 jours.

Mercredi 5 juillet Lippi ne parle pas anglais

Marcello Lippi donne une conférence de presse. Uniquement en italien ! Il ne connaît pas d’autre langue et ne comprend même pas une question très simple posée en anglais. Les journalistes étrangers espèrent qu’un confrère transalpin fasse office d’interprète. A une époque où tout le monde essaie d’élargir ses horizons, Lippi n’a pas évolué. Et l’attaché de presse de la Squadra présent ce jour-là, pourtant en poste depuis plus de 20 ans, ne maîtrise que l’italien…

Jeudi 6 juillet Klinsi se fait prier

Klinsmann restera-t-il ou pas ? Le Bild-Zeitung, qui l’avait vilipendé voici quelques mois, pose la question aux 23 joueurs et sort un titre racoleur : – Klinsmann ne peut pas se permettre de quitter son poste. Le Bild va poser la question à ses lecteurs via un formulaire signé dans ce qui sera la plus grande consultation populaire écrite. Seul le sport déclenche de telles émotions. A chaque émission TV, on aborde le même thème. Tout le monde est amené à donner son avis, même la mère de Klinsmann qui avait lancé des pains à l’effigie de la Coupe du Monde dans sa boulangerie. Theo Zwanziger, un des présidents de la Fédération, est appelé devant les caméras. Il reste vague lorsqu’on lui demande si Klinsmann peut préparer l’équipe au Championnat d’Europe 2008 depuis les Etats-Unis. Il termine par :  » Klinsmann est quelqu’un qui se concentre sur un seul objectif. Et il a la volonté de bien faire. Il n’aime pas trop les combinaisons « .

Vendredi 7 juillet En attendant l’Afsud

A Berlin, on dévoile le logo de la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud. Il montre un footballeur noir, dessiné de manière abstraite, qui effectue un rétro. Des bandes vertes, jaunes, rouges et bleues lui apportent couleur et dynamisme. L’Afrique est un continent de douleur mais aussi de musique et de danse.

Le président Thabo Mbeki :  » Nous organiserons la Coupe du Monde la plus brillante et surmonterons l’apartheid « . Mais derrière ce bombement de torse se cachent de multiples défis. La construction ou la rénovation des stades n’a pas vraiment commencé et ils doivent être prêts à la mi-2008. Sepp Blatter demeure optimiste et parle de  » quelques contretemps minimes « , mais il sait très bien que l’investissement de la FIFA sera colossal. De plus, le tournoi se déroulera en hiver et il y pleut dans certaines régions du pays. A 18 heures, il fait nuit. Et la criminalité constitue toujours un problème…

Samedi 8 juillet Les derniers mots de Beckenbauer

Le Kaizer :  » Les supporters sont selon moi les grands gagnants de cette Coupe du Monde. J’ai également constaté que de nombreux fans sont des femmes « . Selon la police allemande, cette nouvelle réalité a contribué à sécuriser le Mondial.  » Nous plaçons également des femmes au sein de nos pelotons d’intervention, car nous constatons que la réaction des gens est très différente « . Beckenbauer continue à déplorer l’absence de l’Allemagne en finale, par une pirouette :  » J’ai vraiment apprécié de serrer la Chancelière Angela Merkel dans mes bras l’autre jour. J’aurais tellement aimé rééditer ce geste. Mais les Italiens ont fait en sorte que cela n’arrive pas. Je ne le leur pardonnerai jamais « .

Dimanche 9 juillet Auf Wiedersehen

A midi, la Mannschaft a droit à un dernier bain de foule à Berlin. Aucune ville n’a autant profité de la Coupe du Monde que celle qui était encore coupée en deux entre communisme et capitalisme, il y a 20 ans. Les Berlinois de souche se sont émus aux scènes de liesse des supporters. L’histoire de la ville ne s’efface pas d’un trait mais Berlin s’est aussi refait une nouvelle image. Sans les débordements racistes craints avant le début de la compétition.  » C’est la première fois depuis la chute du Mur que nous avons montré au monde que nous étions une métropole sémillante « , dit le maire Klaus Wowereit. La ville y prend goût : elle est candidate pour organiser la finale de la Ligue des Champions, recevra les mondiaux d’athlétisme en 2009 et rêve des Jeux Olympiques en 2016. Revers de la médaille que le maire oublie de mentionner : cette ville sans industrie regorge encore de sans-abri…

Quant le rideau tombe au Stade Olympique de Berlin, sur une fête gigantesque entre toutes les cultures, on se dit que le monde a été accueilli pendant 30 jours chez des amis. L’Allemagne tient à conserver ce slogan. Comme un signal fort de paix et de tolérance donné au monde.

JACQUES SYS, ENVOYÉ SPÉCIAL EN ALLEMAGNE

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